Falcones, Ildefonso « Esclave de la liberté » (2025) 576 pages

Falcones, Ildefonso « Esclave de la liberté » (2025) 576 pages

Auteur : Auteur catalan né à Barcelone en 1959. Barcelonais de naissance, Ildefonso Falcones vit toujours dans la capitale catalane, où il exerce la profession d’avocat spécialisé en droit civil. Il a étudié au Collège jésuite de San Ignacio. Grand lecteur et fin connaisseur de l’Espagne médiévale, il a consacré dix années à l’écriture de La Cathédrale de la mer, son premier roman, qui lui a valu une renommée internationale.  La Cathédrale de la mer (Robert Laffont, 2008), a été traduit dans quarante pays avant d’être adapté en bande dessinée et en série, disponible sur Netflix. 

Romans:
Série La Cathédrale de la mer 
La Cathédrale de la mer (2006) – Los herederos de la tierra (2016) –   En el amor y en la guerra (2025) –
Autres:  La Main de Fatima (La Mano de Fatima ) 2009 – Les révoltés de Cordoue (2011) – Les Héritiers de la terre (Los herederos de la tierra 2016) – La reine aux pieds nus (La Reina descalza) 2014 – El pintor de almas (2019) – Esclave de la liberté (Esclava de la libertad 2022) 2025

L’archipel – 20.02.2025 – 576 pages (traduit par Alice Seelow)

Résumé:

Cuba, 1856. Un bateau où sept cents femmes et enfants ont été entassés accoste sur l’île. Parmi ces esclaves venus d’Afrique, Kaweka, onze ans, rejoint la plantation du marquis de Santadoma, où il se murmure bien vite qu’elle peut communiquer avec la déesse Yemaya. Une intercession qui lui donnera un jour la force d’encourager les siens à se rebeller contre leurs oppresseurs ? Madrid, de nos jours. 

Lita, métisse de vingt-huit ans, est la fille de Concepción – gouvernante qui a passé sa vie au service des Santadoma. Bientôt, la jeune femme, qui a accepté à contrecoeur un poste dans leur banque, met au jour un secret de famille en découvrant les origines de leur fortune. Déterminée à réparer les injustices du passé, elle s’engage dans une longue bataille pour que sa mère et toutes les femmes ayant sacrifié leur vie au service des puissants obtiennent réparation. 

Près de deux siècles séparent Lita de Kaweka. Un lien les unit, une même soif de justice et de liberté les anime… Une fresque magistrale. 

Mon avis: ❤️ ❤️ ❤️ ❤️

Un roman qui se déroule sur deux époques et deux parties du monde et retrace l’histoire de l’esclavage.
– Cuba, l’action se situe dans la deuxième partie du XIX siècle (1856) et on va suivre le parcours de Kaweka, une jeune esclave qui se révèle être l’élue des dieux, appelée à se battre pour libérer les esclaves; elle est aussi guérisseuse, prêtresse de la Santería, et est le lien entre les Noirs et leurs racines. Elle va être à la tête de la révolte, mener la guérilla, et la suivre est vraiment un parcours du combattant dans la nature hostile et entourée de dangers. 

– Espagne, XXIème siècle (2018) :  on va suivre la jeune Lita, une jeune mulatre, descendante d’une lignée d’esclaves venus de Cuba et qui va découvrir ses origines. Elle aussi va devoir se battre, mais dans le monde actuel, contre les suprémacistes blancs, contre la haine raciale, contre la spoliation de son héritage, contre les préjugés et le racisme.  

Les deux parcours de vie se rejoignent et s’entremêlent. Les deux jeunes filles sont sous la domination de la famille Santadoma, qui a quitté Cuba pour Madrid en emmenant avec eux la grand-mère de Lita, qui a continué à servir la famille du Marquis de Santadoma. Même si les conditions de vie des domestiques ont changé ( plus de coups de fouets et de violences physiques) la soumission reste de mise et la mère de Lita est formatée pour l’obéissance.
Lita va se révolter et oeuvrer pour faire reconnaitre ses droits et ces de sa mère. 

Lita et Kaweka ont de nombreux points communs, un besoin de liberté et une révolte contre l’injustice; elles partagent aussi certains pouvoirs. Si j’ai été davantage touchée par le personnage de Kaweka, j’ai également beaucoup aimé le parcours de Lita et son attachement à sa mère. Toutes deux luttent pour être des femmes libres et reconnues comme des personnes à part entière, un livre sur des femmes fortes, qui montent au front pour que la justice et la liberté gagnent. Des personnages principaux et secondaires très attachants. Modesto est un personnage que j’ai énormément aimé. 

