Chi, Zijian « Bonsoir la rose » (2015) 216 pages
Autrice : Chi Zijian est née en 1964 à Mohe, dans l’extrême nord du Heilongjiang, le pays du froid, tout près de la frontière avec la Russie. Elle a publié à ce jour plus de quatre-vingt romans, recueils de nouvelles et essais. Traduite partout dans le monde, elle a remporté de nombreux prix littéraires parmi les plus prestigieux comme le grand prix Mao Dun pour son roman Le Dernier Quartier de la lune. Une écriture étincelante et d’une profonde humanité, une autrice qui n’a pas fini de nous étonner. (Source Editions Picquier)
Editions Picquier – 05.2015 – 192 pages / Picquier poche – 03.2018 – 224 pages (traduit du chinois par Yvonne André)
Résumé:
Il faut d’abord imaginer ce Grand Nord de la Chine aux si longs hivers, les fleurs de givre sur les vitres et l’explosion vitale des étés trop brefs. Puis Xiao’e, une jeune fille modeste, pas spécialement belle, dit-elle, pour qui la vie n’a jamais été tendre :« j’appartenais à une catégorie insidieusement repoussée et anéantie par d’invisibles forces mauvaises ». Et puis Léna aux yeux gris-bleu et au mode de vie raffiné, qui joue du piano et prie en hébreu, dont le visage exprime une solitude infinie. Elle qui avait une vie intérieure si riche, comment pouvait-elle ne pas avoir connu l’amour ? Xiao’e rencontre donc Léna, une vieille dame juive dont la famille s’est réfugiée à Harbin après la révolution d’Octobre. Tout semble les opposer, pourtant on découvrira qu’un terrible secret les lie. C’est un monde où les fantômes côtoient les supermarchés, où les blessures de l’enfance restent vivaces. A la fois désabusé et espiègle, tragique et gai. L’écriture de Chi Zijian est, elle, à la fois étincelante et d’une infinie délicatesse. Un auteur qui n’a pas fini de nous enchanter.
Mon avis:
Quelle rencontre, quels beaux portraits de femmes… Les hommes, par contre….
C’est la rencontre entre une fille de la campagne, Xiao’e et une vieille dame juive, Lena.
Toutes les deux sont en quelque sorte des déracinées, l’une a quitté sa campagne et l’autre son pays. Les deux cachent un drame de leur enfance/jeunesse dont elles ne souhaitent pas parler.
Dans ce roman on vit à la fois dans le présent et le passé, dans la vie réelle et dans les légendes, les croyances, les souvenirs… Et l’autrice crée une ambiance très particulière, faite de résignation et d’amitié, d’ombre et d’éclats de lumière…
C’est une jolie histoire, les personnages sont bien décrits, attachants à leur manière, mais comme souvent dans la littérature asiatique, il manque l’étincelle qui les rendrait vivants…
Tout est en délicatesse, en subtilité, en douceur, en retenue, mais justement un peu trop de retenue pour moi. J’ai passé un moment agréable mais ce sujet, j’aurais souhaité qu’il m’enflamme, me fasse bondir d’indignation … J’aurais voulu vibrer tout simplement.. Trop intériorisé pour moi… Et pourtant..
Extraits:
« La femme est une rose, l’homme est l’abeille. Quand il a fini de butiner son pollen, qu’elle n’a plus d’attraits pour lui, il s’envole vers une autre rose. »
Et puis Léna aux yeux gris-bleu et au mode de vie raffiné, qui joue du piano et prie en hébreu, dont le visage exprime une solitude infinie. Elle qui avait une vie intérieure si riche, comment pouvait-elle ne pas avoir connu l’amour ?
J’aime la neige, car sur Terre j’ai peu de vrais amis, et quand il neige, j’ai toute une bande d’amis qui tombent du ciel, sans hostilité, sans nuisance, sans moquerie. Ils m’embrassent, comme si la lumière du Paradis illuminait la poussière de la Terre, et mon cœur se réjouit, s’éclaire, se détend.
Il y avait des moments où l’on aurait dit qu’elle vivait dans un monde de contes pour enfants.
Je projetai de déménager. Il ne suffit pas d’habiter une maison d’autrefois pour faire de beaux rêves.
Ses caractères fins et déliés zigzaguaient comme des notes qui se seraient envolées sur une portée.
Il ajouta avec ironie qu’autrefois seul l’empereur pouvait porter des dragons sur son costume funéraire, mais que maintenant le menu peuple le pouvait, ce qui prouvait les progrès de la société. On n’avait pas encore résolu le problème de l’égalité dans la vie, mais on l’avait réalisé dans la mort.
La mélancolie a sa beauté, une beauté que l’intéressée doit savourer dans la solitude.
Si la grand-rue est l’épine dorsale de Harbin, l’hôtel Moderne en est l’âme. Cet hôtel qui existe depuis un siècle est toujours l’édifice le plus à la mode de la rue, ce qui prouve que la mode véritable ne craint pas le temps qui passe.
On dirait que dans les rapports de couple, quand on se déchire, on régresse de l’état d’animal doué de sentiments à l’état de marchandise, parce que les sentiments ne sont pas plus ou moins chers, mais les marchandises le sont.
Elle me dit avec tristesse : « Ce n’est pas bon de rester en vie longtemps, on voit mourir bien plus de gens que les autres. »
« Du moment que l’on ne se traite pas soi-même en paria, peu importe que le monde entier vous mette en quarantaine. »
Je ne veux pas entendre la voix du temps, car pour moi le temps est une rivière à sec où plus rien ne coule.