Suter, Martin « Melody » (RLH2024) 361 pages

Auteur :
Ecrivain suisse allemand, né le 29 février 1948 à Zurich. Il écrit aussi des textes pour le chanteur Stephan Eicher.
voir ma page « Auteur Coup de Coeur : MARTIN SUTER »

Phebus – 18.01.2024 – 361 pages 

Résumé:

La différence est si mince entre poésie et vérité.
Homme d’influence, M. Stotz, au crépuscule de ses jours, vit retranché dans sa demeure bourgeoise.
Son jeune secrétaire personnel, récemment arrivé à son service, Tom Elmer, l’écoute raconter l’étrange histoire d’amour qui a marqué sa vie à tout jamais. Celle de sa relation, quarante ans plus tôt, avec la mystérieuse Melody.
Peu à peu assailli de doutes, Tom se lance alors dans une enquête à la recherche de la vérité sur le destin de cette femme envoûtante.
Melody est un roman vertigineux qui questionne chacun sur son propre rapport à la réalité et à la fiction. La vérité n’est jamais telle qu’on la raconte.

Mon avis:

Enfin je retrouve l’un de mes écrivains suisses préférés! Il aura fallu attendre 7 ans depuis la parution de « Eléphant » en 2017! Et une fois encore les thèmes de la mémoire, du temps qui passe, de la disparition, du passé  sont omniprésents. Et une fois de plus les décors et les ambiances me font me sentir à l’intérieur de l’histoire.

Une ambiance surannée, qui sent la pipe, le café, le passé…
Tom Elmer, qui se retrouve soudain dans la situation de devoir travailler suite au suicide de son père va être embauché pour un an par un vieil homme qui avait une très grosse influence en Suisse, M. Stotz. Cet homme vit retiré dans une grande maison avec une des personnes qui s’occupent de lui depuis des années et ses souvenirs, sa nostalgie, ses regrets … Et au coeur de sa vie, une blessure qui porte un prénom féminin : Melody. Une disparue omniprésente… Au coeur de l’existence de Peter Stotz, depuis plus de quarante ans, il y a Melody, une jeune marocaine qui travaillait dans une librairie dont il est tombé amoureux alors qu’il avait quarante-deux ans et elle vingt ans de moins et le mystère de sa disparition…
En peu de temps, il va se créer un lien d’affection entre les deux hommes. Un lien presque comme si le vieillard était un peu comme un grand-père, un proche… Si le travail de Tom est un travail de biographe, de dépoussiéreur d’archives, c’est également un travail d’écoute. Il devient en quelque sorte le réceptacle des confidences du vieil homme. A charge pour lui de les restituer par la suite. Le vieil homme a été un homme d’influence, un politique, un acteur de l’économie et de la culture, un homme qui a fait carrière mais au fond de lui même il aurait souhaité être un artiste et était un romantique… Curieux amalgame que carriériste et romanesque…
Vérité mensongère? recherche de la vérité ? Vérité? Fiction ?
Comme toutes les personnes qui ont côtoyé Peter Stotz, dans sa vie passée oui présente, dans sa vie publique ou privée, j’ai eu envie de savoir pourquoi Melody avait soudain disparu…
Et je suis certaine que vous aurez envie de le découvrir aussi…
Quelle est la part des souvenirs, des désirs, de la vérité, de l’espoir, de la mémoire dans le récit d’une vie ? Ce qui est certain c’est que l’amour est omniprésent. 

Extraits:

La curiosité fait partie du métier d’avocat. Mais aussi la discrétion. Et celle-ci n’est pas vraiment compatible avec la curiosité. »
Il était devenu discret, mais était resté curieux.

Les histoires ne sont-elles pas toutes inventées ? Alors fiction ou vérité, quelle importance ?

Tom plongea les lèvres dans son verre et laissa son regard balayer la pièce. Elle tenait plus de la bibliothèque que du salon. On aurait dit que les livres en avaient pris possession au fil des ans, comme le fait parfois la nature pour la civilisation.

Le feu m’aide à réfléchir. C’est comme un être vivant qui me tient compagnie. Bien sûr, il faut le nourrir, comme un chien, mais on n’a pas à le promener.

« Il y a souvent plus de vérité dans la fiction que dans les faits. »

Ça t’est arrivé, toi aussi, d’avoir le cœur qui bat tellement fort que tu crois que quelqu’un d’autre peut l’entendre ? C’est l’impression que j’ai eue à ce moment précis.

Les souvenirs sont une chose étrange. Plus tu vieillis, moins tu sais s’ils sont vrais ou s’ils se sont simplement créés. Comme des stalactites dans une grotte.

Au bout du compte, la question reste toujours la même : veut-on régler sa vie sur ce que l’on croit, ou veut-on régler ce que l’on croit d’après la manière dont on vit ?

Il ferma les yeux pour ne pas les garder rivés au plafond sombre et tenta de ne penser à rien. Mais les pensées faisaient ce qu’elles voulaient. Elles pensaient malgré lui.
Elles pensaient aux bruits dont il croyait avoir rêvé, mais qui avaient peut-être bel et bien existé – après tout, quelque chose l’avait réveillé.

Je suis presque certaine que seule Melody a compté dans sa vie. L’économie, la politique, l’armée, la culture, l’art : tout ça, c’était une couverture. Je crois aussi que son deuxième moi – l’artiste, le poète, le critique mondain, le sceptique, le moqueur – n’est qu’une façade. Au fond, oncle Peter est juste un grand amoureux. Un grand amoureux malheureux.