Brunel Ferrarelli, Simona «La chienne-mère» (Rl2021)
Autrice : Née à Rome, Simona Brunel-Ferrarelli a étudié et enseigné la littérature française à Genève. En 2019, elle publie « Les Battantes » (éditions Encre fraîche), avec lequel elle fait une entrée remarquée sur la scène littéraire romande. Elle a reçu pour ce premier roman le Prix SPG et le Prix de la Société genevoise des écrivains et a été finaliste de nombreux autres prix.
Editions Slatkine – 16.08.2021 – 184 pages
Résumé : Allegra Felice et Sahi sont encore enfants lorsqu’ils adoptent chacun un chiot né dans la ferme familiale. Ce sera Mère, pour elle ; Bandit, pour lui.
En grandissant, les jeunes revendiquent leur place dans une société à la violence intrinsèque. Allegra Felice pourra-t-elle y échapper ?
Deuxième roman de l’auteure genevoise Simona Brunel-Ferrarelli, « La Chienne-Mère » explore les rapports manqués entre mère et fille, les violences familiales et sociales et l’adoption d’une chienne, dont le sentiment maternel sera un exemple de dignité.
Mon avis : Quel roman dur ! poignant, dérangeant, interpellant, percutant et magnifique …
En rapport avec la tragédie grecque, le drame.
Les relations mère-fille lorsque l’enfant n’est pas désiré à la naissance… Une bouche de plus à nourrir, la petite dernière, l’intruse… en plus une fille – ce qui n’est pas le meilleur choix, surtout en Italie du Sud – et pas jolie en prime ! Un contexte simple, on devine en Italie. Elle n’est pas mauvaise, la mère-femme, mais pas fiable… et l’amour que la fillette devrait recevoir de sa mère, elle le recevra de sa chienne… Deux « mères » deux instinctives … mais c’est la chienne qui a les sentiments qu’ont prêterait plutôt à une mère… On fait connaissance des deux mères dans les mêmes circonstances … l’accouchement/naissance… Le père est présent pour l’accouchement de la chienne avec des sentiments de tendresse mais pas lors de la naissance de la fillette et les sentiments entre la fillette et la chienne se tissent dès le premier instant alors que dans le monde des humains, la génitrice se refuse à accueillir sa fille dans son univers, a peur de son accouchement tardif, mais ce n’est pas vraiment conscient… Elle est sous l’emprise de l’amour de son homme, elle se plaint de cette grossesse dont elle ne veut pas… Comme elle le dit dans le livre, le principal souci avec le personnage de la mère humaine c’est que non seulement elle est Femme avant d’être Maman, une grande Amoureuse avant tout, mais qu’en plus, si elle est mère de quelqu’un, elle est mère de garçons et non de filles… la question est de savoir ce qu’elle entend par là ? que les filles n’ont pas de place dans sa sphère familiale ?
Une enfance malheureuse car la mère ne vit que de sa relation avec son Homme… dans un univers instable et peu rassurant : difficile de se construire dans ces conditions.
Allegra aime sa mère mais se sent rejetée ; mais ce n’est pas que la Mère n’aime pas Allegra, mais elle semble ne pas y porter d’attention… C’est l’histoire d’un amour, l’amour est réel entre Allegra et la chienne, qui vont s’adopter l’une l’autre. Mais qui adopte l’autre ? La chienne c’est la chaleur humaine, l’amour indéfectible, inconditionnel et loyal jusqu’à la mort, la fusion, l’osmose.
Mais au-delà de cette relation conflictuelle dans un monde difficile, ce sont toutes les violences de la vie qui ressortent… Les rapports avec les voisins, le reste de la famille… la violence humaine et non animale.
Deux prénoms … la fillette, Allegra Felice (qui se traduit en français par Joyeuse-Heureuse) et son ami et protecteur Sahi, qui est le reflet de son chien « Bandit » … Deux chiots qui en grandissant ont les caractères qui s’accordent avec leur partenaire : Mère et Allegra, fusionnelles et se suffisant à leur solitude à elles deux, aux promenades et à la lecture ; Sahi et Bandit, deux loups indomptables, agressifs et rebelles ; d’ailleurs ne dit-on pas tel maître, tel chien ? Sahi et Bandit vont d’ailleurs se détacher l’un de l’autre, tous deux expérimentant la solitude, la fuite, l’abandon… et Allegra deviendra « mère » à son tour, en s’occupant de Bandit… Décidemment le rôle de mère est un cercle … Mère la chienne, Mère la mère humaine, Allegra la mère de Bandit par adoption…
Qui sont les humains de l’histoire ? les animaux ou les hommes/femmes ? Et au final, ce qui importe, n’est-ce-pas de se protéger de la violence des humains, des vivants ?
Un grand merci aux Editions Slatkine pour l’envoi de ce roman qui me permet de découvrir une nouvelle plume de la littérature suisse (italienne?)
2 Replies to “Brunel Ferrarelli, Simona «La chienne-mère» (Rl2021)”
Merci pour cette magnifique lecture. Un roman s’écrit à deux.
Merci d’avoir pris la peine de mettre un petit mot. Ce fut un vrai coup de coeur.