Barbash, Tom « Beautiful Boy » (RL2020)

Barbash, Tom « Beautiful Boy » (RL2020)

Auteur : Diplômé de Stanford et de l’université de l’Iowa, Tom Barbash s’est fait connaître en France en 2015 avec un recueil de nouvelles, Les Lumières de Central Park, largement salué par la presse. Il vit aujourd’hui en Californie et enseigne la littérature au California College of Arts.

Albin-Michel – 30 septembre 2020 – 416 pages  (Traductrice : Hélène Fournier) – Titre original « The Dakota Winters »(2018)

Résumé : New York, 1980. A l’angle de la 72e Rue et de Central Park West, le Dakota Building impose sa silhouette étrange et légendaire. De retour d’une mission humanitaire en Afrique, le jeune Anton Winter y retrouve ses parents et l’appartement familial. Son père, Buddy, animateur vedette de la télévision qui a fui les projecteurs après une dépression nerveuse, lui demande alors de l’aider à relancer sa carrière. Or, dans cet immeuble où l’on croise Mick Jagger, Gore Vidal, Lauren Bacall ou Ted Kennedy, vit aussi un certain John Lennon, qui pourrait être utile à Buddy pour reconquérir le cœur du public. Mais à mesure qu’Anton s’investit dans sa mission et se lie d’amitié avec le chanteur, il ne peut que remettre en question l’influence de son père sur ses propres ambitions, tandis qu’un certain Mark David Chapman s’apprête à faire couler le sang…

Après Les Lumières de Central Park, Tom Barbash signe un magnifique roman, entre récit d’apprentissage et fresque sociale, qui interroge la célébrité et les relations père-fils, tout en faisant revivre le New York de sa jeunesse et l’auteur de « Beautiful Boy », chanson que Lennon dédia à son fils Sean sur son dernier album.

Mon avis :

Bienvenue dans l’univers du « Dakota Building », (cet immeuble mythique qui est une parcelle de l’histoire de la ville à lui-tout seul), de Buddy Winter, de John Lennon (ce sont pour moi les trois personnages principaux du livre), du fils de Buddy, Anton, qui occupe une grande place dans le livre mais est de fait une sorte de anti-héros. Un fils qui est de fait l’ombre de son père, qui à la fois vit dans son sillage et est sa béquille, son roc, mais tente aussi de lui échapper, de s’affirmer en tant qu’individu, de se construire une vie propre, ce qui l’entraine de fait à mettre sa vie en danger
Un livre qui respire et vibre comme New-York (enfin comme New-York normalement), un New-York qui pétille, fourmille, sans cesse en mouvement. Un livre qui fait revivre les années 70/80, ces années de folie, de démesure et de liberté, un livre qui regorge d’anecdotes, dans lequel on croise une myriade de personnes connues (monde de la politique, des médias, du sport, de la culture, du show-business, du cinéma). Dans ces années 70-80, les ténors des médias et de la vie sociale forment une société de lumière. Mais ces lumières sont artificielles et cette vie dans laquelle les moteurs sont l’argent et la célébrité est destructrice et conduit les gens à péter les plombs. C’est le cas de Buddy Winter, qui disjonctera en direct, tout comme John Lennon avait explosé lors d’une altercation dans une boîte de nuit. Ce livre est aussi une immersion dans le monde de la télévision et des talks-shows que j’ai trouvé particulièrement intéressante.
Buddy va se trouver sans émission de télévision mais il n’est pas dans ses moyens de vivre sans travailler, et il n’est pas dans son mode de fonctionnement de renoncer à la gloire, aux paillettes et aux lumières.
Le Dakota n’est pas qu’un immeuble, c’est une adresse, certes, mais c’est surtout le reflet d’une condition sociale et ne plus avoir les moyens d’y vivre serait l’aveu de l’échec, de la déchéance sociale. Et comment accepter un statut d’ex-star ? et le regard des gens qui va avec…
Ce n’est pas dans le caractère de Buddy de se ressourcer en allant affronter les éléments déchainés. Pour reprendre sa place au sein des personnalités médiatiques, des questions se posent … faut-il s’appuyer sur ses forces et ses faiblesses, laisser transparaitre un côté humain et empathique ou faut-il manier humour, ironie et attaques pour faire rire aux dépens des autres ? Faut-il faire le Show à n’importe quel prix ? Vivre sa vie comme un combat ?  Faire rire ce n’est pas facile, et si le rire ne s’appuie pas sur le réel, il sonne faux ; mais la vérité, cela fait mal…

Un livre qui nous entraine, qui nous speede, qui est plein d’humour et qui est de fait un document sur l’époque. Mais pas que…

