Maupassant, Guy de « Le Horla » (1886 -1887)

Maupassant, Guy de « Le Horla » (1886 -1887)

Auteur : Henry-René-Albert-Guy de Maupassant est un écrivain et journaliste littéraire français né le 5 août 1850 au château de Miromesnil à Tourville-sur-Arques (en Seine-Inférieure) et mort le 6 juillet 1893 à Paris.
Lié à Gustave Flaubert et à Émile Zola, Maupassant a marqué la littérature française par ses six romans, dont Une vie en 1883, Bel-Ami en 1885, Pierre et Jean en 1887-1888, et surtout par ses nouvelles (parfois intitulées contes) comme Boule de Suif en 1880, les Contes de la bécasse (1883) ou Le Horla (1887). Ces œuvres retiennent l’attention par leur force réaliste, la présence importante du fantastique et par le pessimisme qui s’en dégage le plus souvent, mais aussi par la maîtrise stylistique. La carrière littéraire de Maupassant se limite à une décennie — de 1880 à 1890 — avant qu’il ne sombre peu à peu dans la folie et ne meure peu avant l’âge de 43 ans. Reconnu de son vivant, il conserve un renom de premier plan, renouvelé encore par les nombreuses adaptations cinématographiques de ses œuvres3.

GF-Flammarion « Le Horla et autres contes d’angoisse » (1984) 250 pages
Licence : Domaine public de l’œuvre de Maupassant :
Version epub gratuite (BeQ)
Première version disponible sur :  www.inlibroveritas.net

 

Résumé : Par une belle journée de printemps, depuis son jardin, un homme salue un superbe trois-mâts qui passe sur la Seine. Mais, rentré chez lui, il est saisi d’un étrange malaise. Bientôt surviennent des événements mystérieux. Chaque nuit, de l’eau disparaît sans raison de la carafe posée sur sa table de chevet et son sommeil est interrompu par un même cauchemar : il croit sentir une créature invisible se pencher sur son corps et aspirer sa vie…
Confrontation avec l’invisible, expériences magnétiques, hallucinations : dans ce recueil qui réunit six chefs-d’œuvre de Maupassant, le cadre réaliste est sans cesse bouleversé par l’irruption du surnaturel et de la folie.
Analyse sur Wikipédia : Le Horla est une longue nouvelle fantastique et psychologique de Guy de Maupassant parue en 1886, puis dans une seconde version en 1887. L’auteur y décrit la déchéance progressive et dramatique du narrateur poursuivi par une créature invisible, baptisée « le Horla », dont il ne sait si elle est réelle ou le résultat d’un trouble psychiatrique. Il cherchera à s’en débarrasser par tous les moyens possibles. Dans ce récit psychologique, Maupassant présente un personnage autodestructeur constamment torturé, d’abord gagné par le doute et qui finit par sombrer dans la démence en passant par divers états, tels la paranoïa, les hallucinations, les crises d’angoisse, la paralysie du sommeil, avec lesquels il se débat. La forme du journal intime de la seconde version, la plus connue, favorise encore davantage l’identification au narrateur.
Le Horla a pour particularité d’être la première œuvre de fiction à présenter l’évolution d’un trouble mental sous son angle médical à travers les pensées de celui qui le vit. Maupassant connaît à ce moment lui-même des troubles psychiatriques, symptômes neurologiques de la syphilis dont il mourra cinq ans plus tard.

 

Mon avis :  J’ai lu deux versions du Horla .

La première version est un Texte publié dans « Gil Blas » du 26 octobre 1886 : Un aliéniste, le docteur Marrande, invite quelques confrères pour écouter le témoignage d’un de ses patients. Celui-ci raconte divers évènements qui lui sont arrivés et pour lequel il ne trouve qu’une explication : un être nouveau, qu’il a lui-même baptisé « le Horla », est arrivé et il a les moyens de contrôler l’Homme.

La plus connue est la seconde qui est un journal se déroulant de mai à septembre :
C’est le journal intime d’une personne qui note ses réflexions et ses angoisses pendant un laps de temps relativement court (4 mois) : au centre de ses pensées une angoisse, une peur irraisonnée, des nuits sans sommeil ou alors hantées de cauchemars. Se pose la question de savoir s’il est sain d’esprit, totalement paranoïaque ou alors s’il est persécuté par une entité qu’il ne parvient pas à percevoir (fantôme ? esprit ? Personne malveillante ?). Et pour lui l’important est de se débarrasser de cette présence invisible par n’importe quel moyen.
Ce qui met mal à l’aise c’est que Maupassant, en employant la première personne du singulier pour relater ses troubles et ses hantises nous propulse dans le récit ; il nous associe à son incapacité de réagir, d’agir, de penser par lui-même et nous enferme dans son monde à la fois fantastique et surnaturel, dont le fondement est la peur de l’inexplicable.
Qui est le Horla ? une entité surnaturelle ? ou simplement la partie cachée de la personne tourmentée, son autre moi, l’invisible, l’inconscient ? ou alors a-t-il basculé dans la folie et c’est une autre de ses personnalités qui s’exprime ? (ne pas oublier que quelques années après avoir écrit ce conte il sera interné dans un asile psychiatrique)

C’est intéressant de voir que l’électricité a été remplacée par le vent…

J’ai lu tous les contes de cet opus en plus du « Le Horla ». Si elles sont plaisantes, aucune n’a l’intensité du Horla mais ce fut comme toujours un plaisir de relire cet auteur.

