Midwood, Ellie « La violoniste d’Auschwitz » (2021 ) 485 pages
Autrice : Ellie Midwood est une auteure américaine de romans historiques.
Titulaire d’un BA en linguistique, elle décide un jour de se consacrer à l’écriture à plein temps et publie « Standartenführer’s Wife » (2015), son premier roman et le premier tome de la trilogie « The Girl from Berlin ».
L’écrivaine base ses ouvrages sur son intérêt pour la Seconde Guerre Mondiale, l’Holocauste, et notamment, les femmes durant la guerre comme en témoignent les œuvres « The Girl Who Escaped From Auschwitz » (2021) (La fille qui s’est échappée d’Auschwitz), et « Emilia: The Darkest Days in History of Nazi Germany Through a Woman’s Eyes » (2016) (Emilia : les jours les plus sombres de l’Allemagne nazie à travers les yeux d’une femme).
En 2020, elle a publié un ouvrage intitulé « La violoniste d’Auschwitz » (« The Violinist of Auschwitz »). (Source Babelio)
Editions Faubourg Marigny – 10.11.2021 – 485 pages
Résumé :
Basé sur une histoire vraie, celle d’Alma Rosé, violoniste de renom internée à Auschwitz en 1943. A Auschwitz, chaque jour est un combat pour survivre. Alma a le matricule 50381, un nombre tatoué à l’encre bleue sur sa peau. Comme des milliers d’autres, elle est enfermée et séparée de ceux qu’elle aime. Cette réalité ne pourrait pas être plus lointaine de la vie d’avant pour Alma. Star de l’Orchestre Philarmonique de Vienne, ses performances de violoniste ont envoûté les amateurs de musique classique.
Nièce de Gustav Mahler, fille d’un violoniste célèbre, elle a même fondé en 1932 un orchestre de femmes. Mais quand les Nazis ont envahi l’Europe, personne n’a pu la sauver… Dans son malheur, sa chance va être d’être reconnue par l’une des chefs nazis du camp, qui va lui imposer de monter et diriger un orchestre de femmes pour le bon plaisir des SS. Au début, Alma refuse, mais elle réalise rapidement le pouvoir offert par sa position : elle peut sauver des jeunes filles d’une mort certaine.
C’est ainsi qu’Alma va rencontrer Miklos, un pianiste talentueux. Au milieu du désespoir, ils vont connaître la joie des répétitions, des notes, et des concerts qu’ils donnent côte à côte – tout en priant que le cauchemar cesse un jour. Mais à Auschwitz, l’air est contaminé par la mort, et la tragédie est la seule certitude…
Mon avis :
Quand elle arrive à Auschwitz, Alma est d’abord assignée au Block des Expériences médicales de l’Ange de la mort lui-même, le Docteur Mengele, celui qui dirige les sélections, qui travaille sur ce qu’on appelle alors la race aryenne, qui utilise des déportés pour faire ses expériences. Il est toujours impeccable, un « pur produit du Parti » et est comme nous le savons tous un être dangereux et dépourvu d’humanité. Heureusement pour elle, la tristement célèbre cheffe de camp des femmes Maria Mandl découvrira qu’Alma n’est autre que la célèbre violoniste Alma Rosé et elle sera transférée au Block Musique de Birkenau, le 12. Elle en sera même la Kapo.
Ce bloc 12 est l’une des unités de travail privilégie du Camp. Il y en a des meilleures (comme le Kanada par exemple) mais c’est presque vivable en comparaison d’autres blocks. N’empêche que les rapports entre les déportées sont loin d’être simples et qu’il n’y a pas que de la solidarité…
Face à tous les gens de pouvoir, à tous les SS, les dirigeants, les hommes et les femmes qui veulent la faire obéir, jamais elle ne s’abaisse, jamais elle ne plie, jamais elle ne se tait. Au contraire elle provoque, va au-delà des limites, et elle obtient… Elle crée son orchestre, met les filles sous sa protection, s’implique et met sa vie en danger pour les sauver. Elle donne pour exister. Et elle va connaître l’amour dans ce lieu qui est tout sauf un endroit où elle aurait imaginé le rencontrer. C’est une femme exceptionnelle que j’ai découverte dans ce roman. Une leçon de vie magnifique, des personnages qui marquent. Une fois de plus, la passion– ici de la musique – permet de survivre et d’avancer.
L’autrice a utilisé les témoignages de survivantes du Block Musique pour écrire son roman. Certes la vie d’Alma est romancée mais fondée sur des faits avérés. Des personnages comme Kitty du Kanada, le Rabin, les Kommandants du camp, Höss, puis Liebehenschel ont réélement existé ; les gardiennes Drexler et Irma Grese aussi. Quand à Miklos , il a été inspiré par un pianiste qui a existé . Peut-être est-ce un hommage à au compositeur Viktor Ullmann, qui est également décédé à Auschwitz (mais lui directement à son arrivée) ?
J’ai en mémoire d’autres romans qui parlent des camps de concentration : Antonio Iturbe « La bibliothécaire d’Auschwitz » , Valentine Goby « Kinderzimmer » . Et à chaque fois la force de caractère des femmes est absolument stupéfiante.
