Férey, Caryl « Okavango » (RL2023) 526 pages

Férey, Caryl « Okavango » (RL2023) 526 pages

Auteur: né le 1er juin 1967 à Caen (Calvados), est un écrivain français spécialisé dans le roman policier.
Ses livres sont des romans noirs où la critique sociale et le chaos sont omniprésents. 

Romans:
Série Une enquête de Mc Cash : Plutôt crever  – La Jambe gauche de Joe Strummer – Plus jamais seul
Autres romans:
Avec un ange sur les yeux – Delicta Mortalia : péché mortel – Haka – Les Mystères de l’oued – Les Causes du Larzac – Utu – L’Âge de pierre – Raclée de verts – Queue du bonheur – Zulu – D’amour et dope fraîche – Mapuche – Les Nuits de San Francisco – Condor – Paz – Lëd – Comment devenir écrivain quand on vient de la grande plouquerie internationale – Okavango (2023) –

Gallimard- Série Noire – 17.08.2023 – 526 pages

Résumé:
Engagée avec ferveur dans la lutte antibraconnage, la ranger Solanah Betwase a la triste habitude de côtoyer des cadavres et des corps d’animaux mutilés.
Aussi, lorsqu’un jeune homme est retrouvé mort en plein cœur de Wild Bunch, une réserve animalière à la frontière namibienne, elle sait que son enquête va lui donner du fil à retordre. D’autant que John Latham, le propriétaire de la réserve, se révèle vite être un personnage complexe. Ami ou ennemi ?
Solanah va devoir frayer avec ses doutes et une très mauvaise nouvelle : le Scorpion, le pire braconnier du continent, est de retour sur son territoire…
Premier polar au cœur des réserves africaines, Okavango est aussi un hymne à la beauté du monde sauvage et à l’urgence de le laisser vivre.

Mon avis:

C’est mon premier Caryl Ferey et c’est une belle découverte. Après c’est sûr que c’est violent et que le sujet choisi est dur : le braconnage , le trafic des animaux sauvages, le trafic de l’ivoire, de la corne de rhinocéros… J’ai  beaucoup aimé ce livre. Il faut dire que j’aime aussi l’Afrique et les animaux ( je ne suis pas allée dans les pays concernés par le récit mais dans d’autres) et que je suis révoltée par la disparition des espèces animales : le sujet a donc retenu toute mon attention. Et comme l’auteur connait très bien son sujet et que c’est très bien documenté, j’en ai beaucoup appris sur les réserves, les différentes ethnies…    

 Solanah la Botswanaise et Seth Shikongo, le Namibien, deux rangers,  sont appelés à enquêter ensemble sur le meurtre d’un jeune homme dans la plus grande réserve privée de Namibie qui appartient à un homme richissime au passé plutôt trouble. Et cela va les entrainer dans une spirale de violence très dangereuse, où corruption, fric et pouvoir et règlements de compte sont au programme. 

John Latham – le propriétaire de la réserve – et Solanah – la Ranger mariée au chef de la KaZa (voir Extraits information) –  ont un idéal commun qui va les rapprocher : la sauvegarde des animaux sauvages et de la planète, la chasse aux braconniers, l’amour des grands espaces et des animaux libres. Et ils laissent libre cours à leur colère et leur envie de tout mettre en oeuvre pour mettre hors de nuire les prédateurs humains qui s’attaquent à la faune africaine.
L’enquête de police – ou plutôt des Rangers – est palpitante et fait ressortir le passé des personnages, met en lumière les rapports familiaux, les relations entre les individus. Même avec son passé louche, j‘ai beaucoup aimé le personnage de John. Personne n’est tout mauvais dans l’histoire, mis à part le scorpion qui est une véritable ordure.
Et il n’y a pas que le coté thriller qui est au programme. On y parle aussi des réserves animalières, du tourisme, des animaux, du passé et du présent, des trafiquants, de corruption, des peuples autochtones, d’amour… Action, rythme, révolte, problèmes sociaux, tout est là pour faire passer un excellent moment. J’ai commencé le livre et je ne l’ai plus lâché. Et je dois dire que l’auteur se pose en magnifique défenseur de la cause animale qu’il défend dans ce roman.