 

Extraits :

De la première version : (1886)
Oui, je tombais dans le néant, dans un néant absolu, dans une mort de l’être entier dont j’étais tiré brusquement, horriblement par l’épouvantable sensation d’un poids écrasant sur ma poitrine, et d’une bouche qui mangeait ma vie, sur ma bouche.

Messieurs, écoutez−moi, je suis calme ; je ne croyais pas au surnaturel, je n’y crois pas même aujourd’hui ; mais à partir de ce moment−là, je fus certain, certain comme du jour et de la nuit, qu’il existait près de moi un être invisible qui m’avait hanté, puis m’avait quitté, et qui revenait.

Quoi d’étonnant à ce qu’il ne voie pas un corps nouveau, à qui manque sans doute la seule propriété d’arrêter les rayons lumineux.
Apercevez−vous l’électricité ? Et cependant elle existe !
Cet être, que j’ai nommé le Horla, existe aussi.

 

De la deuxième version :

J’aime ce pays, et j’aime y vivre parce que j’y ai mes racines, ces profondes et délicates racines, qui attachent un homme à la terre où sont nés et morts ses aïeux, qui l’attachent à ce qu’on pense et à ce qu’on mange, aux usages comme aux nourritures, aux locutions locales, aux intonations des paysans, aux odeurs du sol, des villages et de l’air lui-même.

D’où viennent ces influences mystérieuses qui changent en découragement notre bonheur et notre confiance en détresse ? On dirait que l’air, l’air invisible est plein d’inconnaissables Puissances, dont nous subissons les voisinages mystérieux.

Comme il est profond, ce mystère de l’Invisible !

À mesure qu’approche le soir, une inquiétude incompréhensible m’envahit, comme si la nuit cachait pour moi une menace terrible.

Puis, je me couche, et j’attends le sommeil comme on attendrait le bourreau.

De là sont nées les croyances populaires au surnaturel, les légendes des esprits rôdeurs, des fées, des gnomes, des revenants, je dirai même la légende de Dieu, car nos conceptions de l’ouvrier-créateur, de quelque religion qu’elles nous viennent, sont bien les inventions les plus médiocres, les plus stupides, les plus inacceptables sorties du cerveau apeuré des créatures.

J’ai que je ne peux plus me reposer, monsieur, ce sont mes nuits qui mangent mes jours.

Quand nous sommes seuls longtemps, nous peuplons le vide de fantômes.

Tenez, voici le vent qui est la plus grande force de la nature, qui renverse les hommes, abat les édifices, déracine les arbres, soulève la mer en montagnes d’eau, détruit les falaises et jette aux brisants les grands navires, le vent qui tue, qui siffle, qui gémit, qui mugit, l’avez-vous vu et pouvez-vous le voir : il existe pourtant ! »

Vocabulaire :
Le chevesne ou chevaine commun (Squalius cephalus) est une espèce de poissons d’eau douce très fréquente en Europe.

 

Autres contes du Recueil :
« Clochette » :
Sont-ils étranges, ces anciens souvenirs qui vous hantent sans qu’on puisse se défaire d’eux !

Elle boitait, non pas comme boitent les estropiés ordinaires, mais comme un navire à l’ancre. Quand elle posait sur sa bonne jambe son grand corps osseux et dévié, elle semblait prendre son élan pour monter sur une vague monstrueuse, puis, tout à coup, elle plongeait comme pour disparaître dans un abîme, elle s’enfonçait dans le sol. Sa marche éveillait bien l’idée d’une tempête, tant elle se balançait en même temps ; et sa tête toujours coiffée d’un énorme bonnet blanc, dont les rubans lui flottaient dans le dos, semblait traverser l’horizon, du nord au sud et du sud au nord, à chacun de ses mouvements.

« Le marquis de Fumerol »
Moi, je l’appelle don Quichotte parce qu’il s’est battu pendant douze ans contre le moulin à vent de la République sans bien savoir si c’était au nom des Bourbons ou bien au nom des Orléans.

Ancien pair de France, ancien colonel de cavalerie, il ne croyait, disait-on, ni à Dieu ni à diable. Doutant donc de la vie future, il avait abusé, de toutes les façons, de la vie présente

– Sortez d’ici…, sortez d’ici… voleurs d’âmes… Sortez d’ici, violeurs de consciences… Sortez d’ici, crocheteurs de portes des moribonds !

2 Replies to “Maupassant, Guy de « Le Horla » (1886 -1887)”

  1. Et ben si… je l’avais lu en fait 😉
    La lecture m’a permis de m’en rappeler au bout de quelques pages, avec le voilier blanc sur la Seine.
    Le livre contenant d’autres nouvelles, j’ai découvert celle intitulée « Le Docteur Héraclius Gloss », moins appréciée que « Le Horla ».
    Maupassant, atteint de syphilis, devait être bien tourmenté la folie… Ce qui ne l’a pas empêché d’être un auteur de talent ayant écrit un grand nombre de contes et nouvelles. La liste est impressionnante 🙂
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_nouvelles_de_Guy_de_Maupassant

    Encore merci pour le prêt de l’ouvrage qui m’a permis cette re-découverte, Soeurette 😉

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