Utroi, Wendall «La loi des hommes» (RL2020)

Utroi, Wendall «La loi des hommes» (RL2020)

Auteur : Wendall Utroi, auteur français de romans à suspense. Policier aux différentes facettes, officier de police judiciaire (OPJ), instructeur, Wendall Utroi est curieux de tout et attiré par les missions à l’étranger. Il a commencé à écrire son premier roman « Un genou à terre » alors qu’il était en mission en Afghanistan en 2009. Ancien policier formateur, vit aujourd’hui à Romans-sur-Isère. Il diffuse son premier roman sur Internet en 2014 et rencontre un succès inespéré. Auteur de sept romans, il reçoit en 2018 le Prix des lecteurs des plumes francophones. L’un de ses romans, Wanda, a fait l’objet d’un court métrage tourné au Canada ayant remporté deux prix internationaux. En 2018 « La tête du lapin bleu » qui ressort en 2020 sous le titre « Les yeux d’Ava». En 2020, il publie « La Loi des hommes » aux Editions Slatkine et en 2021 « Le paradis des vauriens », toujours chez Slatkine. En 2024 il publie « Le courage des lâches » aux éditions La Trace.

Editions Slatkine et Cie – 1.10.2020 – 400 pages

Résumé : Une plongée glaçante dans le Londres de l’époque victorienne Jacques est homme à tout faire pour la mairie de Houtkerque, dans le Nord. Un jour, alors qu’il est chargé d’entretenir le cimetière du village, il découvre des mémoires, rédigées en anglais. Aidé par sa fille, il se met en tête de les traduire, et comprend que leur auteur est un inspecteur des mœurs de Scotland Yard ayant vécu en pleine époque victorienne.
Il découvre alors une incroyable histoire de trafic de jeunes vierges dans le Londres de Jack l’Eventreur. Des jeunes filles, à peine sorties de l’enfance, livrées en pâture à la bonne société anglaise. Même la famille royale est éclaboussée. L’aller-retour entêtant, entre hier et aujourd’hui, entre cette loi des hommes et les violences faites aux femmes.

Mon avis :
J’ai énormément aimé ce roman qui nous replonge dans l’ambiance si particulière de L’Angleterre Victorienne. L’atmosphère y est, le contexte historique et social est très bien reconstitué et ceux qui aiment les polars historiques passeront un excellent moment. Et ceux qui ont un peu peur du côté historique, ils ne seront pas non plus ensevelis (!) sous une avalanche de données. C’est l’histoire racontée qui dépeint l’époque et qui accompagne le récit sans noyer le lecteur dans une foultitude détails. Je pense que les lecteurs qui aiment les romans de Anne Perry (les séries Monk et Pitt) devraient beaucoup apprécier de roman.
Au XXIème siècle, un fossoyeur français déterre une cassette contenant un manuscrit datant de la deuxième moitié du XIXème siècle, écrit en anglais. La curiosité est un vilain défaut mais pour notre grand plaisir, notre fossoyeur a soif de découvrir les secrets du passé (une chasse au trésor ?) et sa fille parle anglais… Il décide de prendre connaissance des écrits enfouis depuis plus d’un siècle avant de les enterrer à nouveau.
Et là, j’ai été happée par l’histoire de la vie de ce policier de Scotland Yard qui va mettre les pieds là où il n’aurait pas dû… Un personnage qui met son humanité au service de la vérité.
J’ai pataugé avec lui dans les bas-fonds de Londres, j’ai découvert des personnages attachants, complexes, des intrigues, le poids du passé, la corruption, côtoyé le monde des miséreux et celui des puissants…
J’ai découvert une écriture fluide et une façon de présenter les choses qui m’a beaucoup plu. Dès le début j’étais dans le mode de lecture « et alors ? et alors ? » qui vous fait tourner les pages et vous interdit de poser le bouquin…
Il y a quand même un regret … ce bon J. Wallace Hardwell étant mort et enterré (et même ré-enterré) il ne va pas reprendre du service!
J’ai aussi bien aimé la manière de l’auteur de faire se côtoyer le XIXème et le XXIème siècle de manière naturelle, sans faire des allers-retours qui sont parfois dérangeants.

Mais le plus terrible c’est quand, à la fin du roman, une question se pose… est-ce mieux maintenant ?
Côté politique : L’homosexualité est à l’époque passible de prison et de travaux forcés (on les pendait jusqu’en 1861)… maintenant c’est mieux mais il y a encore de quoi faire pour accorder les mêmes droits à tous les êtres humains.
C’est l’époque où le mouvement féministe prend de l’importance, le temps des débats à la Chambre des lords au sujet de l’âge de la maturité sexuelle, du consentement légal : une question se pose : est-ce mieux au XXIème siècle en France qu’en 1884?…
Coté justice, égalité des classes, égalité hommes-femmes, le chemin est encore long …

Un très grand merci aux Editions Slatkine et Cie pour leur confiance. Et un auteur que je vais suivre.

Extraits :

Mon expérience m’avait prouvé à maintes reprises que le pire ennemi d’un suspect reste lui-même. Leur offrir le temps de réfléchir, de s’inquiéter, de douter, constitue un atout majeur qui rend les voyous bien plus loquaces.

