May, Peter – « L’île du serment » (2014)

May, Peter – « L’île du serment » (2014)

Résumé : De mémoire d’homme, aucun meurtre n’a jamais eu lieu sur l’île d’Entrée, située dans l’archipel de La Madeleine, à l’est du Canada, et peuplée par une poignée de familles d’origine écossaise pour la plupart. Jusqu’à cette nuit de tourmente où James Cowell est poignardé à mort. Sa femme prétend qu’un assaillant s’en est pris à elle avant de tuer son mari, mais tous suspectent cette épouse d’un couple vacillant. Tous, sauf Sime Mackenzie. Seul anglophone parmi les enquêteurs envoyés sur place, il éprouve un choc en découvrant Kirsty Cowell. Le sentiment irréfutable de la connaître depuis toujours. Isolé dans une équipe où œuvre comme spécialiste des scènes de crime son ex-femme Marie-Ange, meurtri par l’échec de son mariage, rompu par l’insomnie, Sime sombre dans un état second où la réalité se mêle à des rêves étranges, faisant ressurgir l’histoire de son aïeul, expulsé de l’île de Lewis dans les années 1850, au moment de la Famine de la pomme de terre. Avec la certitude folle que le destin de Kirsty comme le sien se sont noués là, quelque cent cinquante ans plus tôt, dans un amour interdit qui n’a cessé de brûler ni de hanter. Le face-à-face entre le détective et la suspecte sur une falaise escarpée de l’île d’Entrée se superpose à l’image sépia d’une adolescente embrassée à l’ombre des pierres levées puis perdue sur un quai de Glasgow, dans le tumulte d’un navire qui déporte des milliers de misérables vers le Nouveau Monde.

Après son inoubliable trilogie de Lewis, Peter May nous ramène à son Écosse, magnifique et persécutée. De part et d’autre de l’Atlantique, les îles balayées par les vents sont le cadre d’un serment tragique. « Gus am bris an latha agus an teich na sgàilean. » Jusqu’à ce que le jour se lève et que les ombres s’enfuient.

Mon avis : Si vous avez aimé la trilogie écossaise, vous allez adorer ! Je l’ai commencé et je ne l’ai plus lâché. C’est un roman policier et une intrigue qui est intéressante qui nous fera voyager entre deux continents et deux époques … mais pas que… Une fois encore c’est une ode à l’Ecosse, à ses paysages. La nature en adéquation avec le caractère et la vie des hommes, la vie dans des régions reculées et un coup de projecteur sur une partie de l’histoire écossaise. Une partie très émouvante de l’histoire écossaise que l’auteur utilise comme fond historique dans un roman policier (Lowland Clearances : des milliers de paysans que l’on forcera a quitter leurs terres en incendiant leurs maisons et massacrant leurs familles avant de les faire embarquer de force dans des bateaux pour les amener dans le « Nouveau monde » ) . Un livre sur l’importance de vos racines. Qui êtes-vous, d’où venez- vous ? Quelle est la résonnance de votre passé dans votre vie… Et toujours le talent de l’auteur qui fait des descriptions qui me vont droit au cœur, qui me transportent en Ecosse…

Si vous voulez écouter l’auteur ( en anglais avec son délicieux accent) : http://www.ur-web.net/PeterMayMain/Otherwork.html#VideoEI

Extraits :

Quand le sommeil ne venait pas, le temps se mettait à ramper telle une tortue géante.

Le vent forcissait en provenance du sud-ouest, balayait le sommet des falaises et, sur son passage, couchait à terre tout ce qui avait le malheur d’y pousser. Le soleil, d’abord voilé par des nuages d’altitude, avait finalement été avalé par les nuées d’orage qui progressaient rapidement au-dessus de la masse gris ardoise de l’océan

La pluie tombait par salves et rafales. Ce n’était que l’avant-garde. Le gros du grain était visible au-dessus de l’océan, une brume sombre qui progressait dans leur direction.

Une vraie relation se fonde sur la confiance et la compréhension, le partage des petites choses. Des moments de joie et de rire. S’apercevoir que l’on vient d’avoir la même pensée ou que l’on s’apprêtait à dire quelque chose d’identique

je réalisais qu’il admirait son reflet dans la fenêtre pendant qu’il me parlait. Il était en représentation devant son public imaginaire. Posant pour des photographies que personne ne prenait

C’est comme… » Elle chercha ses mots, « comme si j’attendais quelque chose. Si je pars, je risque de le manquer. »

La mer, saisie de rage, se levait et se creusait, formant des masses écumantes d’eau grise semblables à du plomb en fusion.

Combien de souvenirs malheureux de leur mariage promis à l’échec imprégnaient-ils cette maison, ayant pénétré son âme, comme les veines dans le bois

Une vieille maison en bois construite au début du XXe siècle, plongée dans l’ombre de trois arbres immenses qui la surplombaient, comme une menace.

