Iglesias, Gabino « Santa Muerte – Un barrio noir » (2020) 189 pages

Iglesias, Gabino « Santa Muerte – Un barrio noir » (2020) 189 pages

Auteur: Gabino Iglesias est un écrivain, professeur, journaliste et critique littéraire d’origine portoricaine. Après la publication de son premier roman, Gutmouth, en 2012, il s’essaye à son genre de prédilection : le roman noir. Mais il ne souhaite pas se laisser enfermer dans des normes génériques, et Santa Muerte (Zero Saints) naît de cette volonté de s’affranchir des codes de la littérature de genre. Parmi les thèmes chers à l’auteur, on relève l’altérité, la frontière, ainsi que le mal du pays.
En plus de son activité d’écrivain, Gabino Iglesias est rédacteur en chef des critiques littéraires pour le magazine Pank et journaliste pour LitReactor. Il est également professeur au lycée et enseigne la littérature en ligne dans le cadre du Master de création littéraire proposé par l’université Southern New Hampshire.

Gabino Iglesias vit à Austin, au Texas. Santa Muerte est son premier roman publié en France.

Sonatine – 20.02.2020 – 192 pages/ 10/18 Domaine policier – 01.04.2021 – 189 pages – Traduit de l’anglais (États-Unis) par Pierre Szczeciner

Résumé:
Austin, Texas. Tu t’appelles Fernando, tu es mexicain. Immigré clandestin. Profession ? Dealer.
Un jour, tu es enlevé par les membres d’un gang tatoués jusqu’aux dents qui ont aussi capturé ton pote Nestor. Pas ton meilleur souvenir, ça : tu dois les regarder le torturer et lui trancher la tête. Le message est clair : ici, c’est chez eux.
Tu crois en Dieu, et aussi en plein d’autres trucs. Tu jures en espagnol, et désormais, tu as soif de vengeance.
Avec l’aide d’une prêtresse Santeria, d’un chanteur portoricain cinglé et d’un tueur à gage russe, tu te résous à déchaîner l’enfer.
Santa Muerte, protegeme…

Mon avis:
Quand on dit « Santa Muerte », on sait d’avance que l’on risque fort de s’aventurer dans la noirceur.. J’en avais fait l’expérience avec les écrits de l’argentine Mariana Enriquez ( Notre part de nuit ) et la découverte de Nuestra Señora de la Santa Muerte, personnage de la mythologie latino-américaine est toujours aussi passionnante ( j’adore tout ce qui a trait aux mythes et croyances) .
Direction le Texas,  le Quartier hispanique de Austin aux Etats-Unis. Un jeune mexicain, Nando, a fui le Mexique pour les Etats-Unis car il craignait pour sa vie. Quelques années après il se retrouve pris dans une guerre des gangs de la drogue. Et une fois encore sa vie est mise en danger, et c’est pas de la rigolade. Ça flingue à tout-va. Ah elle est pas facile la vie des immigrés mexicains aux Etats-Unis! Déjà pas facile de trouver un boulot et on finit par prendre n’importe quoi pour vivre, ou plutôt survivre… et après, pour sauver sa peau… surtout quand son patron, Guillermo, est un des acteurs principaux de la vente de drogue! Alors quand son acolyte Nestor se fait tuer sous ses yeux, que Guillermo est menacé, et lui-même par la même occasion, il flippe grave ! Même si il est sous la protection de la compagne de Guillermo, Consuelo, qui a des pouvoirs magiques et de la Santa Muerte… Et à tout prendre, s’il peut aussi bénéficier de la protection de Changó, le saint patron des guerriers et des tempêtes, né de l’union entre Ibaíbo et Yemmú…
C’est court, violent, efficace, rythmé,  il y a de l’humour, ça donne une bonne idée de la position des mexicains aux Etats-Unis, de la violence de la guerre des gangs, de la place de la religion et des croyances,  on ne s’ennuie pas un instant, j’ai adoré!
Chaque chapitre porte un long titre qui nous montre le chemin que va prendre le récit.

Extraits:

Nous sommes poussière et nous retournerons à la poussière, mais malheureusement, on ne peut pas devenir poussière à la demande.

Quand tu te retrouves nez à nez avec le canon d’un flingue, ça remet en cause tout ce que tu pensais savoir. Ça brise des trucs en toi, ça chamboule des convictions que tu pensais inébranlables.
Le solide devient liquide et tout se met à couler comme de l’eau. Les choses prennent la consistance mouvante des ombres qu’on voit dans les rêves.

