Duchon-Doris, Jean-Christophe «La mort s’habille en crinoline» (2014)
Auteur : Ecrivain français né le 2 janvier 1960 Ancien élève de l’ENA, il est magistrat administratif, spécialisé en droit fiscal. Président du tribunal administratif de Toulon (2014-2017), de Nice (2017-2019), puis de Paris (depuis 2019), il a effectué l’essentiel de sa carrière au tribunal administratif et à la cour administrative d’appel de Marseille où il réside avec son épouse et ses trois enfants.
Outre des activités juridiques, telles des publications juridiques et des charges d’enseignement, il est écrivain de romans historiques et de romans policiers historiques. (Source Wikipédia)
Romans : Les Nuits blanches du Chat botté – L’Embouchure du Mississipy – Les Galères de l’orfèvre : Marseille, 1703 – L’Autre Singe – L’Ordure et le Soleil – Anges à tuer, rue Paradis – Le Cuisinier de Talleyrand : Meurtre au congrès de Vienne – La Fille au pied de la croix – La Mort s’habille en crinoline – Venez, vous dont l’œil étincelle
Julliard – 06.03.2014 – 318 pages / 10/18 – 16.04.2015 – 351 pages
Résumé :
En 1856, la comtesse de Castiglione, beauté fatale d’origine italienne, s’apprête à faire une entrée spectaculaire au grand bal des Tuileries, devant le couple impérial. Depuis son arrivée à Paris, elle est réputée pour faire et défaire la mode féminine au gré des caprices vestimentaires les plus extravagants. Mais ce soir-là l’enjeu est capital, car elle a pour mission de conquérir le cœur de Napoléon III.
Ebloui par la plus audacieuse robe à crinoline qu’on ait jamais vue, l’empereur succombera en effet aux charmes de cette déesse vivante. Sept ans plus tard, un jeune officier de police, Dragan Vladeski, découvre sur un chantier le corps d’une femme égorgée, portant une robe identique à celle de la comtesse le soir de son triomphe. Bientôt, d’autres cadavres, vêtus de façon similaire, surgissent aux quatre coins de la ville.
Aidé par la délicieuse Eglantine, une des » petites mains » ayant participé à la fabrication du modèle original, Dragan tente de percer le mystère de ces assassinats. Une robe, aussi mythique soit-elle, peut-elle être à l’origine d’une série de meurtres effroyables ? Sur fond de rénovation urbaine, dans une capitale éventrée par le percement des grands avenues haussmanniennes, « La Mort s’habille en crinoline » décrit avec minutie ce moment charnière qui fit basculer les Parisiens dans la modernité.
Une époque qui, en libérant peu à peu le corps des femmes, rendit obsolète toute une constellation de petits métiers, telles ces innombrables couturières et modistes qui, pour travailler dans des conditions éprouvantes, n’en étaient pas moins de véritables artistes. L’intrigue s’inspire de personnages réels, comme la comtesse de Castiglione et le photographe Pierson qui livra d’elle des portraits considérés comme les premières photographies de mode.
Grâce à cet admirable travail de reconstitution, Jean-Christophe Duchon-Doris nous offre un roman policier captivant, écrit dans une langue somptueuse et raffinée, à l’image de ces tenues flamboyantes, souvenirs lointains d’une gloire révolue.
Mon avis :
J’ai adoré ce livre. Il faut dire que j’aime ce qui est historique et qui traite de photographie, de mode.
Alors cap sur le Second Empire et partons à la rencontre de la Comtesse de Castiglione (née Virginia Oldoïni – 1837-1899) qui fut pendant deux ans la maitresse de l’empereur Napoléon III, du photographe portraitiste Pierre-Louis Pierson (1822-1913). Un livre qui nous plonge dans le Paris de la seconde moitié du XIXème siècle et nous ait découvrir à la fois le coté festif (les bals de la cour) et le coté petites mains (la fabrication des robes, les ouvrières de la couture et les plumassières, le changement de la mode avec l’arrivée du couturier Worth qui est à l’origine de la Haute couture Française. Worth qui révolutionne la façon de concevoir la mode, ouvre des magasins, crée le mannequinat, qui a recourt à une modiste, qui invente « les modes » au gré des saisons… C’est aussi l’époque à laquelle Paris change de physionomie avec ce que l’on appelle les travaux haussmanniens, la création des grands boulevards, des grandes places, la disparition des petites ruelles.
Voilà, je vous ai brossé le décor… et maintenant l’intrigue : Des jeunes femmes meurent, égorgées. Elles se ressemblent et fait plus surprenant, elles ressemblent aussi et avant tout à la Comtesse ; à tel point qu’un homme ayant enquêté sur les premiers meurtres pense qu’il vient de sauter dans la Seine pour tenter de secourir la Comtesse de Castiglione en personne. Seule la présence de cette dernière face au cadavre l’en dissuadera. Chargé de l’enquête sur ces meurtres, le jeune Dragan Vladeski va mener l’enquête. Quel est l’auteur de ces meurtres des sosies de la Comtesse, cadavres habillés en crinoline – qui plus est celle cousue en un seul exemplaire et portée une seule fois par la Comtesse … et question subsidiaire pourquoi la Comtesse est-elle visée ?
