Diofebi, Dario « Paradise, Nevada » (RL2023) 656 pages

Diofebi, Dario « Paradise, Nevada » (RL2023) 656 pages

Auteur: de nationalité italienne, né à Rome en 1987. Joueur de poker professionnel en ligne il part aux Etats Unis puis suit une programme d’écriture créative et en devient enseignant à la New York University. Vit entre Rome et Brooklyn. 

Premier roman, écrit en anglais. 

Albin-Michel – Collection Terres d’Amérique –  23.08.2023 – 656 pages (traduit de l’anglais par Paul Matthieu)

Résumé:

(Ce ne sont pas les gagnants qui ont bâti cette ville)

«Tel est le premier paradoxe de Las Vegas : l’hôtel-casino de luxe Positano était le cœur battant de l’euphorie du vendredi soir, et c’était notre aussi notre chez-nous. Érigé en plein centre du Strip, la ville s’enroulait tout autour en une spirale concentrique où se côtoyaient la magie et la banalité, boîtes de strip-tease et résidences d’étudiants, stands de tir et magasins Walmart, pistes d’atterrissage pour jets privés et arrêts de bus menant à de lointaines banlieues plongées dans le silence et le désespoir. Impossible pour nous d’expliquer ce qui s’est passé le soir de l’incendie sans poser d’abord ce fait établi, à savoir qu’une ville peut être à la fois fiction et réalité, paradis et vrai lieu de vie. Nous tous ici devons en prendre la mesure, tôt ou tard.»
À travers le parcours de quatre jeunes paumés, l’auteur brosse une grande fresque satirique de Las Vegas, faisant tomber les masques de la « Ville du vice » tout en dévoilant sa profonde humanité. 

À la croisée des univers de Tom Wolfe, de David Foster Wallace et de Jonathan Franzen, Dario Diofebi compose un grand roman américain, récit hors norme et plongée au cœur de Las Vegas à la rencontre de l’Amérique, ses rêves les plus fous et ses revers de fortune. La naissance d’un écrivain prodige.

Mon avis :
L’auteur pourrait bien être un mélange de deux de ses personnages principaux… Tom, un italien qui part aux Etats-Unis après avoir gagné un voyage d’une semaine à Vegas et une invitation à participer à un championnat de poker, et Ray, un jeune américain joueur de poker professionnel en ligne… Et il nous embarque dans l’univers hors normes de Las Vegas.
Bienvenue dans la ville des extrêmes, de la réalité et du trompe-l’oeil, de l’infiniment grand et de l’infiniment petit, du fric et de la misère, un décor habité.

Las Vegas qui est en train de changer… Il y a toujours la Tour Eiffel, la Pyramide, Venise, Positano et la cote Amalfitaine mais les hôtels à thème passent de mode.
Las Vegas, c’est l’illusion, le rêve, la fuite de la réalité, le mirage, l’échappatoire, la perspective du renouveau. Mais attention : dans le jeu il n’y a qu’un seul gagnant … les autres y ont cru mais ont perdu… Ce livre est une analyse du monde en transformation dans lequel on laisse tomber l’humain et l’instinct et on doit cultiver à fond ses connaissances en informatique, internet, les technologies de pointe…
Quatre personnages pour nous accompagner dans la découverte de Las Vegas : deux garçons et deux filles

