ARDITI, Metin « La confrérie des moines volants » (2013)

ARDITI, Metin « La confrérie des moines volants » (2013)

Auteur : Metin Arditi est un romancier suisse d’origine turque. Envoyé spécial de l’UNESCO pour le dialogue interculturel, il accomplit de fréquents voyages en Israël et en Palestine, en Turquie et en Arménie. A Genève, il préside la fondation Pôle Autisme.

Ses romans : Victoria-Hall, (2004) – Dernière Lettre à Théo, (2005 Actes Sud) – La pension Marguerite, (2006) – L’imprévisible, (2006) –  : La fille des Louganis, (2007) – Loin des bras, (2009) – Le Turquetto, (2011 – Prix Jean Giono) – Prince d’orchestre, (2012) – La confrérie des moines volants, (2013) – Juliette dans son bain, (2015) – L’enfant qui mesurait le monde, (2016 – Prix Méditerranée 2017) – Mon père sur mes épaules, (2017) – Carnaval noir (2018) – Rachel et les siens (2020) – L’homme qui peignait les âmes (2021) – Tu seras mon père (2022) – Le Bâtard de Nazareth (2023) – L’île de la Française (2024)

Résumé : 1937. Le régime soviétique pille, vend et détruit les trésors de l’Eglise russe. Il ferme plus de mille monastères. Des centaines de milliers de prêtres et de moines sont exécutés. Les plus chanceux s’échappent, vivant cachés dans les forêts. Voici l’histoire de Nikodime Kirilenko, ermite au monastère de Saint-Eustache, qui, avec l’aide d’une poignée de moines vagabonds, tente de sauver les plus beaux trésors de l’art sacré orthodoxe. Où l’on rencontrera un ancien trapéziste, un novice de vingt ans et quelques autres fous de Dieu.

 De 1937 à nos jours, de la Russie bolchévique à la Moscou des milliardaires et des galeries d’art, l’étourdissante histoire de quelques moines sans moyens mais courageux face à la violence de l’Histoire. Le péché, le pardon et l’Art comme ultime rédemption parcourent ce roman ample et bouleversant. Et puis, il y a Irina. Elle fuit, traverse l’Europe, arrive à Paris, change d’identité… Elle est au cœur de cette étonnante histoire de résistance et de rédemption.
Mon avis :
Depuis trois ans j’ai découvert Arditi et je plonge dedans avec délices. Mon favori reste sans conteste « le Turquetto ».
Cette fois, Arditi nous fait partager l’histoire de quelques moines qui vont tout faire pour sauver des trésors de l’art russe, puis la manière dont ces trésors vont réapparaitre.
Autant la première partie m’a captivée autant la suite m’a laissé sur la faim.. Une histoire d’amour se melera à l’histoire et  n’apportera pas grand chose à mon avis..  Deeux pays, deux culturesm, deux mentalités … des personnages Russes attachants et des français (ou franco – russes) transparents et peu consistants.  Très bonne documentation sur le sujet de l’église et des icônes et sur la vie des exilés. Et belle histoire de personnages en fuite qui vont se muer en héros. Tous les héros ne sont pas des saints.. ils cherchent ici le pardon et la rédemption en sauvant des œuvres d’art.
La deuxième partie se passe à Paris. Le personnage principal français, un photographe de renom,  découvre ses origines et  son passé qui lui explose à la figure au decès de son père. il se trouve confronté à un père qu’il ne connaissait pas, à une vie cachée qu’il n’avait jamais imaginée. Il décide de faire un retour aux sources pour comprendre. C’est aussi le roman du passage de flambeau entre le père et le fils, le moment ou le fils découvre une réalité ignorée, en accueillant les confessions du mourant, en acceptant son passé, en pardonnant les erreurs et en les intégrant à sa vie pour comprendre et aller plus avant. Il est d’ailleurs intéressant de voir que cette découverte du passé du père se produira en parallèle dans deux pays et dans deux familles..
Extraits:
« il s’emplissait les poumons des senteurs de la forêt. A la belle saison, elles offraient un mélange délicat dans lequel il retrouvait le parfum des mélèzes, des lilas et des bois de sapin. Durant l’hiver, l’air coupant et glacé lui offrait un plaisir plus aigu encore. »
 » Faire l’acrobate, c’était surmonter les pesanteurs. C’était s’élever vers l’absolu »
« Durant le reste de la journée, la perspective de retourner chez son père l’avait terrifié. Il ne s’y était pas rendu depuis cinq ou six ans. Quelles autres découvertes lui mordraient le cœur ? »
« Pour développer une photo, le produit qu’on utilise s’appelle un révélateur. Photographier, ce n’est rien d’autre. On cherche la vérité. »
« En arménien, il y a une expression pour dire la consolation. Zavt tanem. Mot à mot, cela veut dire : je prends ta douleur. »
 » C’est ça qu’il attend, le bonhomme que tu photographies. Un partage. S’il sent que tu es avec lui, il te confie son fardeau. Et là, tu fais une vraie photo. Tu as cherché la douleur du gars, tu l’as prise sur toi, et du coup tu l’as transformé, ton gars. »
« Bref, on devient amis, je lui raconte que je fais de la photo. Il me demande en quoi ça consiste, je lui réponds à peu près ce que je viens de te dire, qu’en faisant une photo, tu transformes ton sujet, tout ça… Alors le gars m’explique qu’en physique, il y a une loi qui s’appelle le principe d’incertitude de Heisenberg et qui dit, je te raconte de mémoire, qu’on n’arrive pas à connaître à la fois la vitesse et la position d’une particule. Parce que le simple fait de la regarder modifie son état. Et il constate que pour la photo, c’est pareil. Tu regardes ton bonhomme et du coup, tu le transformes. »
« Mais cette lumière qui illumine le corps de la femme au milieu de l’obscurité, c’est l’histoire de la Russie. Nous cherchons le drame à tout prix, pour le plaisir de la consolation. Nous voulons connaître cet aigu, quel qu’en soit le coût »
« Cette toile blessée incarne tout ce qui fait notre âme. La noirceur, dans laquelle nous aimons tant nous cacher, la joie intense, derrière laquelle nous courons comme des damnés, l’enfermement, qui est notre seconde nature, la ruse, aussi, sans laquelle nous ne pourrions pas vivre, les blessures insupportables que nous nous infligeons, et pour finir une sorte de résurrection, qui nous laisse hébétés mais vivants au milieu des morts et des gravats. »
« Le Requiem d’Akhmatova, tu connais ? C’était le temps où le seul à sourire Etait le mort, heureux d’être en repos »
« Je comprends ceux de nos compatriotes qui veulent tourner la page, fit Léonid. Ils ont raison. Je ne vous suis pas, cher père Léonid. — Mais pour pouvoir tourner une page, il faut d’abord la lire. »
« Dans le même temps, la lumière caressait le visage du garçon et donnait à ses yeux une étincelle, comme si elle émanait de lui. »

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