Extraits: 

Mon histoire est écrite au crayon à papier, pour qu’elle disparaisse un jour sans qu’on n’en sache rien. Et c’est très bien comme ça.

Le pelage des girafes, aux arabesques uniques, leur servait de code graphique pour s’identifier. En broutant les feuilles les plus élevées, elles facilitaient la pousse des buissons et entretenaient des couloirs accessibles aux autres animaux. Une cible d’autant plus facile que, de nature peu méfiante, les girafes marquaient un temps d’arrêt avant de s’enfuir.

On les surnommait « les suricates » car les deux hommes semblaient passer par des terriers invisibles avant de surgir au dernier moment – ils trompaient même leurs propres sentinelles.

— Le cerveau humain bute malheureusement sur des obstacles insurmontables. Pendant la pandémie, un Nord-Américain a vu ses trois frères mourir du Covid : ça ne l’a pas empêché de clamer que, comme eux, il ne se ferait jamais vacciner, car c’était sa « liberté »… Que voulez-vous que je vous dise. Les gens veulent croire, en Dieu, au spaghetti cosmique ou à la corne de rhinocéros comme supplétif à leur pauvre pénis : c’est plus fort que la raison, la morale ou les sermons. Que ces gens en meurent ne me dérange pas.

Beaucoup d’humains perdent le fil du rêve qui les liait à eux, par manque d’imagination, d’empathie ou de compassion, par paresse intellectuelle ou morale, parce qu’ils prennent ce vieil attachement pour des enfantillages et qu’ils ont mordu à la fable du commerce et de l’argent coûte que coûte, parce que les animaux font partie pour eux d’un monde ancien, invisible, comme des jouets qu’on ne touche plus. Sauf qu’un monde sans animaux sauvages n’est pas un monde. La beauté gratuite qu’on éprouve à leur contact… Oui, je veux bien mourir pour ça.

— Tu le sais aussi bien que moi : dès qu’un animal est menacé, sa cote à la Bourse du braconnage grimpe en flèche, et moins il en reste, plus on s’acharne. Rien n’est fait pour sauver les survivants du génocide, respecter paternalistes à vomir quand des enfants manifestent pour leur survie, notre espèce est si inconséquente que je n’en attends plus rien. Quand ils réagiront, bien sûr, il sera trop tard, on fonce déjà dans le mur, c’est juste une question de violence de l’impact, mais personne ne freine le bolide de la catastrophe écologique. leur habitat ou simplement garantir leur liberté. De grands mots, des traités accouchant d’accords que personne ne respecte, des ricanements

Extraits (informations)

Les chasses aveugles du xixe siècle avaient lancé la ruée vers l’Afrique et les premières tueries de masse – douze mille éléphants massacrés pour la seule année 1887.

l’Afrique était le terrain de chasse de l’Europe et de l’Amérique. Enfin, le gibier devenu rare et fuyant à force de massacres, on avait décidé, au milieu du xxe siècle, de parquer la faune rescapée, créant ainsi les premières réserves animalières.

Le Kalahari – la « grande soif » – recouvrait les trois quarts du Botswana et la zone est de la Namibie, un désert ininterrompu battu par des vents de sable où persistaient de rares eaux de surface. 

 La Kavango-Zambezi Transfrontier Conservation Area regroupait trente-six réserves d’une superficie équivalente à celle de la Suède qui couraient sur cinq pays : Namibie, Angola, Botswana, Zambie et Zimbabwe. Un espace de protection des espèces sauvages dont Nelson Mandela avait formulé l’idée au tournant du siècle – créer des parcs de la paix pour transcender les frontières, refermer les cicatrices du passé et éviter de nouveaux antagonismes.

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