Vlautin, Willy « Devenir quelqu’un » (RLH2021)

Vlautin, Willy « Devenir quelqu’un » (RLH2021)

Auteur : Né en 1967 à Reno, Nevada, Willy Vlautin vit aujourd’hui à Scappoose dans l’Oregon. Il est l’auteur de Motel Life (2006), Plein nord (2010), Cheyenne en automne (2012), Ballade pour Leroy (2016) et Devenir quelqu’un (2021) tous publiés chez Albin Michel. Il est également auteur-compositeur et chanteur du groupe folk-rock Richmond Fontaine.

Albin-Michel – 03.02.2021 – 304 pages – (traductrice : Hélène Fournier) Titre original « Don’t skip out on me »

Résumé : A vingt et un ans, Horace Hopper ne connaît du monde et de la vie que le ranch du Nevada où il travaille pour les Reese, un couple âgé devenu une famille de substitution pour lui. Abandonné très tôt par ses parents, il se sent écartelé entre ses origines indiennes et blanches.
Secrètement passionné de boxe, Horace se rêve en champion, sous le nom d’Hector Hidalgo, puisque tout le monde le prend pour un Mexicain… Du jour au lendemain, il largue les amarres et prend la direction du sud, vers sa terre promise. Saura-t-il faire face à la solitude du ring et au cynisme de ceux qu’il croisera en chemin ? Peut-on à ce point croire en sa bonne étoile, au risque de tout perdre ?
À travers le portrait bouleversant d’un jeune idéaliste décidé, envers et contre tous, à trouver sa place dans le vaste monde, Willy Vlautin signe un roman pudique qui touche le lecteur en plein cœur.

Avis de William Boyle : « Un magnifique western et un grand roman sur la boxe, mais par- dessus tout un immense roman américain sur l’empathie, l’identité et l’espoir. Étourdissant et poignant »

Mon avis :

Un coup de cœur pour ce livre et pourtant le monde de la boxe est à mille lieues de ce que j’aime. Mais que ceux qui ont comme moi un peu peur de la violence et de la boxe se rassurent. Certes c’est le fil rouge mais il passe bien vite en arrière-plan.
C’est avant tout et surtout l’histoire d’un jeune qui va tout faire pour poursuivre son rêve : devenir « Champion de boxe ». Pour cela il va prendre sa vie en main, et faire tout ce qui est en son pouvoir pour poursuivre son rêve, quelque soient les difficultés et les obstacles à franchir. Mais poursuivre son rêve n’est pas un but facile à atteindre… surtout qu’il part de très loin…
C’est un parcours de vie difficile qui l’attend et il va lui falloir bien du courage pour avancer.
Ce jeune homme a débuté la vie avec un gros handicap :  abandonné par sa mère, rejeté par son père, ne se sentant appartenir à aucune communauté car il n’est ni indien ni blanc, il se rêve Mexicain comme les champions de boxe qu’il adule. C’est un être brisé dès sa naissance, mais qui va se battre contre lui-même, contre ses failles et ses faiblesses pour sortir de la noirceur et essayer d’aller vers la lumière.
Les seules personnes qui le comprennent et l’aiment sont un couple d’éleveurs de moutons qui font tout pour qu’il prenne confiance en lui et réalise ses rêves et qui, surtout, veulent croire en lui et ne pas lui barrer la route de l’espoir.
C’est un livre sur l’espoir, la solitude, l’importance de se réaliser et se faire confiance dans un monde dur et hostile. Le fameux « rêve américain » qui permet d’arriver au sommet en partant de rien est-il à la portée d’Horace ?
A la fois dur et extrêmement émouvant, le parcours de ce jeune homme rend hommage à ceux qui sont laissés pour compte, qui se sentent abandonnés et isolés, ceux qui ont peur des autres, vivent dans des situations de pauvreté ou d’échec, se sentent rassurés quand il sont seuls, n’ont pour véritables amis que la nature et les animaux (chevaux, chiens) …
Alors oui Horace se cherche une identité, il fait tout pour y arriver et en même temps refuse d’être un poids pour ceux qui croient en lui. Il force l’admiration en se lançant sur les routes, à la poursuite de son rêve, malgré son énorme manque de confiance en lui ; bien souvent il est à la limite de ses forces, au point de rupture, mais il se relève et avance, pour ne pas se décevoir et ne pas décevoir ceux qui veulent croire en lui. Et surtout il n’arrive pas à comprendre que des gens puissent avoir confiance en lui alors que lui-même se considère comme un poids mort, un inutile, incapable de réussir sa vie.
A la poursuite de son rêve, il quittera le ranch du Nevada du couple qui l’avait « adopté », les Reese, qui ne demandent qu’à le garder auprès d’eux et se mettront en retrait pour lui permettre de se construire tout en lui offrant leur amour et la sécurité d’un foyer aimant et d’un futur pour tailler la route vers le succès et devenir Champion de boxe sous le nom de Hector Hidalgo. La route est longue pour ce garçon qui frappe fort, qui est résistant (mais cabossable) à l’extérieur mais en miettes à l’intérieur et dont l’adversaire le plus coriace se révèle être lui-même, lui qui est constitué de doutes, de solitude, de peur … Celui qui se considère comme un « looser » parviendra-t-il à se dépasser et à devenir un « winner » ? Son rêve ne va-t-il pas finalement juste le détruire ?
Dans ce road-trip, j’ai aussi beaucoup aimé les descriptions détaillées des endroits qu’Horace traverse ou se pose qui donnent l’impression de partager le voyage avec lui.
Je referme ce livre extrêmement émue, bouleversée par ce roman, ce road-trip avec pour destination finale : décrocher la lune, devenir une étoile de la boxe, aller au bout du rêve et devenir celui qu’il a toujours souhaité être …
Des personnages qui se tiennent debout dans l’adversité, pétris d’humanité, attachants, que je ne suis pas prête d’oublier.

