Avallone, Silvia « Coeur noir » (2025) 444 pages

Avallone, Silvia « Coeur noir » (2025) 444 pages

Autrice : (née le 11 avril 1984 à Biella) est une écrivaine et poétesse italienne contemporaine. Elle grandit à Piombino sur la côte toscane et poursuit des études de philosophie à Bologne, où elle vit.

Romans :
D’acier (Acciaio 2010), son premier roman, remporte le prix Campiello Opera Prima. Il est adapté à l’écran par Stefano Mordini.  Il est finaliste du Prix Strega .
Elle publie ensuite en 2011 : Le Lynx (La lince), Marina Bellezza (2013) , La vie parfaite (2018) , Une amitié (2022 – Un’amicizia 2020 ) Coeur noir (2025 – Cuore nero 2024)

Liana Levi – 06.02.2025 – 444 pages (Cuore nero 2024 ) – traduit de l’italien par Lise Chapuis

Résumé:

Dans les hauteurs d’un petit village de montagne vient s’installer un jour d’automne Emilia. Par la fenêtre de la maison d’en face, Bruno, le maître d’école, l’épie, bien résolu : à défendre son espace de tranquillité. La jeune femme finit pourtant par entrer dans sa vie, tout en ne dévoilant rien d’elle-même. Pourquoi est-elle là? A-t-elle quelque chose à cacher ? Et lui, pourquoi n’a-t-il jamais quitté ce hameau perdu ? Chacun devine chez l’autre un abîme pareil au sien mais rien ne semble pouvoir faire tomber les masques.
Le village de Sassaia est leur refuge, la seule solution pour échapper au passé. Et pour bâtir un avenir auquel tous deux ont cessé de croire. Une histoire d’amour, de violence et de rédemption.

Mon avis: ❤️❤️❤️❤️❤️
Coup de coeur/coup de poing. C’est un roman magnifique, avec des personnages émouvants et extrêmement bien construits.  Bien sûr il y a les deux personnages principaux, Emilia et Bruno, mais le rôle des personnages secondaires est loin d’être inintéressant et tous sont magnifiques dans leur genre. Je veux parler du père d’Emilia Riccardo, du vieux Basilio, de Marta, l’amie de galère, du gamin Martino; comme il se doit, j’ai détesté Patrizia!

Elle s’appelle Emilia Innocenti… on peut dire qu’elle a un nom prédestiné. Devenue orpheline de mère à 13 ans, le jour où tout le monde est en fête. Petite fille très seule née dans une famille aisée, avec une vie confortable et dans laquelle elle ne manque de rien, mis-à-part d’amitié et de confiance en elle.. ce qui est énorme.
Un roman noir. Une jeune femme de 30 ans, Emilia, va se terrer dans le petit village de Sassaia ( 3 habitants avec elle) paumé au milieu de nulle part dans les montagnes. Son voisin Bruno, est tout sauf ravi de voir débarquer une inconnue, une étrangère, dans la maison d’en face. Qui est-elle ? D’où vient elle ? Pourquoi a-t-elle choisi de venir habiter dans ce trou perdu ? Dans ce lieu où les étrangers ne sont pas les bienvenus. En plus la fille a l’air sacrément paumée…
C’est qu’elle traîne un passé bien lourd. Elle vient de passer des années en prison comme on va le découvrir. Nous mais pas lui car elle vit en cachant son identité et son passé.
Quant à lui, il a aussi vécu un drame.  Leurs solitudes ne vont pas tarder à s’entremêler… L’un a fait le mal et l’autre l’a subi… Et les deux ont trouvé refuge dans la solitude de Sassaia.
Ce livre est un livre aussi sur la « renaissance à la vie ». C’est aussi un livre qui montre la vie apres un drame, provoqué ou non. La manière de gérer … fuir ou avancer la tête haute, une fois qu’on a payé sa dette envers la société. Assumer et choisir de vivre ou se terrer et survivre.. Continuer à se punir encore et encore ou regarder vers le futur ? Donner du soulagement et de la joie à ceux qui nous entourent et souffrent de la situation ou continuer à les faire payer pour des actes qu’ils n’ont pas commis? 

