Doerr, Anthony «La Cité des nuages et des oiseaux» (RL2022)
Auteur : Ecrivain américain né le 27 octobre 1973 à Cleveland dans l’Ohio.
Récompensé en 2015 par le Prix Pulitzer pour « Toute la lumière que nous ne pouvons voir », traduit en une quarantaine de langues et en cours d’adaptation pour Netflix, Anthony Doerr s’est imposé au cours des vingt dernières années comme l’un des plus grands écrivains américains contemporains.
Après « Le Nom des coquillages » (2003), « À propos de Grace » (2006) ou encore « Le Mur de mémoire » (2013), «Toute la lumière que nous ne pouvons voir», tous parus aux éditions Albin Michel, « La Cité des nuages et des oiseaux » (RL2022) confirme l’inventivité de son œuvre ambitieuse et inclassable.
Albin-Michel – Collection Terres d’Amérique – 14.09.2022 – 704 pages (Cloud Cuckoo Land – 2021) traduit par Marina Boraso
Résumé :
Un manuscrit ancien traverse le temps, unissant le passé, le présent et l’avenir de l’Humanité.
Avez-vous jamais lu un livre capable de vous transporter dans d’autres mondes et à d’autres époques, si fascinant que la seule chose qui compte est de continuer à tourner les pages ?
Le roman d’Anthony Doerr nous entraîne de la Constantinople du XVe siècle jusqu’à un futur lointain où l’humanité joue sa survie à bord d’un étrange vaisseau spatial en passant par l’Amérique des années 1950 à nos jours. Tous ses personnages ont vu leur destin bouleversé par La Cité des nuages et des oiseaux, un mystérieux texte de la Grèce antique qui célèbre le pouvoir de de l’écrit et de l’imaginaire.
Et si seule la littérature pouvait nous sauver ?
Mon avis :
Mais quel livre foisonnant ! et quelle imagination ! sans parler de l’érudition de l’auteur ! Un livre magnifique sur la transmission des anciens manuscrits, sur les textes qui traversent les époques, un roman de conteur.
Quand le livre est dédicacé à tous les bibliothécaires, on ne peut que s’attendre au meilleur.
Cinq personnages principaux et trois époques : Anna, Omeir, Seymour, Zeno, et Konstance.
Il y a Anna, jeune orpheline qui vit à Constantinople au XVème siècle, en même temps qu’Omeir. Anna apprend à lire et avec cela lui vient l’amour des mots. Pour Anna, c’est la magie de la lecture mais pour les autres c’est de la sorcellerie, cela porte malheur et en plus cela incite au vol (elle a dérobé des chandelles pour pouvoir lire) … Un vol pour lequel elle laissera sa sœur s’accuser… Anna qui plus tard vivra le siège de Constantinople et partagera sa vie entre son travail dans un atelier, la recherche de manuscrits anciens pendant les nuits de brouillard et la lecture du manuscrit « Le Codex » à sa sœur mourante qui tient encore pour connaitre la fin de l‘histoire … un peu comme le compte des 1001 nuits… encore un jour, encore une nuit…
Il y a Omeir est né en Bulgarie, et est un enfant de l’enfer… sa naissance aurait entrainé la mort de son père et l’envoutement du grand-père et le fait qu’ils soient chassés de leur village… Il va à la guerre avec ses deux bœufs,
Il y a Zeno, un jeune garçon qui va découvrir des livres dans une bibliothèque tenue par deux sœurs, dans l’Idaho. Zeno qui a perdu sa mère et s’évade grâce à Ulysse, que lui font découvrir deux bibliothécaires. La mythologie vient illuminer sa vie. Dans les années 40 il arrive seul avec son père dans l’Idaho, un père qui ne va pas tarder à partir à la guerre. Zeno, à 17 ans partira lui aussi pour la guerre, en Corée et dont la passion pour le grec ancien l’aidera à survivre au pire.
Il y a Seymour, jeune marginal qui va déposer une bombe des années plus tard dans ladite bibliothèque alors que Zeno est toujours dans la bibliothèque mais avoisine les 80 ans. Il nait au début des années 2000 et dès sa naissance est un être à part, qui n’arrive pas à s’intégrer. Il aura pour amie une chouette qui vit ans la forêt et il communique avec la magie des lieux. Seymour qui parle d’écologie et de la disparition du monde et des espèces et qui au fil des ans est de plus en plus préoccupé par l’avenir de la planète.