Un très grand merci aux Éditions Albin-Michel et sa collection « Terres d’Amérique » de m’avoir fait découvrir cet auteur que je vais suivre.

Extraits :

Pour devenir un champion, il faut bâtir soi-même son avenir. Il faut construire son canot petit à petit, une pièce après l’autre, jusqu’à ce qu’il soit indestructible, invincible. Et ce canot vous fera gravir les échelons jusqu’à ce que vous parveniez à celui des champions, et c’est ce que je vais faire.

Un champion pense uniquement aux choses qu’il peut contrôler et cherche à atteindre l’échelon supérieur. Et quand il y arrive, il pense à celui d’après.

« On apprend beaucoup de choses quand on habite en ville. Et notamment qu’on est seul même quand on est entouré de gens.

– Tu sais, je pensais à Boss récemment. Tu l’as vraiment bien dressé. Je n’aurais jamais cru qu’il y arriverait.
-Il a toujours voulu être un bon cheval. Mais il ne savait tout simplement pas comment s’y prendre.

Tu as raison, il faut croire en soi. C’est le plus important. Mais de temps en temps, on a besoin que la chance soit de son côté, et c’est ce qui vient de se passer.

De sombres pensées commencèrent à s’infiltrer en lui. Il était un moins que rien. Un Indien qui n’en était pas un. Un Blanc qui ressemblait à un Indien.

– Je te raconte ça pour que tu comprennes qu’il faut toujours tenter le coup, et se donner les moyens d’obtenir ce que l’on veut. C’est en prenant des risques que tu progresseras.

Le C.A.N.O.T. Construire le champion qui est en vous : Croire, Affronter, Naviguer, Oser, Triompher.

la vie, en elle-même, est un fardeau bien cruel car nous savons tous que nous venons au monde pour mourir. Nous naissons avec un regard innocent, mais ce regard finit inéluctablement par se poser sur la douleur, la mort, la fourberie, la violence, le chagrin.

Les gens se sentent seuls, et du coup ils ont tendance à prendre de mauvaises décisions. Moi aussi j’ai fait des erreurs, c’est comme ça qu’on apprend. Accorder plus d’attention aux actes qu’aux mots peut parfois t’éviter d’avoir du chagrin.

C’est épuisant de passer son temps à se haïr et à essayer d’être ce que l’on n’est pas. Ça laisse des traces.

Être soi-même demande d’avoir du cran.

2 Replies to “Vlautin, Willy « Devenir quelqu’un » (RLH2021)”

  1. Wahou quel coup de cœur! C’est très tentant de te suivre. Et puis soutenue par William Boyle dont j’ai adoré tout ce que j’ai lu. Je note ce titre.

  2. Voilà j’ai fini! Lu en 24h! Une histoire infiniment juste , trés émouvante sans pathos inutile , pleine de tendresse aussi sans eau de rose. Et les dernières lignes qui vous laissent KO. C’est sûr que ces personnages et le destin d’Horace resteront longtemps gravés dans ma mémoire.

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