Par anticipation, on esquisse souvent le profil, le portrait de ceux qu’on s’apprête à découvrir. On construit une marionnette imaginaire et on la coud sur des stéréotypes avec le fil de l’expérience.

Arrivé à un certain âge, je crois qu’on fait peur. La mort, si elle ne parvient pas à te cueillir d’un seul coup, elle s’imprime jour après jour sur ta carcasse. La viande se ramollit, on s’affaisse, on perd la boule, on sent déjà l’odeur de la poignée de terre qu’on jettera sur nous une fois dans le trou.

— Un vent de panique   ! Si je comprends bien, vous représentez la voilure d’un navire en déroute.

On voit les pauvres mais on ne les regarde pas, la Chambre des lords a même fait voter une loi qui interdit la mendicité, comme si on voulait les cacher.

La mort m’a frôlée si souvent que je connais son parfum, elle ne me fait plus peur. Elle est devenue comme une voilette de dentelle noire devant mes yeux, elle me permet d’observer la vie avec un regard différent […]

Je vous implore seulement de ne pas me juger ni vous apitoyer, j’ai horreur de la pitié. La pitié, c’est ce que l’on offre à ceux dont on croit que le sort est joué. Je n’ai jamais baissé les bras, et je ne le ferai jamais.

L’homme me remerciait… alors que je venais de dévoiler un pan de sa vie des plus sombres et macabres. Fallait-il que le poids du secret soit lourd, pour qu’il en arrive là ?

Je sais qu’on peut avoir le cœur sombre comme le gouffre le plus noir, mais qu’il suffit d’une étincelle pour éclairer une âme. Que rien n’est figé, qu’on peut changer, simplement parce qu’on le souhaite. Quitte à se brûler les ailes.

7 Replies to “Utroi, Wendall «La loi des hommes» (RL2020)”

  1. Et alors..et alors??? C’est bien le sentiment que j’ai aussi éprouvé à la lecture de ce roman. J’ai adoré. Merci pour ce beau moment.

  2. Coucou Cath, ton avis de lecture m’a confortée dans l’envie de découvrir cet auteur qui a été encensé par Gérard Collard dans le journal de la santé avec Les yeux d’Ava (anciennement publié sous le nom La tête du lapin bleu). L’auteur lui même te complimente, c’est magnifique !
    Me voilà bien embêtée pour choisir un titre mais il sera mon prochain livre, ça c’est certain.

  3. Je poste mon petit avis sur cet auteur avec le titre La tête du lapin bleu. Je pense ne pas être faite pour ce genre de lecture, du moins ce n’est pas ce que je recherche dans la lecture. Je vais parler de l’histoire elle-même : celle d’Ava qui m’a énormément touchée car c’est une lente descente aux enfers qui n’en finit plus. Je suis intéressée par les thèmes qui y sont abordés : la précarité du statut de la femme qui est au foyer, sa dépendance à son mari , la possibilité de se retrouver sans rien, sans même un toit pour s’abriter. L’écriture est très fluide mais c’est une écriture presque parlé. Certes cela entraîne de vouloir tourner page après page au plus vite pour connaître l’histoire mais il m’a manqué le côté littéraire des mots, la façon de les assembler qui vous enchante, qui vous éblouit. C’est un page turner point barre. Quant à la crédibilité de l’histoire je n’ai presque pas envie de la juger tant il arrive parfois de sombrer dans un trou noir sans fond mais il semble tout de même que l’auteur a usé de ces profondeurs à outrance. J’ai pourtant parfois été émue jusqu’aux larmes, ce qui semble contradictoire mais c’est une réalité. J’essaierai tout de même un autre titre de cet auteur dans le futur, peut-être celui que tu as lu qui est plus historique et que tu as bien aimé Cath.

  4. Probable que sans C@t, ma soeurette, je serais passée à côté de cette enquête historique dont l’intrigue rejoint l’époque du roman « Les heures indociles » (Eric Marchal, Pocket 2019) et les bas-fonds londoniens décrits par le grand Dickens.
    On a tellement entendu parler de Jack l’éventreur qu’on en oublie (ou ignore) d’autres drames.
    La révélation des comportements cruels et sordides de certains personnages m’a fait froid dans le dos ; qu’on puisse vendre des êtres humains, enfants ou adultes, me révolte toujours.
    Je me dis que le monde n’apprend toujours rien de son histoire et de ses erreurs passées…
    Et j’ai pensé à Oscar Wilde, ce cher dandy, qui aurait mieux fait de fuir Queensberry, l’Angleterre et le scandale de Cleveland Street… et de se choisir un autre avocat !

    Le personnage de Wallace m’a plu, à cause de son côté justicier non violent, de son honnêteté et de son souhait de voir un monde meilleur.
    Extrait (page 376):
    « Je sais qu’on doit respecter les autres, surtout les plus faibles, ceux qui n’ont même pas un dé pur jouer, ceux pour qui la partie est perdue d’avance, et c’est ainsi que le monde ira mieux. Quitte à ce que cela se fasse dans la douleur. »

    Côté écriture, j’ai trouvé le style plaisant, rythmé par les allers-retours entre passé et présent.
    Petit bémol: l’usage un peu trop fréquent du « mais ». La langue française est riche de bien d’autres mots…

    Bref, un agréable moment de lecture 😉
    Merci Soeurette !

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