Emilia va avoir une chance : en détention, elle va pouvoir poursuivre ses études et donc avoir un bagage pour entamer une nouvelle vie à sa sortie de détention. Ce n’est certainement pas un hasard si elle choisit les Beaux-Arts, le métier de restauratrice et qu’elle aime des artistes comme le Caravage ou Bosch.

Plusieurs questions se posent : peut-on aimer une personne sans la connaître ? Peut-on croire une personne qui ne nous fait pas confiance? 

Ce roman est non seulement une magnifique ode à l’amour, à l’amitié, à la nature mais aussi un roman qui nous fait pénétrer dans l’univers carcéral en Italie dans la deuxième partie du XXème siècle, qui nous montre l’importance de l’éducation et de la culture dans la vie et met l’accent sur l’importance de s’accepter soi-même et d’accepter les autres, sur l’importance de pardonner et de se pardonner… 

Un superbe roman que je recommande vivement. 

Extraits: (difficile de choisir ) 

Est-il besoin de dire que si quelqu’un décide de vivre dans un village vidé de ses habitants, c’est qu’il veut laisser derrière lui cette saison de la vie où il se passe des choses. Une saison où les événements vous bouleversent, vous déroutent, vous changent.

Elle appartenait à cette catégorie de créatures que la vie a tellement matraquées, et qui ont tellement résisté, qu’à la fin elles n’ont plus d’âge.

Les ruelles avaient la largeur de passages, les maisons étaient enlacées les unes aux autres par des voûtes de pierre semblables à des bras.

Elle était une contradiction dans les termes, aussi bien pour la société que pour elle-même. Parce qu’elle était morte en dedans, mais quand même vivante.

Nous devions seulement laisser les mots en dehors de notre histoire, pensai-je, le passé en dehors de nos nuits.

Qui nous sommes et ce que nous faisons ne sont peut-être pas la même chose. » Elle leva les yeux et ajouta : « Je pense au Caravage.

L’art est toujours une tentative de lumière, un écart par rapport à l’obscurité qu’il y a dans la vie.

Qu’il faut bien recommencer quelque part. Moi j’y croyais pas, je voulais pas, et puis j’ai été obligée. Alors, parmi tous les endroits du monde, j’ai choisi Sassaia parce que c’est le plus beau. C’est comme… – elle réfléchit un instant – un utérus de pierre. On y est à l’abri, innocent, au chaud comme dans l’étable de la crèche. Et au-dehors, le monde entier, glacé et méchant.

Elle ne mettait pas longtemps, la solitude, à revenir. Comme les mauvaises herbes, les insectes nuisibles.

Elles étaient « des jeunes détenues », parce que c’était écrit comme ça dans toutes les feuilles affichées dans les couloirs : Avis aux jeunes détenues. Elles étaient condamnées. Marquées. Estampillées. Bannies. Depuis toujours et pour toujours.
« Étudiantes, c’est un mot qui contient un mouvement, une transition. Étudiantes, c’est ce mot qui vous emmène en dehors de la cage. Pas seulement celle-ci, mais aussi celle que vous avez dans la tête. Dans la façon dont vous vous pensez. Dont on vous a éduquées. Dont les autres vous ont regardées et jugées. Comme si les gens pouvaient seulement être justes ou faux pendant toute leur vie ! Changer, c’est notre nature. Le langage – ses yeux avaient lancé des éclairs – est la première possibilité de changement. Parce que oui, si vous les appelez autrement, les choses changent. »

En taule, les problèmes restés à l’extérieur prenaient des proportions gigantesques et on oscillait, impuissant, comme un roseau. 

Le Caravage – son peintre préféré – au Palazzo Reale. Elle lui avait consacré des recherches, des devoirs, son mémoire. Aucun autre artiste n’avait suscité chez elle une étincelle aussi forte, viscérale. Lui aussi, il savait ce qu’était le mal. Il en avait fait l’expérience dans sa vie, dans sa chair, à la première personne et sans échappatoire : comment aurait-il pu, sinon, le transfigurer dans cette obscurité si dense et effroyable. Traversée par cette lumière aveuglante, divine.

2 Replies to “Avallone, Silvia « Coeur noir » (2025) 444 pages”

  1. Alors là, encore une fois, je ne regrette pas d’avoir suivi ton coup de cœur car il l’est devenu pour moi aussi 🙂 Ton avis est tellement bien écrit que je n’ai rien à ajouter hormis « Lisez ce livre !!! »

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