Somoza, José Carlos « Etude en noir » (2023) 400 pages

Somoza, José Carlos « Etude en noir » (2023) 400 pages

Auteur: José Carlos Somoza, né le 13 novembre 1959 à La Havane à Cuba, est un écrivain espagnol d’origine cubaine.
Né à Cuba en 1959, José Carlos Somoza n’y passe que quelques mois, car sa famille est contrainte à l’exil pour des raisons politiques en 1960. Fort bien accueillis par des amis en Espagne, alors que leur situation est des plus précaires (les exilés devaient quitter l’île sans biens ni argent), les Somoza parviennent à s’intégrer à la vie européenne.

Pendant ses études de médecine et de psychiatrie, José Carlos Somoza partage son temps entre Cordoue et Madrid. Diplômé de psychiatrie et de psychanalyse en 1994, il exerce un temps, avant de se consacrer entièrement à sa carrière littéraire.

Il vit aujourd’hui à Madrid.

Romans:  La Caverne des idées (2002), la Bouche (2003) Le détail (2003) Clara et la Pénombre (2003), La Dame no 13 (2005), La Théorie des cordes (2007), Daphné disparue (2008), La Clé de l’abîme (2009), L’Appât (2011), Tétraméron (2015), Le Mystère Croatoan (2018), L’Origine du mal (2021) et Étude en noir (2023).

Actes Sud – Actes Noirs – 03.05.2023 – 400 pages (traduit par Marianne Million – titre original Estudio en negro)

Résumé: 

1882, Angleterre. Anne McCarey fuit l’agitation londonienne et une liaison toxique avec un marin ivrogne et violent pour revenir à Portsmouth, la ville de son enfance. Infirmière chevronnée, elle est engagée dans une institution psychiatrique très select sur la côte. Elle n’a en charge qu’un seul patient : monsieur X, qui par sa singularité et ses exigences est déjà venu à bout de bon nombre de soignants. Issu d’une famille puissante et richissime, outre quelques fantaisies, l’homme a surtout développé un talent unique de déduction lui permettant de découvrir le moindre secret enfoui au tréfonds de l’âme de ceux qui passent la porte de sa chambre.
C’est dans cette atmosphère emplie de mystères qu’une série de meurtres commence à endeuiller la ville. Avec l’aide d’Anne et du jeune docteur Arthur Conan Doyle, qui prodigue des soins à notre “mentaliste” tout en peaufinant le personnage principal de son roman, un certain Sherlock Holmes, M. X utilise ses dons de clairvoyance pour diriger l’enquête depuis son antre. Et le lecteur d’accompagner ses acolytes dans l’univers décadent des théâtres clandestins et de leur inframonde où se jouent des spectacles licencieux et illicites mettant en scène un choeur de marginaux et d’enfants des rues.
Dans ce roman tour à tour conte cruel, enquête policière ou critique sociale, à l’image de ceux de ses grands maîtres littéraires du XIX è siècle, José Carlos Somoza orchestre un saisissant théâtre de la vie, et surtout de la mort.
Préquel des romans de Conan Doyle, ce roman est un hommage à l’un des pères du roman policier, autant qu’un portrait saisissant de l’Angleterre victorienne et de la misère de ses petites gens, décrites avec empathie et émotion, à la manière d’un Charles Dickens.

Mon avis:
Premier livre que je lis de cet auteur … et certainement pas le dernier ! J’ai trouvé le roman passionnant mais pas facile à lire.
C’est à la fois comme le dit le résumé un conte cruel, une enquête de police, un thriller psycho-psychiatrique, une critique sociale, un essai sur le théâtre, un hommage à Conan Doyle et à Dickens, une plongée dans les cliniques pour aliénés du XIXème siècle, dans les bas-fonds de la ville portuaire de Portsmouth et de Londres, une évocation des enfants des rues…
Bienvenue à Clarendon House, à la fin du XIXème, en pleine époque victorienne. Clarendon House est une clinique, mais en fait les résidents sont plus proche des aliénés que des personnes ayant toute leur tête. Et nous allons nous attacher aux pas de l’infirmière Anne McCarey qui arrive de Londres pour s’occuper d’un patient mystérieux, Monsieur X. Elle va être aidée par le Dr… Arthur Conan Doyle…
Dans une atmosphère victorienne qui suinte la misère, Portsmouth subit à ce moment une vague d’assassinats de mendiants. Doyle et Monsieur X vont enquêter ensemble… « Etude en noir » est un hommage à « Etude en rouge » de Arthur Conan Doyle. 