En Espagne de nos jours, il y a un manque de sensibilisation évident à la cause des personnes d’ascendance africaine et le roman – extrêmement documenté – va faire ressortir le malaise social, le racisme, les différences sociales, l’origine des grandes fortunes construites sur le dos des esclaves et le comportement d’esclavage qui continue à exister.
J’ai beaucoup aimé ce livre qui lève le voile sur un thème encore d’actualité en Espagne – documents de l’O.N.U à l’appui . Le racisme est l’un des sujets importants de cette fresque familiale et historique. Ce roman nous expose les conséquences de l’esclavage dans les colonies espagnoles qui continuent d’exister encore aujourd’hui et souligne que le dernier pays occidental à abolir l’esclavage fut l’Espagne. Et comme toujours j’ai adoré en apprendre davantage sur les divinités et les croyances.

Extraits:

Chaque divinité africaine qui avait accompagné un esclave dans sa captivité était associée à celle que les Blancs lui avaient imposée. Le même esclave vénérait à la fois un saint chrétien et un dieu yoruba, évitant de ce fait que les maîtres et les prêtres n’interdisent, sur les terres vouées au Christ, les festivités vouées aux orishas, nom des divinités yorubas. Malgré les tentatives des esclavagistes de convertir les Noirs à leur croyance, ceux-ci n’oublièrent jamais la leur. Ainsi la Vierge de Regla, prénom dont Kaweka avait hérité, fusionnait-elle avec Yemaya, la déesse des eaux.

Et l’hystérie des danses dominicales rituelles sous l’effet des débauches catalysées par l’aguardiente, le sexe, le tabac et le rythme infernal des tambours pendant les fêtes africaines

Les nègres marrons incarnaient la combativité et la liberté, et fuir dans les montagnes était la décision la plus importante qu’un esclave pouvait prendre.

Comme tant d’autres, elle souffrait du racisme, celui qui s’affiche, obscène, et celui qui se cache, sournois, le micro-racisme tel qu’on l’appelle maintenant.

Elles vivaient ensemble depuis plusieurs années dans un appartement de la calle de la Cava Baja, dans le barrio de La Latina, un quartier traditionnel propre et restauré, enraciné dans l’histoire de la capitale, labyrinthique, multi-ethnique, toujours animé. L’offre culturelle, gastronomique et festive très diversifiée en faisait l’une des principales attractions de la vie madrilène nocturne.

Parce qu’ils avaient appris que la meilleure tactique de guérilla n’était pas de tuer, mais de blesser : le soldat mort était abandonné, tandis que le soldat blessé était secouru par ses camarades, et la marche de l’ennemi se transformait alors en une colonne d’hommes handicapés, trop affaiblis pour répondre efficacement au siège permanent ou à l’attaque finale.

— Les religions nous dominent toujours. C’est comme ça depuis des siècles. Elles influencent nos comportements, les limitent, nous transmettent des principes et des valeurs que nous sommes obligés de suivre. Certains tuent même au nom de la religion : les terroristes fondamentalistes, les fanatiques.

La religion, la spiritualité et les croyances jouent un rôle central dans la vie de millions de femmes et d’hommes, dans leur manière de vivre et de se comporter. La religion, la spiritualité et les croyances peuvent contribuer à la promotion de la dignité et de la valeur inhérentes à la personne et à l’éradication du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et de l’intolérance. 

Informations:

Yemaya : déesse des eaux, déesse de la mer, représentante de la fertilité et de l’amour maternel incarnée dans la Vierge de Regla 

Santería : une religion qui marie les Blancs et les Noirs, en réunissant les dieux africains et les saints catholiques. Une religion afro-cubaine qui mêle les croyances africaines yoruba avec le catholicisme. Elle est particulièrement populaire à Cuba et dans les Caraïbes, où elle est considérée comme une forme de syncrétisme culturel. La santería tire ses racines des pratiques religieuses des peuples yoruba d’Afrique de l’Ouest, notamment celles des esclaves qui ont été amenés à Cuba. Elle s’est ensuite développée en incorporant des aspects du catholicisme, un mélange qui a donné naissance à un système de croyances unique (Source IA)

Vierge de Regla: syncrétisée par l’Orisha Yemayá, propriétaire de la lune, des mers et de tout ce qui vit à l’intérieur. Elle est vêtue de symboles maritimes, comme des coquillages, des conches, des ancres, des bateaux, des coraux, des algues et des étoiles de mer (Source IA)

Orishas : divinités originaires d’Afrique de l’Ouest, et plus précisément des traditions religieuses yorubas. On les retrouve dans plusieurs pays africains ainsi que dans de nombreux pays américains, où ils ont été introduits par la traite des Noirs, qui a frappé les populations yoruba de façon particulièrement lourde. Ils sont vénérés en Afrique, en particulier au Nigéria et au Bénin. Dans les Amériques, on les rencontre surtout dans le candomblé brésilien, sous le nom d’orixás. Ils sont également les divinités de la santeria des Caraïbes. Les orishas sont proches des vodun du Dahomey, que l’on retrouve dans le vaudou. (Source wikipedia)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *