Pugno, Laura «Sirènes» (2020)

Pugno, Laura «Sirènes» (2020)

Autrice : Laura Pugno, née en 1970, est romancière et poétesse. Elle a été récompensée par plusieurs prix, dont le prestigieux Premio Campiello Selezione Letterati en 2017, il Frignano per la Narrativa, il Premio Dedalus, il Libro del Mare e il Premio Scrivere Cinema per la sceneggiatura. Son univers littéraire s’inspire largement du genre post-apocalyptique, du monde sauvage et des réflexions philosophiques sur le non-humain.
Sirènes est son premier roman traduit en français.

Editeur : Inculte-Dernière Marge – 3.6.2020 – 171 pages (Traduit par Marine Aubry-Morici)

Résumé : Dans un monde post-apocalyptique, dominé par les « yakuza », l’humanité s’éteint peu à peu, victime du cancer noir provoqué par les rayons d’un soleil maudit. Les riches vivent désormais sous terre, réfugiés dans les bunkers d' »Underwater ». Pour le bon plaisir de la « yakuza », on élève des sirènes destinées à être consommées sous forme de viande de mer. Mais dans ce monde qui se divise désormais entre ceux qui meurent et ceux qui jouissent, Samuel, simple surveillant dans un bassin d’élevage, se laisse un jour tenter par le plus dangereux des plaisirs : il s’unit à une sirène femelle.
Ainsi naît Mia, mi-sirène, mi-humaine, un être hybride porteur, peut-être, d’un nouvel espoir

 

Mon avis : Nous sommes au Japon, dans un futur où une épidémie de cancer de la peau, le cancer noir tue les êtres humains. Les humains sont obligés de vivre en intérieur et s’ils doivent s’aventurer dehors, il est impératif que leur corps soit entièrement couvert. Les pauvres n’ont d’autre avenir que la mort ; quant aux personnes qui peuvent payer, elles se sont réfugiées  sous les mers. Le tout sous la domination de la Mafia japonaise, les Yakusas.
Dans ce monde malade, qui court à sa perte, les sirènes jouent un rôle essentiel : elles sont la nourriture des humains, mais elles sont aussi l’objet de tous les fantasmes. Ces êtres de la mer sont les créatures qui s’approchent le plus des humains, qui, comme il se doit, succombent aux chants de ces créatures aquatiques.
Quand sa compagne Sadako décède, Samuel, qui travaille dans un centre de reproduction de sirènes à des fins d’abattage et de consommation, décide d’enfreindre les lois et de s’accoupler avec une sirène. De cet acte naitra une sirène mi-humaine, ce qui semblait impossible… la suite je vous laisse la découvrir. Je me permets juste de vous signaler que ce livre est terriblement froid et peu romantique et que les sirènes n’ont rien à voir avec les gentilles créatures qui peuplent nos rêves et nos dessins animés. Vous ne les verrez plus jamais de la même façon.
Je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement avec le livre d’ Agustina Bazterrica  « Cadavre exquis » (RL2019) . Le climat est de plus en plus un problème et j’espère juste ne jamais connaître la fin du monde car si l’après-monde devait être comme celui que nous propose l’autrice, je préfère ne pas le voir.. Glaçant! Les personnages sont fascinants mais pour s’y attacher, bonne chance!

Extraits :

On l’appelait cancer, mais c’était bien plus qu’une prolifération affolée de cellules. C’était, du moins selon le Mermaid Liberation Front, le châtiment divin pour ce que l’espèce humaine avait fait aux sirènes.

Elles vous regardaient avec des yeux vides, éteints, d’un vert marine ou d’outremer, les membranes nictitantes de leurs paupières pareilles à des morceaux de plastique sale, leur visage presque encore un museau – semblable à celui d’une vache, pensa Samuel –, tandis que ce qui compliquait leur corps, c’était leur longue chevelure – si tant est que l’on pût désigner ainsi l’unique masse élastique bleu-vert ou azur vif qui descendait le long de leur dos et ondoyait dans l’eau comme les tresses de la plus belle des adolescentes –, leurs bras vert clair aux mains palmées et leurs seins toujours gros et lourds aux mamelons vert foncé, très durs, dont sortait, pendant l’œstrus, un lait douceâtre.

Aussi voraces que leur réputation le disait, les sirènes, une fois domptées et domestiquées, ne chantaient pas pour l’oreille humaine. Elles émettaient parfois un cri strident de mouette ou de phoque, mais leur véritable chant était un appel ultrason, qui rendait les chiens fous et, bien qu’il fût imperceptible pour lui, peut-être l’homme aussi.

Quelque chose avait changé dans l’atmosphère, dans les couches protectrices qui séparaient la Terre de son étoile, et désormais le soleil semblait vouloir dévorer l’humanité, tel un dieu mauvais. Un dieu aztèque qui aurait exigé des sacrifices.

Le monde dans lequel Samuel était né ne connaissait pas l’existence des sirènes. Il était enfant lorsque, quelques années après la pêche d’un premier spécimen – la grande découverte –, eut lieu l’Hécatombe.

Quand on était soumis au memory cleansing, le souvenir heureux qui précédait immédiatement le traumatisme acquérait une plus grande intensité.

les demi-albinos, avec leur peau blanc argenté légèrement plus douce que les autres, étaient les sirènes les plus semblables à la femelle de l’espèce homo sapiens.

Que ces chères créatures, féroces reines de la mer, fussent élevées dans le seul but d’être envoyées à l’abattoir la dégoûtait.

Mythologie : Yemanjá, l’Afro-Brésilienne, déesse des eaux.

3 Replies to “Pugno, Laura «Sirènes» (2020)”

  1. Comme tu as écrit que l’autrice est aussi poétesse ça m’a tout de suite attirée : j’aime beaucoup la poésie et les styles d’écriture poétiques car ils sont souvent plus concis que les autres, minimalistes sans rien perdre de ce qui doit être dit… D’après les extraits que tu donnes ça a l’air d’être au top du point de vue style. En espérant que ça fasse pas trop flipper…je vais voir à la médiathèque s’ils l’ont dans la base. Merci 😉

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