Le Dakota, un immeuble divisé en deux, comme la société américaine : les flamboyants et les invisibles. Ce livre est le livre des contrastes, des oppositions, c’est la personnification de l’Amérique. Ceux qui réussissent, ceux qui s’enlisent, les gagneurs, les suiveurs, l’apparence, le rêve américain… Une question se pose : existe-t-il une deuxième chance, une deuxième vie quand la réussite vous lâche ? Comme l’auteur le dit très justement « Au cas où tu te serais demandé s’il y avait un deuxième acte dans la vie d’un Américain. ». C’est le temps d’après tant pour Buddy que pour Lennon… A la différence qu’ils ne le vivent pas de la même manière… Pas seulement pour une histoire d’argent. Lennon sera toujours Lennon… ex-Beatles peut-être mais toujours star ! Et coïncidence pour coïncidence, cette période est un nouveau départ à la fois pour Buddy et pour Lennon, après une interruption de carrière.
C’est aussi le livre des relations familiales, plus exactement des rapports père-fils. Est-il possible de concilier ambition et vie sereine ? Quelle est la place des parents vis-à-vis des enfants ? et l’inverse ?

Un très grand merci aux Editions Albin-Michel et leur remarquable Collection « Terres d’Amérique » qui m’ont fait parvenir gracieusement ce livre. Je serais sans doute passée à côté d’un excellent roman que je recommande vivement. Et puis, comme je suis fan des Beatles, j’ai adoré passer un petit moment en compagnie de l’un d’entre eux 😉…

Cette lecture m’a donné envie de poursuivre mon aventure new-yorkaise avec un livre que m’a recommandé une amie :  le roman d’Ariane Bois « Dakota Song » paru en 2017… et que je vous conseille à mon tour.

Extraits :

« Faire une course de ski de fond en portant une carabine sur le dos, ce n’est pas un sport ; c’est L’Espion qui m’aimait. »

En vérité, il m’arrivait de ne plus très bien savoir où finissaient les pensées de mon père et où commençaient les miennes.

Ce que je veux dire c’est qu’on devrait utiliser ce qui s’est passé au lieu de le fuir.

ces deux moi que nous avons tous en nous, et de la nécessité de faire taire le jumeau maléfique qui ne cesse de nous balancer à la figure :Tu es un incapable ! ou Bouge tes pieds !, ou Comment peux-tu perdre face à ce raté ?

Et puis il y a eu Rosemary’s Baby, qui a fait pour le Dakota ce que Les Dents de la mer feraient pour l’océan. Les vieux voisins aimables sont devenus d’un coup des satanistes prêts à vous féconder avec la semence du diable. J’avais l’impression de vivre dans un château hanté, ce qui n’était pas pour me déplaire car ça tenait à distance les bégueules et les craintifs.

Les parents sont censés être des points de repère fixes, pas des peintures abstraites.

Il m’a confié qu’il n’avait pas vu assez grand, qu’il fallait faire des rêves suffisamment ambitieux pour qu’on ne puisse pas les réaliser de son vivant. Il avait toujours voulu posséder un voilier, sa propre plantation et un million de dollars. Il y était parvenu et avait fini par faire une dépression.
– Pourquoi ?
– Il n’avait plus d’objectifs à atteindre. »

Quelle putain d’existence auras-tu vécue et, devenu vieux, te réveilleras-tu un jour pour t’apercevoir que tu auras passé ta vie à cultiver le rêve défraîchi de quelqu’un d’autre ?

La célébrité ressemblait à une malédiction, à quelque chose que vous ne pouviez pas fuir. Elle vous suivait partout, et il vous était impossible de choisir de retomber brusquement dans l’anonymat. Quand vous alliez prendre un verre dans un bar ou faire des courses dans un grand magasin, il pouvait s’écouler quelques minutes ou parfois quelques heures avant que l’on vous reconnaisse, mais ensuite c’était cuit. C’est comme si vous étiez recherché par la police, que votre photo était partout, tel Cary Grant dans La Mort aux trousses quand il est à Grand Central et que le guichetier comprend soudain que c’est lui.

 

2 Replies to “Barbash, Tom « Beautiful Boy » (RL2020)”

  1. J’ai trouvé les premiers chapitres très prometteurs. Le style est fluide, on apprend à connaître les différents protagonistes et on est plongé dans l’ambiance de New York à la fin des années 70. Malheureusement, une fois le décor et les personnages posés, on attend que l’intrigue démarre et ça ne se produit pas. On a le récit d’un type qui passe à côté de sa vie pour aider son père à vivre la sienne et tout cela manque de consistance.

    Je suis allée au bout par respect pour l’auteur parce qu’on ne peut pas dire que « Beautiful Boy » soit un mauvais roman et aussi parce que tu as aimé mais j’ai vraiment l’impression d’être passée à côté de ce bouquin.

    Certes, il y a New York, le Dakota et Lennon mais, sur le même thème, j’ai préféré de loin « Dakota Song » de Ariane Bois.

    1. Si les personnages ne sont effectivement pas super attachants, le contexte et les problématiques évoquées sont tellement bien traitées , New-York tellement bien décrite que cela reste un coup de coeur.

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