Barreteau, Virginie «Ceux des marais» (2021)
Autrice : Virginie Barreteau est née en 1976. Elle est autrice pour le théâtre (La Centrale et la Geste des endormis, éditions Quartett) et comédienne ; elle a également mis en scène quatre de ses pièces. Ceux des marais est son premier roman.
Editions Inculte – 3.3.2021 – 192 pages
Résumé : Dans un pays de marais, au début des années 1960, un docteur rend visite à ses patients en flottant sur sa « plate », la sorte de barque qu’on utilise dans ce coin-là. De maison en maison, d’îlot en îlot, il sillonne ce paysage d’eau et de limon. Ses tournées le mènent à la rencontre d’une population miséreuse et isolée, réduite à quelques poignées de familles, auprès desquelles il fait office de vigie autant que de guérisseur.
Passionné de photographie, il a aussi l’étrange manie de faire poser les habitants pour lui, comme s’il cherchait à ausculter à la fois l’intérieur et l’extérieur des êtres. Il devient ainsi le témoin de leurs vies, l’archiviste de leurs traces, le gardien de leur mémoire – et le révélateur des troubles qui circulent entre les corps. Mais lorsque Pacot, l’un de ceux des marais, disparait mystérieusement, son absence perturbe le cours immuable de ce microcosme.
Dans une prose imprégnée parle parler de ses personnages et par la poésie crue des paludes, ce roman tout en clair-obscur montre la lumière discrète et obstinée qui émane de la vie des gens de peu. A l’image de l’éclat brusque du flash photographique, il révèle la fragilité et l’archaïque entêtement des existences humaines.
Mon avis : Alors la Vendée des années 1960 … ce que cela a pu m’ennuyer !!!
Je m’attendais à une description des marais, mais du style mystérieux, entre ombre et brouillard, avec des personnages attachants. Mais malheureusement je n’ai rien trouvé d’attachant, rien de nimbé de brume et de sensualité… Je n’y ai vu que de la boue, du sale, du glauque, du sordide.
Un medecin qui se sert de son objectif à la fois pour prendre de la distance avec les gens et à la fois pour se payer d’une certaine manière quand les gens n’ont pas de quoi le rémunérer..
Certes la vie dans les marias dans les années 60 était dure mais un petit rayon d’humanité dans ce monde n’aurait pas fait de mal… Le flash fait ressortir le sombre et je dois dire que je n’ai pas été touchée par les personnages, je n’ai pas ressenti d’empathie. Tous m’ont paru faux, fuyants, gris dehors et sombres à l’intérieur. AU programme, maladie, viol, meurtre, accouchements difficiles, mort, folie, peur, défiance, disparition, fuite…
Et la photographie dans tout ça ? oui… un miroir révélateur de la « sombritude »…
Déjà que je ne suis pas très ruralité, là j’ai été jusqu’au bout mais j’ai ramé, comme rarement … et je n’ai pas du tout du tout été conquise… Mis à part quelques jolies phrases, j’ai tout détesté dans ce roman… (l’ambiance, les personnages, les histoires, le négativisme) … Un des flops de l’année.
Extraits :
C’est la sclérose des jours ici qui rend malade, l’inertie. Ce à quoi sa femme, calme et immobile, semble se résigner ; cette résignation le met parfois dans une colère à casser les pierres.
Il fait geindre la porte, elle se referme avec le son mat d’une ventouse.
Les journées sont longues et ne servent plus à rien.
il aime les développer ses images, en utilisant des matières minérales et animales, empruntant leur technique aux peintres d’icônes.
À cinq heures. L’heure où la lumière va éclairer les choses, puis l’heure où elle va s’en abstraire, les renvoyant à leur masse, à leur solitude.
Les champs, les canaux, les mares, les ruisseaux, ce qu’il en raconte est comme le paysage d’ici, d’une platitude à vous assommer.
Le lendemain, le vent est calmé, le paysage d’un gris humide et lumineux. Parfois il se couvre à nouveau, une immense cloche de bronze se referme alors sur le marais. Puis par quel miracle ? ça se soulève lentement ou se fissure soudain pour laisser passer un rayon.
Cette maison déjà, y l’avons sortie d’terre en une nuit. C’est ses parents à elle ! » À l’époque, ça se faisait que la commune, si en une nuit la maison était construite et qu’au matin la cheminée fumait, alors elle allait pas chercher des problèmes, la commune.
Cet objectif, leur semble-t-il, attrape quelque chose d’eux, sans qu’ils puissent en avoir la maîtrise, et qui, dès lors, ne leur appartient plus. Cela touche à la sorcellerie, pensent-ils sans oser lâcher le mot. Certains pensent même qu’une partie de leur esprit s’en va, les quitte avec la photo, ils en ont déjà si peu, pense-t-il en riant.
pour les Amérindiens, les doubles photographiques avaient une existence réelle, indépendante, comme autant de spectres, de répliques d’eux-mêmes, qui continuaient d’exister, fixés dans l’instant de la prise. Ces doubles portaient un nom, mais ça ne lui revenait pas. Une personne ne pouvait pas mourir complètement si ses doubles persistaient. Il fallait les lui ramener, ou les brûler.
