Messina Imai, Laura « Ce que nous confions au vent » (2021) 240 pages

Messina Imai, Laura « Ce que nous confions au vent » (2021) 240 pages

Autrice: Romancière italienne née à Rome le 16 aout 1981. A 23 ans elle est partie vivre au Japon et travaille entre Tokyo et Kamakura, où elle vit avec son mari japonais et ses deux enfants. Docteur en littérature comparée, elle a écrit plusieurs livres sur la culture japonaise. « Ce que nous confions au vent » est son premier roman traduit en français.

Romans : « Ce que nous confions au vent »  (Quel che affidiamo al vento 2020) 2021- L’Île des battements de coeur – Goro Goro et autres contes japonais

Albin-Michel – 01.04.2021 – 288 pages / 10/18 – 05.01.2023 – 240 pages ( traductrice Marianne Faubert)

Résumé:

Takeshi, père célibataire, et Yui, qui a tout perdu dans le tsunami de 2011, se retrouvent autour du  » téléphone du vent  » : une cabine téléphonique sur les pentes du mont Kujira-yama réputée pour transmettre des messages aux disparus… Sur les pentes abruptes du mont Kujira-yama, au milieu d’un immense jardin, se dresse une cabine téléphonique : le Téléphone du vent. Chaque année, des milliers de personnes décrochent le combiné pour confier au vent des messages à destination de leurs proches disparus.

En perdant sa mère et sa fille, emportées par le tsunami de 2011, Yui a perdu le sens de sa vie. C’est pour leur exprimer sa peine qu’elle se rend au mont Kujira-yama, où elle rencontre Takeshi, qui élève seul sa petite fille. Mais une fois sur place, Yui ne trouve plus ses mots…

Mon avis: ❤️ ❤️ ❤️ ❤️

Le lieu évoqué par l’autrice existe réellement et se situe dans le Nord-Est du Japon, à 7 heures de route de Tokyo. Un jardin avec une cabine téléphonique, un vieux téléphone débranché qui permet d’entrer en communication avec les défunts, un lien entre le monde et l’au-delà. C’est à cet endroit, au jardin de Bell Gardia que Yui et Takeshi vont se rencontrer, et tisser des liens. Elle travaille à la radio et lui est chirurgien et tous les deux sont en deuil. Elle a perdu sa mère et sa petite fille de trois ans lors du tsunami de 2011 et lui a perdu sa femme  d’un cancer et a une petite fille qui ne prononce plus un mot depuis ce jour. Tous les deux, avec le soutien de M. Suzuki, en charge de ce lieu connu sous le nom « le Téléphone du Vent » vont commencer à gérer leur deuil. Et croiser des gens qui viennent communiquer via le téléphone du vent, comme eux, devenir des habitués du lieu..
Tous les deuils sont différents et les gens les vivent de manière personnelle; il y a une différence entre la mort par accident ou maladie et le suicide par exemple;  il y a les morts que l’on ne regrette pas, les vivants morts de l’intérieur…

Comme souvent dans les romans qui se situent au Japon, j’y ai appris des coutumes et des traditions, comme celle de donner à la mère un bout du cordon ombilical comme talisman et protection de l’enfant. Il y a aussi les fêtes traditionnelles, comme celle d’O-bon qui célèbre les ancêtres. Il y aussi les légendes, celles sur l’au-delà, au Japon et dans les différentes cultures. J’ai aussi appris l’importance du vent dans la Bible.

C’est un très joli roman que l’on pourrait de fait qualifier de littérature japonaise et non italienne tant on se retrouve le style des autrices japonaises. Très sensible, doux, empreint de mélancolie, d’amour et amitié, mais tout en retenue. Les sujet deuil, résilience, passé, présent et avenir, reconstruction, relations familiales sont abordés tout en délicatesse et avec beaucoup d’empathie. Un récit sur les rapports entre ceux qui partent et ceux qui restent mais aussi sur la manière de reconstruire des liens avec les vivants…

Extraits: 

Elle méditait sur la trivialité du bonheur, se perdant dans cette réflexion comme jadis dans les livres, ou dans les histoires des autres qui lui avaient toujours paru plus belles que la sienne.

Quand une chose symbolise le bonheur, tout ce qui la menace devient l’ennemi – y compris le vent impalpable et la pluie qui tombe du ciel.

Même si le temps passe, le souvenir de ceux qu’on a aimés ne vieillit pas. C’est nous qui vieillissons. 

le bonheur s’enseigne davantage par l’exemple qu’avec des mots et surtout, qu’il faut avoir une bonne dose de joie de vivre pour pouvoir la transmettre à autrui. 

Il suffit de ne plus parler d’un homme pour l’éliminer à jamais. C’est pourquoi on doit se souvenir des histoires, parler avec les gens, parler des gens ; écouter les gens parler d’autres personnes, et même dialoguer avec les morts s’il le faut.

l’amour le plus fort est celui qui se passe d’explication.

Tous deux avaient le sentiment de s’être trouvés, comme deux objets réunis par hasard au fond d’un fourre-tout.

c’était une bien belle chose que le dialogue, quelle que soit sa forme.

On reste parents, même quand nos enfants ne sont plus.

ce qui nous manque le plus des personnes disparues, ce sont précisément leurs manies, leurs petits travers ridicules ou agaçants.

L’amour, c’est comme la thérapie, ça ne fonctionne que quand on y croit.

le Téléphone du Vent était un outil dont chacun usait à sa façon ; que les deuils se ressemblent tous et en même temps pas du tout.

si l’on peut en effet s’adapter à bien des situations, côtoyer quotidiennement ce que l’on hait rend la vie impossible. On y laisse sa peau, ça n’en vaut pas la peine.

Quand on y réfléchit, cohabiter avec des morts permet aussi de s’habituer à l’idée que tout a une fin.

Le typhon se déchaînait, le mont de la Baleine était sens dessus dessous.
Le grand cétacé semblait vouloir replonger dans l’eau, revenir à l’océan qui, un peu plus bas, s’élevait en vagues monstrueuses. La bête défiait le monde, elle l’apostrophait en hurlant. 

Une fois en déroute, l’espoir s’égare, incapable de retrouver son chemin.

Et aussitôt, il lut : « “Une parole m’est venue furtivement et mon oreille en a perçu le murmure. (La Bible – Job 4,12)

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