Giordano, Paolo « Tasmania » (RLE2023) 336 pages
Auteur: Paolo Giordano est un écrivain italien contemporain né le 19 décembre 1982 à Turin. En 2008, le prestigieux prix Strega lui est attribué pour son premier roman, La Solitude des nombres premiers, dont il est le plus jeune lauréat.Il est docteur en Physique, auteur et journaliste (« Corriere della Sera ») .
Romans: La solitude des nombres premiers (2009) – Le corps humain (2013) – Dévorer le ciel (2019) – Les humeurs insolubles (2015) -Contagions (2020) – Tasmania (2023) –
Le bruit du monde – 17.08.2023 – 336 pages – traduit de l’italien par Nathalie Bauer (Elu meilleur livre de l’année en Italie en 2022)
Résumé:
Paris, novembre 2015. Le narrateur, écrivain et journaliste, est venu couvrir un sommet sur le climat, quelques jours seulement après les attentats. Une situation de crise qui fait écho à celle qu’il traverse avec sa compagne, Lorenza. Avec une désinvolture vivifiante, il s’entoure de personnages atypiques qui apportent, chacun à sa façon, du sens à son univers : un jeune physicien aventurier, un climatologue spécialiste des nuages, une reporter haute en couleurs et un prêtre qui a rencontré la femme de sa vie.
Intime et universel, Tasmania est un roman sur le présent et sur l’avenir. L’avenir que nous craignons et celui que nous désirons, celui que nous n’aurons pas et celui que nous construisons. Il nous rappelle que chacun peut trouver sa Tasmanie, un espace où écrire son avenir.
Mon avis:
Il y a les « feel-good » et maintenant les « feel-bad »… Alors je ne vais pas trop m’étendre sur le sujet.. Pour moi une énorme déception et le gros « flop » de l’année.. Attention, l’écriture n’est pas en cause.. mais si je n’apprécie pas les feel-good, j’aime encore moins les feel-bad…
Chaque individu est à la recherche de son refuge, de son futur, d’un abri pour fuir les vicissitudes du monde…
L’auteur nous parle de notre monde, un monde qui change, qui angoisse, qui bouge, qui se fracture. Le monde et aussi la vie de son personnage principal, P.G et de ses amis – Giulio, Karol, Novelli – enfin amis d’avant car la relation d’amitié vacille elle aussi, tout comme tout ce qui entoure P.G; d’ailleurs tous les amis ont des problèmes , tant privés que professionnels… Tout va mal, c’est la crise universelle et personnelle. Il nous parle du présent, et aussi du futur que nous sommes en train de nous construire… Et ça fait peur!
Il va falloir passer par tous les maux : l’urgence climatique, le problème de la survie, des nuages qui se carapatent vers les pôles, les espèces de plantes envahissantes, les attentats, le terrorisme islamiste, les vidéos de décapitation des otages, l’inutilité des opinions des scientifiques, les radiations, la fin de l’espèce humaine, Al-Qaida, Daesh, Boko Haram, les armes bactériologiques, les armes nucléaires, l’invasion des méduses, la peur, le stress prétraumatique (comme si le post ne suffisait pas…) , la peur de l’apocalypse, l’amalgame entre les peurs, les suppositions et la réalité, l’Affaire Harvey Weinstein, la censure, la dictature, l’énergie, le manque d’eau, les perturbateurs endocriniens, le sexisme anti-femmes d’une autre époque, les migrants, le record absolu des températures, le dégel du Groenland, le réchauffement climatique, les inondations, les pluies exceptionnelles … et j’en oublie…
Ah oui, j’allais oublier les bombes – celles d’Hiroshima et de Nagasaki en particulier car P.G souhaite écrire un livre à ce sujet..
Faut mélanger les catastrophes passées, présentes et futures…
A croire qu’il met tout ce qui ne va pas dans le monde dans une marmite, qu’il touille un coup et est désespéré du résultat… et le tout en vrac, que ce soit le cosmos, la vie privée, tout ce qui passe par là… Cool pour un scientifique…
Y aurait-t-il une échappatoire? Et vous? Quelle serait votre porte de sortie? Votre « Tasmanie »? Dans ce monde où tout fout le camp?
Et la Tasmanie, est-elle seulement au bout du bout du voyage?
Franchement, entre défaitisme et fuite, le tout saupoudré de tous les maux du monde, j’y crois pas…
Alors vous avez dû le comprendre, clairement je n’ai pas aimé et je me suis ennuyée en prime… C’est le premier livre que je lis de cet auteur et je ne suis pas ressortie comblée de l’expérience…
Extraits:
L’obsession de certains d’entre nous pour les désastres imminents, ce penchant pour les tragédies que nous croyons noble et qui constituera, je pense, le cœur de cette histoire réside peut-être là : dans le besoin, chaque fois que nous traversons un passage excessivement compliqué de notre vie, de dénicher quelque chose de plus compliqué encore, de plus urgent et de plus menaçant où diluer notre souffrance personnelle. Et il se peut que la noblesse n’ait vraiment rien à voir avec ça.
Notre amitié se nourrissait du monde extérieur et excluait le plus possible nos propres personnes, raison pour laquelle, peut-être, elle durait depuis si longtemps.
Tel est le problème caché de l’urgence climatique : l’ennui atroce. Assister à la mise au point d’un accord international était carrément soporifique.
Même s’il importe de comprendre une chose : nous n’évoquons pas la fin du monde, mais la fin de la civilisation humaine, ce qui est bien différent.
Tu es contre le gaspillage, je le comprends et je le respecte. Mais moi, je suis contre la tristesse. Donc.
Donc : relax
Peut-être à l’idée que même les êtres les plus intelligents de la planète, parce qu’il est évident que c’était le cas de ces physiciens, ne comprennent rien au présent. Comme si l’on ne pouvait qu’être… balayé par le présent.
L’ironie finit presque toujours par sauver les amitiés masculines.
En regagnant la maison, environ une heure plus tard, je me sentais vaguement coupable. Envers le dieu des occasions à ne pas rater, peut-être, un dieu que j’étais particulièrement habile à décevoir.
J’étais plongé dans l’euphorie du concert et en même temps dans le panorama de silence et de dévastation dans lequel ce concert risquait de se transformer en un instant, comme si la frontière entre la réalité présente et une autre réalité possible s’était extrêmement rétrécie.
J’ignore si vous avez lu l’article paru dans Esquire, a dit Novelli, une étude sur l’état psychologique des spécialistes du climat. Comme moi. Il se trouve que nous faisons partie des catégories de scientifiques le plus exposées à la dépression et à divers troubles de l’humeur. Rien de nouveau sous le soleil. Syndrome de stress prétraumatique, voilà comment les psychologues appellent ça. Ou syndrome de Cassandre. Selon eux, c’est ce qu’on expérimente chaque fois qu’apparaît un graphique sur l’écran et qu’on voit l’avenir dans ce graphique. Et c’est ce qui nous arrive lorsque nous essayons de transmettre ces informations au monde extérieur, aux citoyens, à la presse, aux décideurs. Si vous me demandez une définition exacte de l’époque où nous vivons, la voici : une époque prétraumatique.
Il avait une façon très italienne de remuer les mains, façonnant des concepts dans la transparence de l’air devant lui, et une manière de les exposer anglo-saxonne, à savoir rigoureuse et très claire.
Contrairement à ce que je pensais, l’instabilité émotionnelle n’entraînait aucun élan créateur, du moins chez moi. La précarité et l’anxiété constituaient peut-être des états romantiques, mais elles offraient également d’excellentes raisons pour que je m’abstienne d’écrire.