Tout est mystère, apparences et trucages… Entre théâtre et réalité… Une ambiance de malaise qui contribue à opacifier la vie…
Et pour agrémenter l’ambiance pesante il y a la relation toxique à laquelle notre infirmière essaie d’échapper… C’est pesant et noir à souhait ! Je vous invite à entrer dans la chambre baignée d’obscurité de Monsieur X… il y a de l’horreur, du suspense, du fantastique, de l’historique, du psychiatrique, du romanesque, du littéraire, du théâtral, du magique… c’est juste hors norme ! Avec un dénouement totalement surprise ! 

Extraits:

Chaque lieu possède son propre dictionnaire, disait mon père.

L’avantage des gens qui n’ont pas de chance, c’est qu’ils ne sont pas superstitieux.

J’éprouve une terreur naturelle envers la police, presque semblable à celle que j’éprouve devant les malfaiteurs, car avec ces derniers, on peut toujours recourir à la police. Autrement dit : face au mal, il me reste encore la consolation que le bien me défende, mais qui peut me défendre du bien ?

Les enfants des rues ont les yeux et les oreilles partout.

— Mon frère me répétait souvent une maxime des comédiens : “Ne crains pas le théâtre qu’on entend comme un coup de tonnerre ou qui éblouit comme un éclair, crains ce qui est obscur et silencieux.”

Soudain, je compris ce qui arrivait. Une seconde avant que je ne quitte la pièce, c’étaient deux personnes qui venaient de se rencontrer. Une seconde après mon retour, c’étaient deux hommes partageant une passion.

– Je portai une main à ma poitrine (nous le faisons toujours, comme par crainte que notre cœur ne s’en aille par là) et j’essayais encore de me calmer.

Toute chose petite ou grande porte le mot “fin” écrit dessus.

Le théâtre, c’est l’autre monde, ma chère demoiselle. Et dans notre Grande-Bretagne, nous en avons autant besoin que des rêves. Regardez autour de vous. Observez le va-et-vient des gens, travailleurs courageux, officiers de marine, camelots, petites parties d’un tout, ouvrières de la ruche sociale. Pudibonds le jour et rêveurs la nuit. 

Je voulais dire que je ne souhaitais pas vous blesser avec… mes paroles, répondis-je en hésitant.
— Vos paroles ! Oh ! – Il semblait étonné. – Vos paroles auraient-elles par hasard une pointe ou un tranchant ? On peut les toucher ? Elles peuvent être touchées ?
— Bien sûr que non, mais…
— Mais elles peuvent blesser, profondément.
— Oui, bien sûr. Mais ce ne sont pas des blessures réelles.— Mais elles provoquent de la douleur.
— Une grande douleur, admis-je.
— Et parfois, la mort.
— Oui.
— De sorte qu’elles doivent être réelles, même si elles sont invisibles. Il peut se produire des blessures avec des choses qu’on ne peut voir ni toucher, ou de la musique avec un violon que personne ne voit.

…quand nous pensons longtemps à quelque chose, nous hésitons toujours entre deux options. La solution est presque toujours un mélange des deux. Les avis ne sont que des ingrédients destinés à fabriquer la vérité

— Le théâtre est donc capable de contrôler l’esprit…

— Mon cher monsieur, le théâtre est la magie de la réalité. Il peut tout.

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