Llach, Lluis « Les femmes de la Principal » (2017) 416 pages
Auteur:
Lluís Llach est né en 1948 à Gérone. Figure de proue du combat pour la culture catalane pendant le franquisme, il s’exile à Paris et débute sa carrière française à l’Olympia en 1973. Cet immense artiste quitte la scène en 2007 pour se consacrer à une fondation qu’il a créée au Sénégal et à la culture de la vigne. Il a été élu député au parlement de Catalogne entre 2015 et 2017 et continue de soutenir ardemment la cause indépendantiste.
Romans : Les Yeux fardés (2015) – Les Femmes de la Principal (2017) – Le Théâtre des merveilles (2019) – Echec au destin (2022)
Actes Sud – 03.05.2017 – 320 pages / Babel poche – 01.05.2019 – 416 pages – Les Dones de la Principal 2014 -traduit du catalan par Serge Mestre.
Résumé:
Lorsqu’en 1893 le phylloxéra s’abat sur les vignes catalanes, Maria a vingt ans et, pour son malheur, quatre frères. L’avenir de la famille se jouera désormais à Barcelone, où le patriarche a commencé d’établir ses fils. Nulle place pour une fille dans ce plan : Maria restera au village pour porter haut les couleurs de la famille, condamnée à dépérir auprès des ceps infectés. Pour prix du sacrifice, lui reviendra en héritage l’intégralité du domaine – sa somptueuse bâtisse, la Principal, ses dépendances et d’innombrables arpents de vignes –, qu’avec une intelligence et une opiniâtreté sans égales elle parviendra, contre toute attente, à faire prospérer. Comme après elle sa fille, puis sa petite-fille.
Courant sur plus d’un siècle, Les Femmes de la Principal est une saga familiale pleine de secrets et de passions dominée par trois femmes fières, excentriques et inoubliables.
Mon avis:
Une fois de plus, la littérature espagnole et plus particulièrement catalane me touche droit au coeur. Je connaissais bien le chanteur et je découvre l’auteur. Inutile de vous dire que les autres romans de cet auteur m’intéressent…
La saga des Maria… de mère en fille.. couvre un siècle de l’histoire du domaine viticole de la Principal situé en Catalogne.
Mais ce n’est pas qu’une saga familiale… c’est une enquête de police, un livre politique, un livre qui aborde le franquisme, un livre sur la condition féministe, sur l’homosexualité, sur le pouvoir de l’Eglise, sur les relations familiales et sociales…
Au tout début, il y a un homme, Andreu Roderich, père de quatre garçons et d’une fille, Maria. Et un héritage…
La première Maria « la vieille » va rencontrer Narcís Magí, un homme cultivé et riche, amoureux des livres et de la musique, qui vit de ne rien faire alors que sa femme s’occupe de la Principal et qui va lui léguer en plus de sa fortune, des tonnes de livres… Un homme d’une époque révolue. Mais à la mort de son mari, « la vieille » va basculer vers la phalange espagnole de sa région, le fanatisme religieux, le militantisme politique…
La deuxième Maria est tombée amoureuse d’un « inverti » et a écouté ses sentiments.
La troisième Maria est tombée amoureuse de la liberté
Et il y a l’inspecteur qui se prends pour Hercule Poirot et se rêve dans les romans d’Agatha Christie…
Sans oublier le quatrième personnage féminin, Ursula la nourrice qui a veillé sur les trois générations de Maria.
Pour ce qui est des hommes, ils ne jouent nettement pas le beau rôle dans cette histoire…
Amoral ? Immoral ? C’est la question que Maria se pose à la fin du roman…
Un magnifique hommage à la femme au travers de cette chaine de Maria.
Extraits:
… à cette époque de mâles tout-puissants et de femelles soumises le plus important était de conserver une attitude solennelle afin de passer pour une femme pas comme les autres aux yeux des hommes. Et des corbeaux.
Il avait toujours rêvé d’être un policier de la brigade criminelle, de résoudre un crime comme s’il s’agissait d’une équation mathématique, dans laquelle l’entourage, la psychologie, les motivations profondes seraient les inconnues.
À sa condition de femme s’ajoutait le fait qu’elle n’avait encore que vingt ans et, de plus, un caractère bien trempé, qu’elle savait parfaitement ce qu’elle voulait et ne lâchait jamais rien. Tout cela était insupportablement humiliant pour cette catégorie d’hommes, si tant est qu’il en existât une autre.
Il doit être compliqué de porter sur son dos les facéties d’une mémoire. Ce doit être très lourd et encore plus si l’on a toute sa tête. On naît au degré zéro et l’on retourne au degré zéro. On sait à quel moment on le quitte, mais on ignore quand on y retourne. Absent de tout à présent, il se demande à quel moment de sa vie la montée vers le degré zéro s’est infléchie pour entamer la descente vers le degré zéro. Il tente vainement de deviner à quel moment il a cessé de continuer à vivre pour commencer à se diriger vers la mort.