Ils sont taillés comme des menhirs et ne cherchent qu’à disparaître, qu’à esquiver face au regard, ils ont honte, ils n’aiment pas qu’on porte le regard sur eux.
Aucalis, fleur précise, baromètre du berger, même sèche reste ouverte et se referme comme les doigts de Véronique quand vient l’humidité.
Ça lui revient maintenant, ils avaient parlé de la Chine à l’école de médecine. Il cherche dans ses souvenirs tout en poussant la rame dans la vase, les médecins protégeaient la santé des habitants, ils observaient l’équilibre, comme un pouls, ils l’écoutaient et, quand ça commençait à battre de travers, ils donnaient des soins, traitaient pour éviter que le mal plus tard ne se mette dedans et qu’ensuite, ils aient à guérir des pots cassés.
« Mais ici y a que ça des pots cassés… »
On les réparait, les pots cassés, avec de la laque et de la poudre d’or, il ne se souvient plus où ni quand. Il l’avait appris à l’école de médecine également, comme une philosophie utile aux futurs soignants. Ou bien c’était encore ce même camarade qui lui avait raconté pendant une pause. S’il avait sa photo sous les yeux, alors ça lui reviendrait…
Chaque fêlure, chaque brisure était ainsi mise en valeur et redonnait au pot une seconde vie.
Maintenant, les scènes peuvent apparaître. Il appelle ça des scènes. Pour lui, ces images ne sont pas seulement des images, elles continuent de vivre, en elles-mêmes, dans et avec la matière, elles deviennent matière.
Car cette réalité, leur réalité à eux, il préfère la contourner, la recomposer avec son appareil photo, la sublimer par l’image, il ne peut pas la regarder en face, dans sa crudité, il ne veut pas la voir, la vraie misère, celle qui mène au viol, au crime.
Vocabulaire :
Bourrine : habitation traditionnelle du marais breton vendéen, les murs sont construits avec un mélange de terre, sable, eau et paille couverte d’une toiture de roseaux, elle est un exemple de l’exploitation des ressources locales pour la construction de bâtiments.
Gringotter : Chanter, pour certains oiseaux : rossignol, serin, grive. … (Vieilli) Chantonner plus ou moins mal.
Ningle : Il s’agit d’une perche de bois employée en Vendée, dans le marais breton-vendéen. Longue de plus de 3 mètres, la ningle permet de franchir les fossés en se propulsant d’une rive à l’autre.
Rabâterie : le mot “rabat” désigne un revenant, un fantôme, voire un lutin. Ainsi, les fantômes « rabâtent », c’est-à-dire qu’ils font du « raffut ». En ancien français, « rabaster » prenait le sens de « faire du tapage », « frapper, chamailler ».
polaïe : (ou paulaïe) est une danse traditionnelle de Vendée, qui est une forme archaïque de la grand-danse.
C’est une ronde chantée qui existe sous deux formes : ronde à pas unique ou ronde en deux parties. Dans la forme à pas unique, les danseurs évoluent vers le centre en déplaçant la ronde vers la gauche. Dans la version postérieure en deux parties : les danseurs évoluent vers le centre dans la première partie et dans la seconde les danseurs se déplacent sur le cercle dans le sens des aiguilles de la montre.
One Reply to “Barreteau, Virginie «Ceux des marais» (2021)”
Bon je ne peux pas le classer dans les flops mais ce n’est pas du tout un coup de coeur. Un livre, un de plus, c’est tout.
Ecriture immersive dans le marais poitevin en 1962. Un docteur visite ses patients à bord d’une barque dans une immensité d’entrelacs d’eau. Les gens vivent repliés sur eux-mêmes avec peu de moyen et payent parfois le docteur en nature et parfois en photo, l’autre passion du docteur. A travers ces clichés qui fixent l’instant, il capte ce que son œil ne décèle pas, un instant, un regard perdu un peu plus loin, un regard qui se perd dans ses propres pensées et qui dévoile son intérieur, le pudique qui révèle l’impudique. Parfois certains acceptent cette demande d’être photographiés d’autres la jugeant un peu louche, car ces gens-là ne veulent pas que l’on fouine dans leur vie.
L’écriture naturaliste, surprend, déroute par les chemins qu’elle arpente. Parfois j’avoue, j’étais perdue car tout de long je n’ai jamais su où l’auteure voulait aller. C’est ce qui m’a dérangée dans ce livre.
Il y a aussi ces descriptions de fausse-couche, accouchements, qui m’ont déroutée, cette impudeur m’a choquée car j’ai ressenti qu’elle allait sans but.
Alors je ne peux pas dire comme Catherine que j’ai tout détesté de ce livre mais il m’a, par moments intriguée et par moments ennuyée.