Personne ne proteste, personne ne cherche à comprendre. C’est comme ça que ça fonctionne, à Mexico : quand ça part en vrille, tu fous le camp et tu oublies ce que tu as vu.

Beaucoup n’ont que le mot « franchise » à la bouche, mais la vérité, c’est que c’est quelque chose de rare. La plupart des gens ne sont pas francs avec eux-mêmes, alors comment peuvent-ils espérer l’être avec les autres ? 

« Ogún est le dieu du fer et de la guerre. C’est un dieu violent. L’homme qui a tué Nestor lui offrait sûrement son sang en sacrifice. Elegguá ouvre la route, mais c’est Ogún qui dégage le chemin avec sa machette. Les disciples d’Ogún portent des colliers vert et noir et ils prient pour lui chaque fois qu’ils prennent une vie. Ogún oko dara obaniché aguanile ichegún iré. Par cette prière, ils demandent à Ogún d’accepter le sacrifice et ils espèrent chasser les esprits vengeurs. 

Quand tu traverses la frontière, tu laisses de côté une grande partie de ton identité et tu deviens quelque chose de différent, un spectre de chair composé de souvenirs brisés. Tu abandonnes ta famille, tes amis, ta langue et les rues que tu connais pour te retrouver dans un pays dont tu n’es pas citoyen, où tu n’as aucun droit, et où tu dois te terrer comme un rat par peur d’être découvert. Alors tu changes. Tu te transformes. Tu deviens autre chose. Tu te dépêches d’apprendre l’anglais dans l’espoir que si tu communiques correctement, ta peau brune passera inaperçue. 

Quand tu traverses la frontière, celle-ci conserve une partie de toi. Elle te coupe jusqu’à l’os, t’empêchant de cicatriser. Elle perfore des endroits qu’aucune lame ni aucune balle ne peut atteindre et elle te mutile d’une manière que tu ne peux pas comprendre.
Traverser la frontière te bousille d’une manière que tu ne pouvais pas imaginer.

Quand tu traverses la frontière, tu voles en éclats, tu cesses d’être toi et tu deviens une nouvelle personne qui n’a sa place nulle part, qui n’a ni foyer ni racines. Revenir en arrière est impossible et avancer équivaut à sauter dans un ravin en croisant les doigts pour qu’il ne soit pas trop profond, pour que les pierres ne t’écorchent pas trop dans ta chute et pour que le monstre qui t’attend au fond ne soit pas trop affamé.

La bonne nouvelle, c’est que je savais exactement où me procurer une arme (pour la paire de couilles, on verrait plus tard). 

Le pire, avec la mort, c’est les choses qu’elle provoque chez les vivants.

Quand le château de cartes de ta vie se retrouve par terre, un désir de fuite enfle en toi. Il affecte tout ce que tu fais, contamine tout ce que tu ressens, absorbe la couleur de tout ce que tu vois.

La survie est le seul chemin vers la force, et la force est le seul chemin vers la survie. »

Information:
Santa Muerte
: déesse bien-aimée de la mort dont les origines remontent à la  période pré-hispanique du Mexique. C’est la protectrice des âmes et des enfants. Les Mexicains la connaissaient sous un autre nom : MICTECACIHUATL « Dame de la Terre des Morts » ; une autre orthographe pourrait être MICTLANTECIHUATL, on la croyait protectrice des âmes résidant dans le sombre monde souterrain. Maîtresse de MICTLANTECAHTLI Seigneur de la Terre de Mictlan du Seigneur des Ténèbres mort. J’ai aussi lu qu’on la connait aussi sous le nom de « La Catrina »mais si « La Catrina » est effectivement un personnage important de la fête des morts, ce n’est pas la Santa Muerte…

Changó (Shangô, Sàngó, Sango ou Shango), souvent désigné sous le nom de Xangô ou Changó dans l’Amérique latine et les Caraïbes, et connu également sous le nom de Jakuta, est, dans les religions afro-américaines d’origine yoruba, l’orisha de la foudre et du tonnerre. Il est également l’orisha de la justice. Au sein du foisonnant panthéon yoruba, Shango est l’une des divinités les plus puissantes : il incarne une force de la nature redoutable qui frappe avec la foudre et les météorites.

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