Lorsque j’étais très jeune, il me semble que je savais beaucoup de choses sans vraiment me souvenir comment ni où je les avais apprises

À huit ans, mon univers était minuscule face à l’immensité du monde. Toutefois, il remplissait ma vie. Il représentait tout ce que je connaissais

Je ne sais pourquoi, parce qu’aucun signe extérieur ne le laissait penser, mais je sentis de la panique flotter dans la pièce. Une panique silencieuse mais palpable, quand bien même on ne peut l’entendre ou la voir

Ses cheveux libres flottaient derrière elle comme un drapeau noir en lambeaux, s’enroulant et se déroulant dans le vent

Mais les mensonges peuvent être contagieux.  Comme les germes.  Une fois qu’ils sont lâchés,  les gens sont infectés.

Et ceux qui éprouvent de la culpabilité se sentent toujours mis en accusation, même par les plus innocentes questions

Il n’y avait aucun pot de crème ou de maquillage sur la commode, pas de peigne ou de brosse avec quelques cheveux pris dedans. Seulement des surfaces brillantes, sans un grain de poussière. La chambre était aussi stérile, semblait-il, que la relation qu’elle avait abritée

Il s’agissait de son espace personnel et, chaque surface encombrée, chaque étagère bondée parlait d’elle. Un mur entier était consacré aux livres

Les gens disent toutes sortes de choses. Et cette île est comme une serre, monsieur Mackenzie. Plantez-y une graine de vérité et, très rapidement, vous obtiendrez des mensonges à profusion.

Peu importe qui vous êtes, ou d’où vous venez, vous pouvez devenir qui vous voulez. Si vous le désirez suffisamment

« Nuit après nuit, après nuit. À fixer un putain de plafond en comptant ses battements de cœur. Les secondes qui deviennent des minutes, qui deviennent des heures. Et plus tu essaies de dormir, plus c’est difficile. Quand le matin arrive, tu es encore plus épuisé que la veille et tu te demandes comment tu vas tenir un jour de plus. »

Je ne sens pas le froid. Il n’est rien comparé à celui qui m’habite. Je fixe les nuages blancs et moutonneux qui filent en avant-garde de la tempête et des vagues d’émotion glacée s’abattent sur moi.

La mort passe, mais la lutte pour la survie continue

Il déroulait sa vie sur les derniers mois en une boucle sans fin, s’arrêtant pour la première fois sur tous les petits détails qui lui avaient échappé. Les signes révélateurs qu’il avait ignorés, consciemment ou pas

Je vois des matraques se lever et s’abattre juste devant mes yeux, comme les navettes qui vont et viennent au milieu de la trame sur un métier à tisser

Il désespérait de dormir. Pas pour se reposer, mais pour s’évader. Être quelqu’un d’autre, à un autre endroit, une autre époque

Il se retrouva noyé dans un silence assourdissant

Un soleil doux perça le ciel d’automne, transformant chaque arbre en vitrail naturel. Les dorés et les jaunes, les orange et les rouges des feuilles d’automne éclataient, vifs et lumineux, sublimés par les rayons du soleil qui transformaient la forêt en une cathédrale de couleurs

La forêt s’étalait devant lui à perte de vue dans toute sa splendeur bariolée comme un océan à la houle paisible

Qu’était-il arrivé à la joie, se demanda-t-il. S’évaporait-elle au soleil comme la pluie sur le bitume mouillé ? Était-ce autre chose qu’un moment passager qui n’existait que dans notre mémoire ? Ou un état d’esprit qui changeait comme le temps qu’il fait

Ça veut dire Jusqu’à ce que le jour se lève et que les ombres s’enfuient. C’est courant sur les tombes de ceux venant des Hébrides

La tempête était terminée et un soleil d’automne délavé jouait derrière les cumulus dorés qui moussaient dans le ciel et dessinaient des taches semblables à du métal précieux à la surface de l’océan qui peu à peu retrouvait son calme après la fureur de la veille

L’occasion pour lui de s’évader d’une vie qu’il avait jusque-là traversée comme un étranger

 

voir aussi :  May, Peter : article relatif à :  la trilogie écossaise

One Reply to “May, Peter – « L’île du serment » (2014)”

  1. Alors là je suis entièrement d’accord avec ton analyse du roman ! moi aussi j’ai adoré ces deux histoires qui mêlent passé et présent même si la rencontre de ces deux êtres est un peu improbable… on se laisse emporter vers ces contrées lointaines (dans le temps ou l’espace) avec délice et aussi de la colère quant à l’histoire de la famine de la pomme de terre et des horreurs qu’elle a entraînées…

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