Fortems, David « Louis veut partir » (RLE2020) 185 pages

Auteur: auteur français né à Juvisy-sur-Orge, Essonne, le 30.05.1996. David Fortems est diplômé en études cinématographiques de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (licence, 2014-2017) et de l’École Normale Supérieure de Lyon (master, 2018-2020). Il a aussi étudié l’écriture et création de séries TV à La Fémis (École nationale supérieure des métiers de l’image et du son) (2020).
Robert Laffont – 20.08.2020 – 185 pages / Prix Régine Deforges
Résumé
La neige recouvre tout mais pas les images. Pascal voudrait s’ouvrir la tête pour les prendre à mains nues et les jeter dans la Semoy, qu’elles s’enfoncent dans la vase, dans les algues vertes et gelées de la rivière. Il se dit que c’est peut-être ça que Louis a cherché à faire. Il a cherché à tout éteindre. A faire un noir. A fuir. Pascal, ouvrier dans une petite ville des Ardennes françaises, a toujours été fier de son fils Louis, un garçon calme et bon élève qui passe son temps dans les livres.
Une passion presque obsessionnelle pour la littérature qui surprend dans leur entourage modeste. Tous deux mènent une vie tranquille, faite de silences complices. C’est du moins ce que pense Pascal jusqu’à ce que Louis soit retrouvé mort à la confluence de la Meuse et de la Semoy, où il a décidé de mettre fin à ses jours. Pourquoi un tel geste ? Que s’est-il passé ? Abasourdi et accablé, Pascal va peu à peu découvrir la vérité.
Et bientôt, une évidence : son fils était pour lui un parfait inconnu. Premier roman incisif et sensible, Louis veut partir dissèque une relation manquée entre un père et son fils. Il fait saillir l’absence tragique de communication au sein d’une famille et le caractère implacable du déterminisme social.
Mon avis : ❤️❤️❤️❤️❤️
Un bijou que ce livre ! Un livre poignant, déchirant sur la non communication père-fils découverte après le suicide du jeune homme. La rencontre post-mortem entre un père et son fils.
Un père ouvrier qui s’occupe de son fils depuis qu’il est tout petit – quatre ans – car la mère est partie en les abandonnant tous les deux. Un père ouvrier, un fils qui lui a tout de l’intellectuel, plongé dans les livres du soir au matin. Ils vivent ensemble certes, mais séparément. Bien sûr le père a vu que son fils n’amenait pas de filles chez lui, mais il est jeune… et puis il vivait dans un autre monde.. un monde de livres et des études… et il était parti en vacances avec une fille, même si le père ne la connaissait pas…
Après le suicide inexpliqué de Louis, Pascal va partir à la rencontre posthume de son fils. Derrière une apparence douce et tranquille, il va découvrir la face cachée de celui qu’il pensait connaître. Pour comprendre son acte, il va enquêter et remonter le cours de la vie de son fils, rencontrer ses amis et/ou connaissances…
Lui qui se fiait à ce qu’il voyait se rend compte qu’il ne lui posait jamais de questions, qu’il ne lui parlait pas – plutôt qu’ils ne se parlaient pas – et que malgré son immense amour pour son fils, il est passé totalement à côté de lui…
Je vous laisse partir à la rencontre du père et du fils, un parcours émouvant, au fin fond des Ardennes.
Extraits :
Depuis le jour où il avait appris à parler, Louis n’avait plus jamais pleuré devant son père, pour quoi que ce soit. Et depuis qu’il savait lire, il ne se plaignait jamais, ne criait pas, ne courait pas, ne bougeait pas, jusqu’au moment où il finissait son bouquin. Alors il se levait pour aller en reprendre un autre et ne changeait plus de position. Un boulimique de littérature.
comment survivre à la mort d’un enfant qui a choisi de perdre sa propre vie ?
on ne tombe jamais amoureux de quelqu’un, mais de quelque chose chez quelqu’un.
Ses larmes sont des gouttes de lumière.
Il lisait, oui, mais pour lui la lecture, c’était comme respirer, ce n’était pas un effort.
Pascal est de ces indignés qui n’ont plus la force de se battre.
Après trop de défaites, il a appris à vivre sa vie dans son coin. Il a trop donné à des causes perdues.
Immergé, il attend le creux de la vague pour pouvoir respirer. Parfois la vague est longue – des jours à retenir son souffle.
Tout deuil est une éclipse. Alors que luit le soleil, soudain, une lune noire vient obscurcir le jour. L’éclipse, en elle-même, ne dure qu’un temps, mais assez pour faire lever la tête vers le ciel. Puis, progressivement, la vie reprend son cours, les jours se succèdent, nuit, jour, nuit, jour, et l’ombre qui plongeait l’existence dans le noir s’en va. Le seul changement, c’est que derrière, tu laisses une part de toi. Tu survis, sans jamais plus être tout à fait entier. Vivre, c’est avant tout se fragmenter.
Sa simple présence suffisait ; jamais plus il ne la sentira. Une présence calme, certes, constamment plongée dans un livre, mais une présence quand même. Des mouvements, des bruits.
Ce sont les choses qu’on tait le plus qui parlent le mieux de nous, elle dit.
je lis comme tu marches. Lire longtemps, marcher longtemps, c’est la même chose : le cœur bat différemment.
La neige recouvre tout mais pas les images. Pascal voudrait s’ouvrir la tête pour les prendre à mains nues et les jeter dans la Semoy, qu’elles s’enfoncent dans la vase ainsi que dans les algues vertes et gelées de la rivière. Il se dit que c’est peut-être ça que Louis a cherché à faire. Il a cherché à tout éteindre. À faire un noir. Il a voulu tout arrêter sans savoir à qui parler. Y mettre fin. Fuir.
Tout s’est recouvert de givre.