Et il y a Konstance, qui vit dans le futur… dans un vaisseau interstellaire qui a une forme de disque, l’Argos qui tente de trouver une planète habitable après avoir dû quitter la Terre. On fait sa connaissance alors qu’elle a 4 ans. A bord, il y a Sybil, la gardienne de la mémoire de toute l’humanité. Dans la bibliothèque du vaisseau elle voyagera via l’Atlas et découvrira le monde du passé, les lieux et les époques. Mais un virus va infiltrer le vaisseau et la vie va devenir difficile
Et ces cinq personnages vont voir leurs vies s’entremêler…
Chaque personnage est un être perdu qui va être aidé par une rencontre qui va lui ouvrir les yeux et lui ouvrir une voie dans la vie. Anna va apprendre à écrire, Zeno va découvrir les mythes et légendes…
Dans ce roman on parle magie, formules magiques, animaux magiques, mythologie, légendes (une légende aztèque raconte comment les Aztèques devaient empêcher la fin du monde tous les 52 ans.) On parle manuscrits, culture, écologie … J’ai été emportée par la manière d’aborder la quête des anciens manuscrits et l’amour que les différents personnages lui portent.
Voilà, je vous ai planté le décor et je vous laisse découvrir ce qui relie les cinq personnages et ce qui va arriver …
Le fil rouge qui relie les cinq protagonistes ? Un texte de Diogène qui traverse les siècles et qui donne son titre au roman. Et petit à petit, au fil des pages, le lien entre le manuscrit et les personnages se dévoile.
Un gros coup de cœur pour ce livre qui n’est pas toujours facile à lire mais c’est le propre d’une chasse au trésor. Un livre qui parle passé-présent-futur et nous fait vivre un voyage dans les livres, l’imaginaire, l’humain, le tout servi par une plume magnifique.
Je remercie vivement les Editions Albin-Michel et Francis Geffard et sa merveilleuse collection « Terres d’Amérique » pour cette magnifique part de rêve.
Extraits :
Un reposoir, dit-il enfin. Tu connais ce mot ? Un lieu de repos. Un texte – un livre – est un lieu de repos pour les souvenirs de ceux qui ont vécu avant nous. Un moyen de préserver la mémoire après que l’âme a poursuivi son voyage.
Mais les livres meurent, de la même manière que les humains, ils succombent aux incendies ou aux inondations, à la morsure des vers ou aux caprices des tyrans. Si personne ne se soucie de les conserver, ils disparaissent de ce monde. Et quand un livre disparaît, la mémoire connaît une seconde mort.
Je sais pourquoi les bibliothécaires t’ont lu ces vieilles histoires : si elles sont bien racontées, celui qui les écoute reste en vie aussi longtemps que dure le récit.
Mon enfant, chacun de ces livres est un portail, une ouverture qui te donne accès à un autre lieu, à une autre époque.
Ainsi font les dieux, dit-il, ils tissent les fils du désastre à l’étoffe de nos vies, afin d’inspirer un chant pour les générations à venir.
Sauver de l’oubli ne serait-ce qu’une ligne. Je ne connais rien de plus passionnant, comment t’expliquer ? Tu as l’impression d’arracher de terre l’extrémité d’un fil, et de te rendre compte qu’il est relié à une chose disparue depuis dix-huit siècles.
Au cours d’une existence, on accumule une infinité de souvenirs, le cerveau ne cesse de les trier, pesant les répercussions et refoulant la souffrance, mais à l’âge qu’il a atteint, on traine malgré tout une charge écrasante de souvenirs, un fardeau aussi lourd qu’un continent, et le moment vient où il faut quitter ce monde en les emportant avec soi.
Le temps : le plus brutal de tous les engins de guerre.
Il découvre que c’est par l’oubli que le monde soigne ses plaies.
2 Replies to “Doerr, Anthony «La Cité des nuages et des oiseaux» (RL2022)”
Deux chroniques dithyrambiques ce matin sur ce roman. Et moi qui n’ai toujours pas lu Anthony Doerr…
Je n’ai pas encore lu le précédent «Toute la lumière que nous ne pouvons voir» et maintenant je suis certaine que je vais me le procurer!