Ray: «Homme de chiffres » né dans une « famille de lettres » quitte son appartement de Toronto pour Las Vegas. Il est féru de poker, et vivait au Canada car le poker en ligne est interdit aux Etats-Unis. Il est rationnel et rejeté le ressenti. Pour lui tout est mathématiques et rien n’est sentiments, car cela lui fiche une peur bleue. Il a perdu confiance en lui après une expérience humain contre machine. Il est intéressé par le coté mathématiques et intellectuel du jeu et non par l’argent (même si il ne crache pas dessus) . Il est extrêmement connu dans le monde du poker en ligne.
Mary-Ann: Elle veut fuir les réseaux sociaux. Ex-mannequin, engagée comme serveuse, obsédée par son image et sa popularité sur le net, accro aux «like » et dépressive. Finalement elle est comme la ville de Vegas: elle se cache derrière les apparences. Le problème de Mary-Ann est son invisibilité et une forme de culpabilité; elle voudrait faire le bien autour d’elle, mais au fond d’elle même, elle se fiche totalement des autres… Elle souffre du syndrome du « moi » et du « et moi, et moi, et moi » si je puis m0exprimer ainsi. Mais il va lui falloir s’ouvrir à elle-même avant de pouvoir s’ouvrir aux autres. A Vegas, elle va rejoindre sa tante Karen; qua d cette dernière perd son emploi, remplacée par une plus jeune, sa vie s’écroule. Elle qui croyait au rêve américain où tout le monde a sa chance… Cela va pousser Mary-Ann à s’investir dans le combat social, cela va la booster et l’empêcher de se pencher sur elle-même. Aider les autres lui permet de soigner son nombrilisme. Elle va profiter de son « invisibilité » qui va devenir son atout et elle va « troquer sa frustration personnelle pour l’indignation collective ». 

Tom: un italien dont le visa de touriste a expiré. Un petit gars sans ambitions, sans envies, qui se contente de ce qu’il a, a peur de la vie, n’est ni heureux, ni malheureux. Il se retrouve à Vegas, parce qu’il a gagné un Concours : une semaine à Las Vegas et l’inscription à un tournoi de poker. Mais il ne va pas rentrer … Il va même se retrouver en route vers le Mexique avec son ami et co-locataire Trevor, un drôle de personnage. Son caractère va évoluer et de résigné et suiveur il va se transformer en un jeune qui a de la volonté et qui va arrêter de subir sa vie. Il va affronter et vaincre ses principaux défauts : la peur, la paresse, le manque d’initiative. Il va faire en sorte de trouver tout seul une solution pour rester aux States.. même si il va avoir bien des soucis…

Et enfin il y a Lindsay: jeune mormone des environs du centre de Vegas dont la grand-mère avait été une célébrité locale pour ses recettes de cuisine à base de gelée. Lindsay est végane, journaliste d’investigation, libre dans sa tête. Elle vit avec son jeune frère, ne semble pas pressée de se lier à quelqu’un. Pour elle, la liberté c’est prendre son temps. Elle rêve de devenir romancière, de devenir elle-même, de changer de vie, de tout quitter, et de renier en quelque sorte tout ce qu’on attend d’elle. Cette dernière va entreprendre un road-trip en compagnie de son frère sur les traces d’un mormon très célèbre, Howard Hugues, dans un coin bien paumé du Nevada.

A Vegas, il y a deux sortes de personnes : ceux qui y vivent, qui y sont nés, qui sont actifs. Et ceux qui débarquent, les étrangers, les touristes. Au passage l’auteur nous offre des pages magnifiques sur le désert …

Comme je suis nettement plus une littéraire qu’une matheuse, je suis passée au travers du coté statistiques et probabilités analytiques des jeux de poker. Mais le coté psychologique et l’étude des personnages est tout aussi important dans ce roman. On est témoins des progrès impressionnants des robots et de L’I.A.
Pour que Ray soit bien dans sa peau, la solution serait de renoncer à la perfection et qu’il se contente d’être fort parmi les humains. 

J’ai adoré le petit hommage au passage au Boss et son album « Nebraska ». 

Mon préféré est Ray qui se ose au final la question qui tue : Faut-il être le meilleur joueur ou le plus riche? Faut-il réussir par n’importe quel moyen?

Je ne vais pas vous raconter ce qu’il se passe dans le roman; je vous en ai déjà assez dit sur les personnages.
A vous de découvrir ce qu’il advient de nos quatre personnages quand les lumières de Vegas font place à l’obscurité …

Un grand merci à Francis Geffard et aux éditions Terres d’Amérique de Albin Michel pour cette belle découverte.

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