Je recommande aussi le livre d’Olivier Guez «La disparition de Josef Mengele»
Un livre qui restera certainement dans ma mémoire et que je recommande vivement.
Extraits :
Le souvenir et la douleur. Sous-jacents, constants, qui l’empoisonnaient à petit feu jusqu’au plus profond d’elle-même.
Si les prisonnières vieillissaient bien trop vite du fait de la famine, de l’épuisement et des maladies, les beaux visages des surveillantes étaient, pour leur part, enlaidis par les rides dures et prématurées causées par leurs hurlements constants, qui déformaient leurs bouches et laissaient des marques profondes entre leurs sourcils soigneusement épilés. La haine les faisait vieillir aussi rapidement que la souffrance faisait vieillir leurs victimes. Alma trouvait qu’il y avait là une sorte de justice poétique.
Nous avons tous dû désapprendre à pleurer nos morts pour survivre. La sensibilité ne fait pas de vieux os ici. Elle tue les gens. Je vous conseille vivement de vous débarrasser de la vôtre si vous espérez retourner dans le monde normal.
C’était comme si elle refusait purement et simplement que la bassesse du camp la touchât : elle gardait la tête haute et les épaules droites, presque comme pour défier la dégradation que toutes étaient forcées d’embrasser.
Quand vous ne possédez rien au départ, ils ne peuvent pas vous prendre grand-chose
Le problème, c’était que, depuis son enfance, on lui avait appris à vivre, luxueusement et avec bon goût. La survie n’était pas un concept qu’on enseignait chez les Rosé.
il avait réveillé quelque chose en elle avec sa musique et ses paroles et elle rêvait de jouer avec lui sur scène. Le compositeur, le créateur, l’homme qui pouvait interpréter ce qu’elle ressentait à l’intérieur et ne savait pas exprimer avec des mots.
Vous m’intéressez. Scientifiquement, avait-il dit. Elle se rendit compte avec dégoût que c’était uniquement pour cette raison qu’elle était encore en vie. Cet intérêt scientifique et son penchant pour la musique classique. C’était une vaste blague de voir à quoi était réduite la valeur de la vie d’un être humain dans ce nouveau Reich de mille ans : à son « utilité » et à l’intérêt personnel de quelqu’un.
Elle ne laisserait pas le poison de cet endroit s’insinuer sous sa peau et la transformer en une de leurs semblables : un être cruel, insensible, qui se délectait ouvertement des souffrances des autres. Cela signerait sa mort à la fois morale et professionnelle : un artiste devait ressentir pour créer quoi que ce soit digne d’attention. La musique naissait de l’amour, jamais de la haine ni de la cruauté.
La contrebasse, c’est ce vieux bourgmestre allemand avec une moustache impériale qui, de sa voix de basse, évoque en grommelant le bon vieux temps, lorsque son pays n’était pas envahi par les libéraux et les juifs.
Le tambour est le Reichsmarschall Göring des instruments de musique. Il est très imbu de sa personne, en dépit du fait qu’il est totalement creux. Il fait beaucoup de bruit, mais pas de musique. On peut parader à son rythme, mais jamais danser. C’est pour cette raison que c’est l’instrument préféré des nazis.
La trompette n’est pas n’importe quel homme, c’est le ministre de la Propagande Herr Goebbels lui-même. Tout comme le tambour, la trompette ne génère aucune belle sonorité dont l’oreille peut se délecter. Elle crie et crie jusqu’à réveiller les instincts les plus bas chez les personnes qui l’écoutent. Sa musique de parade est facile à reconnaître et à suivre. Elle n’exige pas le moindre semblant d’intelligence ou de sophistication. Tout ce que l’on peut faire en l’entendant, c’est parader en rythme.
Ton violon est exactement comme toi. Fait d’un bois rare et résistant à l’extérieur ; les cordes sont tendues au maximum. Elles en ont beaucoup trop enduré, mais, par miracle, elles ne se sont pas encore cassées. Et elles produisent la plus belle des mélodies, si toutefois on sait comment les caresser correctement avec son archet.
Ici, c’est le plus beau cadeau qui existe, avoir quelque chose qui nous permet d’oublier. Tu leur offres ça. Je veux que tu t’en souviennes, chaque fois que tu as le sentiment que ta musique ne sert à rien. Dans cet endroit, la musique est presque aussi importante que le pain.
Nous, nous vivrons éternellement. À travers notre musique. Tu renaîtras chaque fois que quelqu’un jouera le disque de ton concerto pour violon. Je renaîtrai chaque fois que la radio jouera mon concerto pour piano. Nous avons créé quelque chose d’impossible à tuer
Lorsque quelqu’un meurt, c’est toujours pour les proches que c’est beaucoup plus difficile. La personne qui est sur le point de mourir sait que ses souffrances vont bientôt prendre fin et elle est apaisée. Ce sont les proches qui doivent vivre avec la perte, avec cette tragédie innommable qu’ils devront porter en leur cœur longtemps après la disparition de l’être aimé.
Photo : Alma Rosé