Maalouf, Amin « Un fauteuil sur la Seine » (2016) – 352 pages

Auteur : Amin Maalouf, né le 25 février 1949 à Beyrouth, est un écrivain libano-français. Il reçoit le prix Goncourt en 1993, pour Le Rocher de Tanios, et est élu à l’Académie française en 2011. Le 28 septembre 2023, il est élu secrétaire perpétuel de l’Académie française.
Amin Maalouf est né à Beyrouth dans une famille d’intellectuels libanais de confession melkite, puis protestante, et issue d’une tribu chrétienne sédentarisée sur les pentes du Mont Liban depuis le XVIe siècle
Je suis extrêmement surprise de voir que cet auteur que j’aime infiniment ne figurait pas sur mon blog. Et pourtant j’ai lu beaucoup de ses écrits (en italique) – mais c’était avant la naissance de mon blog … ( et quand il écrivait des romans …)
Romans et Essais :
Léon l’Africain (1986) – Les croisades vues par les Arabes (1983) – Samarcande (1988)- Les jardins de lumière (1991) – Le premier siècle après Béatrice (1992) – Le rocher de Tanios ( Prix Goncourt 93) – Les échelles du levant (1996) – Les identités meurtrières (1998) – Le périple de Baldassare (2000) – Origines (2004) -Le dérèglement du monde (2009) – Les Désorientés (2012) – Un fauteuil sur la Seine (2016) – Le naufrage des civilisations (2019) – Nos frères inattendus( 2020) – Le Labyrinthe des égarés. L’Occident et ses adversaires (2023)
Grasset – 09.03.2016 – 330 pages – Livre de Poche – 06.09.2017 – 352 pages
Résumé:
En racontant la vie et les aventures des dix-huit personnages qui se sont succédé au 29e fauteuil de l’Académie française depuis 1634, Amin Maalouf ne retrace pas seulement cette «généalogie en partie fictive» dont parlait son prédécesseur Lévi-Strauss ; il nous fait revivre de manière charnelle, incarnée, quatre siècles d’histoire de France. Si «un roman est un miroir que l’on promène le long d’un chemin», selon le mot de Stendhal, le roman de la France que nous relate ici l’auteur est une Légende des Siècles à partir d’un fauteuil.
Son premier occupant se noie dans la Seine, Montherlant se suicide dans son appartement avec vue sur la Seine, et l’Académie elle-même siège dans un petit périmètre longé par la Seine, entre le Louvre et le quai Conti ; unité d’un lieu à partir duquel se déploie le kaléidoscope d’une histoire en train de se faire. Le pouvoir des rois et des cardinaux, des hommes d’épée et des négociateurs, l’autorité grandissante ou déclinante des philosophes et des savants, l’influence des poètes, des librettistes, des dramaturges et des romanciers : autant de visages de la gloire qui nous parlent des âges différents de la Nation.
Les conflits d’idées et d’égos, les cabales pour faire trébucher Corneille, Voltaire ou Hugo, les intrigues de couloir et les histoires d’amour contrariées tissent la trame de cette si singulière histoire de France. On revisite ici la querelle du Cid et la révocation de l’Edit de Nantes, la Fronde et le jansénisme, l’expulsion des jésuites et l’émergence de la franc-maçonnerie, la Révolution de 1789, l’insurrection du 13 Vendémiaire et le coup d’état du 18 Brumaire, le Second Empire, la guerre de 1870 et la Commune de Paris, l’invention de l’anesthésie et celle des funérailles nationales, l’Affaire Dreyfus et les grandes guerres du XXe siècle…
A partir d’un simple fauteuil, lieu de mémoire fragile et chaleureux posé sur les bords de la Seine, Amin Maalouf nous fait redécouvrir les riches heures du passé de la France, la permanence de son «génie national», ainsi que ses constantes métamorphoses.
Mon avis:
Idée très séduisante de parcourir 400 ans d’histoire de France en découvrant l’histoire des personnalités qui ont siégé sur le fauteuil 29 et en suivant leur parcours et les événements de l’Histoire de France à l’époque. Certains sont totalement oubliés et ont été nommés pour des raisons nettement plus politiques que littéraires!
Le nom de certains ne me disait strictement rien… et j’ai aimé parcourir l’histoire de France avec eux. Je commence donc par citer les occupants du fauteuil 29 avant Amin Maalouf:
Pierre Bardin (v. 1595-1635) – Nicolas Bourbon (v. 1574-1644) -François-Henri Salomon de Virelade (1620-1670) – Philippe Quinault (1635-1688) – François de Callières (1645-1717) – André-Hercule, cardinal de Fleury (1653-1743) – Paul d’Albert, cardinal de Luynes (1703-1788) – Jean-Pierre Claris de Florian (1755-1794) – Jean-François Cailhava (1731-1813) – Joseph Michaud (1767-1839) – Pierre Flourens (1794-1867) – Claude Bernard (1813-1878) – Ernest Renan (1823-1892) – Paul-Amand Challemel-Lacour (1827-1896) – Gabriel Hanotaux (1853-1944) – André Siegfried (1875-1959) – Henry de Montherlant (1895-1972) – Claude Lévi-Strauss (1908-2009).
