Jean, Michel « Qimmik » (2023 – 2025) 216 pages

Auteur: Michel Jean, né en 1960, est un écrivain québécois d’origine innue. Il a été aussi chef d’antenne, animateur et journaliste d’enquête.

Né à Alma en 1960, Michel Jean est issu de la communauté de Mashteuiatsh au Saguenay/Lac-Saint-Jean au Québec. Chef d’antenne, animateur, reporter d’enquête et écrivain, il détient une maîtrise en histoire de l’Université du Québec à Montréal et œuvre dans le milieu du journalisme depuis 1985

Autres écrits: Tiohtiá: ke, – e Atuk, elle et nous, – Kukum – Tsunamis – La Belle Mélancolie, – Le  vent en parle encore – Une vie à aimer – Un monde mort comme la lune – Qimmik –

Editions Seuil – voix autochtones – 11.04.2025 – 216 pages  (publication originale Libre Expression, 2023, 240 p)

Résumé:

Dans les années 1960, un jeune couple inuit, accompagné de ses chiens, les qimmiit, parcourt un territoire encore sauvage. Leur quotidien est fait de chasse, de pêche, de dangers et de moments de plénitude. Ils sont heureux et libres. Pendant ce temps, plus au sud, les autorités obligent les Inuit à se sédentariser.

Quelques décennies plus tard, Ève, une jeune avocate québécoise, est chargée de défendre un vieil Inuk accusé d’avoir assassiné de paisibles retraités. Ève peine à comprendre cette folie meurtrière. Cela a-t-il un lien avec le fait que les victimes sont d’anciens policiers, autrefois en poste dans le Grand Nord ? Son enquête la mènera plus loin que tout ce qu’elle avait imaginé.

Roman vérité, Qimmik raconte l’histoire du peuple inuit et de son majestueux territoire, que les autorités ont voulu soumettre. À tout prix. Qimmik, évoque la sédentarisation forcée des inuit dans les années 1950-60 et le génocide des chiens nordiques

Mon avis: ♥️  ♥️ ♥️ ♥️ ♥️ 

Un roman historique qui retrace la vie des Inuits et le traitement scandaleux qui leur a été réservé. Un livre puissant, un livre coup de coeur  et coup de poing.

J’ai découvert ce que l’auteur définit comme « ce continent longtemps oublié, les humains vivent avec leurs qimmiit, leurs chiens. » Il nous emmène sur la Côte-Nord du Québec, une vaste forêt dressée face à l’océan. Et il nous en apprend énormément sur les autochtones et sur la manière terrible dont ils ont été traités, sur la décision du gouvernement de regrouper les familles dans des maisons, le massacre de leurs chiens, de leurs enfants ( on leur coupe les allocations familiales si ils n’acceptent pas le mode d’éducation qu’on leur inflige, les pensionnats…). Il va nous en apprendre énormément sur la manière dont le Canada a traité les Inuits – non intégrés dans la Loi sur les Indiens de 1876 – omettant de leur accorder des droits territoriaux. Il va nous raconter la vie des descendants des anciens peuple Thulé, nous faire revivre leur mode de vie traditionnel, parler des 14 communautés nordiques qui existent. 

On va aussi parler de la rafle des années 1960 (qui a duré de 1950 à 1980 au moins) quand les enfants ont été retirés aux familles pour les placer dans des familles allochtones, soit-disant pour les « assimiler », la différence de traitement par le gouvernement des indiens « Première Nation » et les Inuits, de la sédentarisation forcée.

Eve, jeune avocate va être chargée de défendre la cause d’un autochtone accusé d’avoir tué deux, puis trois et enfin quatre policiers à la retraite, tous membres de la Sureté du Quebec. UN homme qui ne va pas dire un mot, ni affirmer, ni infirmer. Il va rester totalement mutique. Eve avec l’aide d’une collègue, va tout faire pour reconstituer sa vie.
Je vous laisse découvrir un roman d’amour, d’amitié, de survie .. un livre magnifique, bouleversant
Les descriptions sont à couper le souffle; la nature, la vie, les éléments, les occupations.
Nous allons découvrir les rivières, la lande arctique, les paysages, les animaux, le poisson, le gibier, croiser des ours, des caribous, des phoques (d’eau douce aussi) , des bélugas..
Et surtout vivre avec les chiens…

A la fin du roman l’auteur nous raconte l’historique du chien nordique canadien, arrivé en Amérique avec le peuple Thulé, ancêtre des Inuit, le qimmik. 

Extraits: 

«Le seul chant est celui du vent.

Voilà pourquoi le vent hurle dans l’Arctique.» (Tanya Tagaq – Croc fendu)

Un chien est considéré au même titre qu’un humain, il appartient au clan comme un frère

On dit «un Inuk», «deux Inuuk». «Inuit» est le pluriel pour trois et plus. Sans s.

Le peuple cri est tourné vers les rivières et l’intérieur des terres et la forêt, le peuple inuit, vers la mer.

Dans l’absolu, toutes les causes sont importantes. Il s’agit de vies. Des victimes, des accusés, de leurs proches. Mais dans l’optique d’un cabinet d’avocats, les causes importantes sont celles qui rapportent le plus d’argent.

Tous les êtres vivants redoutent la faim. Elle leur rappelle l’éphémère de leur existence.

J’ai grandi là où une rivière se jette dans l’océan, au croisement de deux univers. Celui que je connais, la mer. Et celui qui m’est souvent apparu empli de mystères, l’intérieur, le territoire du caribou. La rivière traverse la moitié d’un continent pour se déverser dans la baie d’Hudson.

Le monde change. Notre monde change même si nous ne l’avons pas souhaité. Certains disent qu’il faut l’accepter. C’est difficile de renoncer à une part de soi-même.

On remonte une rivière un peu comme une échelle, avec cette impression de vertige qui croît à mesure que le monde s’ouvre.

En vérité, malgré tout notre savoir, disait mon père, sans son chien l’Inuk marche aveugle et sourd.

Il y a une limite à ce qu’un avocat peut accomplir. Tu es diplômée en droit, pas de l’école de magie.

Chasser, en fait, est un aveu de vulnérabilité, la preuve que nous avons besoin des autres êtres vivants pour exister.

Je l’entends respirer, vivre. La vie, on la tient pour acquise. Jusqu’à ce qu’elle nous quitte. Parfois, cela survient sans avertissement. Parfois, comme pour mon père, au terme d’une longue maladie. Il y a ceux qui partent et ceux qui restent. Et aussi ceux à qui on vole la vie…