Au final, j’ai aimé le contexte historique, l’intrigue, les personnages et la manière d’écrire, de décrire … Je me suis retrouvée entrainée dans le Paris de l’époque, et j’ai totalement plongé dans l’atmosphère du roman.
Depuis le temps que ma sœurette me disait « mais lis du Duchon-Doris » … voilà… tu avais raison N@n… M’en vais partir sur les traces du « Cuisinier de Talleyrand » tout bientôt…
Extraits :
La neige est si présente qu’elle efface le décor, le gomme comme une esquisse maladroite au crayon.
Mais elle est restée d’une coquetterie prodigieuse : un visage magnifique, appétissant comme un gâteau, plein de craquelures et de feuilletés où la poudre se parsème en une giclée de sucre glace.
Elle s’habille de robes évanescentes, d’étoffes couleur de fumée, de glaise, de brouillard et de feuille d’automne. Elle met volontiers à son cou, à ses poignets, toutes sortes de bijoux curieux, colliers aux lourdes pierres, bracelets troubles aux métaux paresseux, bagues violâtres et laiteuses. Toute une décoration encombrante et hétéroclite qui, ajoutée à son goût pour les châles en vieille dentelle, lui donne une allure étrange d’araignée se promenant avec sa toile, accumulant sur elle des fragments d’ailes de guêpe, de poussières, de feuilles en décomposition, de thorax évidés d’abeilles mortes.
Les toilettes mêlées montent en cascade les escaliers, dans un flot de dentelles et d’éclaboussures. Seules les tailles émergent, flottent, dansent, pareilles à des bouchons de liège portés par le courant.
[…] la façon qu’elle a de se dévêtir en s’habillant […]
Le matin s’éveille sur Paris, parsemé d’amas grégaires, blêmes, d’une pâleur de malade saigné. La nuit partout se retire emportant avec elle des créatures monstrueuses, vieillards, mendiants, vagabonds à la bouche édentée, à la jambe traînante, ferrailleurs fouillant une dernière fois les ordures, troupeau dispersé et errant des prostituées – jupons sales, visages peints de couleurs fracassantes, grands yeux écarquillés sous le cerne. Avec l’aube, tout un monde range bagages et fuit, refoulé par les replis de l’ombre.
Sommes-nous bien sûrs, quand nous posons, qu’entre nous et l’appareil du photographe ne vient pas s’interposer une créature immatérielle, un démon, un fantôme, qui prend notre place ?…
Le parfum des petits gâteaux laisse traîner des écharpes de cannelle. Elles s’emmêlent aux lanières de la fumée du thé qui dansent au-dessus de la porcelaine.
Pierson déclame d’ailleurs qu’un photographe est avant tout un sculpteur de soleil. C’est lui qui donne les ordres pour que se disposent les appareils. C’est lui qui décide, au vu du modèle, ce que sera son éclairage : lumière intense pour donner du relief, pour insuffler de la force au sujet ou lumière tamisée, nuancée, frisante, adoucie, corrigeant les défauts du modelé du visage et des mains.
Worth, fort de son succès à la Cour, inverse le processus. Il se pose non en artisan, mais en artiste qu’il faut solliciter. Il devance les goûts. Il crée des collections dont la thématique varie selon la saison. Il abandonne la pratique de ses confrères de présenter leur travail à partir de poupées qu’ils habillent et invente, en se servant de son épouse comme cobaye, le mannequin vivant qu’il appelle le sosie.
Le secret du succès de Worth, du succès commercial s’entend, réside dans sa volonté de tout contrôler, du tissu brut à l’accessoire. S’il fait travailler, en sous-traitance, les meilleurs ouvriers de la capitale, il a aussi installé, à portée de main, ses propres ateliers qui, sans cesse, au gré de ses instructions, retouchent et réajustent le moindre détail de ses toilettes.
Information : Charles Frederick Worth, né le 13 octobre 1825 à Bourne (Lincolnshire, Royaume-Uni) et mort le 10 mars 1895 (à 69 ans) à Paris (France), couturier français d’origine britannique est « un des fondateurs de la haute couture Parisienne » et de la maison Worth. C’est lui qui crée le principe de la maison de couture. ( Wikipédia)
One Reply to “Duchon-Doris, Jean-Christophe «La mort s’habille en crinoline» (2014)”
“Depuis le temps que ma sœurette me disait « mais lis du Duchon-Doris » … voilà… tu avais raison N@n… M’en vais partir sur les traces du « Cuisinier de Talleyrand » tout bientôt…“
Excellent… tu me redonnes l’envie de lire cet auteur que j’ai quelque peu oublié… Shame on me.
Il y a tellement d’auteurs à découvrir, et tant de livres à lire… plusieurs vies n’y suffiraient pas !
Je crois que tu aimeras le personnage de Janez Vladeski…
Et j’avais écrit ceci dans le petit salon:
“Ce livre est un petit festin… autant par le choix des menus que par celui des titres de chapitres vous mettant l’eau à la bouche et par l’intrigue bien ficelée se déroulant à une période cruciale pour le devenir de l’Europe, en 1814, durant le congrès de Vienne…“ 😉