L’Académie Française vit le jour grâce à Richelieu ; elle a été supprimée par un décret de la Convention en aout 1793 puis réhabilitée.
Ce fauteuil a compté grand nombre de personnalités politiques et religieuses, des poètes, des auteurs de théâtre, des fabulistes, des historiens ( dont Michaud spécialiste des croisades), des écrivains, des dramaturges, pas moins de six professeurs.
Ce qui m’a intéressée est de voir que l’ouvrage de Callières – décédé en 1717 – a été redécouvert deux siècles plus tard, en 1917 et que Thomas Jefferson, le troisième président des États-Unis et l’un des pères de l’indépendance, avait lu et admiré et qu’il n’a pas été le seul à en vanter les mérites en matière de négociation, relations ou espionnage et qu’il s’est crée une réputation posthume depuis le deuxième tiers de XXI siècle.
J’ai appris que les paroles de la chanson « Plaisir d’amour ne dure qu’un moment, Chagrin d’amour dure toute la vie » ont été écrites par Florian 1755-1794)
On y parle aussi de l’inhumation de Molière, grâce à Jean-François Cailhava qui avait une passion pour lui et écrivit des études sur lui. Cailhava qui était membre fondateur de la loge maçonnique des Neuf-Sœurs et qui fut le premier occupant du fauteuil 29 à son adresse actuelle, lorsque Napoléon, en 1805 fit installer l’académie Française à son emplacement actuel, Quai de Conti.
On évoquera les jansénistes, l’expulsion des jésuites de France, la franc-maçonnerie ( initiation de Voltaire dans la « loge des Neuf-Soeurs) , les prémisses du « vedettariat », la perte d’influence des prélats au profit des philosophes, l’influence de la Pompadour, et tellement d’autres choses…
Extraits:
La loge dite « des Neuf-Sœurs ».
Celle-ci avait été fondée en 1776 à l’initiative de Madame Helvétius, veuve du philosophe rationaliste, pour honorer la mémoire de son époux. Le but était de rassembler, au sein d’un même atelier maçonnique, des savants, des artistes, des philosophes, des poètes ; les « sœurs » étant les neuf muses de la mythologie grecque. La loge compta à son apogée plus de cent soixante « frères », parmi lesquels de nombreuses célébrités du moment, comme Benjamin Franklin, l’un des pères de l’indépendance américaine, le sculpteur Houdon, l’inventeur Jacques-Étienne Montgolfier, l’astronome Lalande, le zoologiste Lacépède, ou le docteur Guillotin – ainsi qu’une poignée d’académiciens. Pourtant, elle ne serait jamais sortie de l’ombre si elle n’avait eu la chance d’accueillir le grand homme de cette époque-là : Voltaire.
Claude Lévi-Strauss
La mission de l’anthropologue, ce n’est pas d’étudier les sociétés « sauvages », « primitives » ou « exotiques »; sa mission, c’est d’étudier l’homme, tout simplement ; dans sa diversité, bien sûr, mais également et avant tout dans son unité profonde, qui va au-delà de toutes les dissemblances ; parce qu’il y a en l’Autre quelque chose de nous, et en nous quelque chose de l’Autre, et qu’il est important que nous en prenions conscience afin de mieux nous connaître nous-mêmes.
Les rites de votre vénérable tribu, dira-t-il en substance à ses confrères interloqués, ne sont aucunement dévalorisés par leur similitude avec ceux de telle ou telle autre communauté humaine – immémoriale, déboussolée, et fière de ses déguisements ; ils en acquièrent, bien au contraire, un supplément de raison d’être, et un supplément de noblesse. « Je viens à vous, Messieurs, pareil à ces vieux Indiens que j’ai connus, résolus à témoigner jusqu’à la fin pour la culture qui les a faits, même si celle-ci est ébranlée, et surtout si d’aucuns se plaisent à la dire condamnée. »
« L’humanité s’installe dans la monoculture ; elle s’apprête à produire la civilisation en masse, comme la betterave. Son ordinaire ne comportera plus que ce plat. »
De son point de vue, aucune culture ne mérite de disparaître – aucune communauté, aucun récit, aucune langue, aucun art. Ni sur les bords de l’Amazone, ni sur les bords de la Seine.
One Reply to “Maalouf, Amin « Un fauteuil sur la Seine » (2016) – 352 pages”
J’avais bien aimé cet ouvrage d’Amin Maalouf 😉
Lu en 2017… j’avais écrit ceci :
“Voilà plus de 10 ans que je n’avais rien lu d’Amin Maalouf.
Comment ai-je pu oublier combien son écriture est belle, et combien il sait rendre ses personnages attachants et intéressants… ?
Quel plaisir de lecture ! Et quel bel hommage que celui rendu par l’actuel occupant du fauteuil n°29 de l’Académie française (depuis 2011) à ses 18 prédécesseurs !
De Pierre Bardin (inconnu de nos jours), à Claude Lévi-Strauss, en passant par Philippe Quinault, le cardinal de Fleury (précepteur de Louis XV), le cardinal de Luynes, Claris de Florian, Joseph Michaud, Ernest Renan et Montherlant, entre autres, on visite ainsi 400 ans d’Histoire et d’histoires.“
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