Manchette & Niemiec « A l’ombre de Winnicott » (2024) 528 pages

Auteurs
Ludovic Manchette est un romancier français né le 18 février 1982 à Nancy. Co-auteur avec Christian Niemiec de trois romans, il est aussi traducteur de dialogues de films, essentiellement américains. Il partage sa vie entre Paris et la Bretagne.
Christian Niemiec est un romancier français né le 8 décembre 1964 à Dijon. Il partage sa vie entre Paris et la Bretagne.
Romans co-écrits Manchette / Niemiec:
Alabama 1963 (2020) – America(s) (2022) – A l’ombre de Winnicott (2024)
Le Cherche-Midi – 29.08.2024 – 496 pages/ Pocket – 02. 10. 2025 – 528 pages
Résumé:
Le retour attendu de Manchette & Niemiec : un roman dont le magnétisme, la gravité, le spectacle rappellent que toute littérature est une littérature d’évasion
» Il y a beaucoup de monde ! » remarqua la visiteuse à peine entrée. Lucille compta. » Nous sommes huit. Neuf avec vous. – Je ne parlais pas des vivants. » Sussex, Angleterre, 1934. Alors qu’ils viennent d’emménager dans le manoir de Winnicott Hall, Archibald et Lucille Montgomery confient à Viviane Lombard, une Française à l’attitude et au franc-parler peu ordinaires, l’éducation de George, leur jeune fils aveugle.
Tandis que la préceptrice et l’enfant apprennent à s’apprivoiser, un doute s’instille peu à peu chez eux comme chez tous les habitants de la vaste demeure, maîtres des lieux et personnel confondus : une présence invisible ne rôderait-elle pas entre les murs de la vieille demeure ?
Avec ce troisième roman, Manchette-Niemiec se posent en maîtres de la narration, faisant coïncider la force d’une histoire avec la puissance des images.
Leur façon de mêler la grammaire cinématographique au langage romanesque impressionne. Prenez George, cet enfant aveugle aux prises avec les cauchemars ou les fantômes : Henry James ou Steven Spielberg auraient adoré l’inventer.
Mon avis:
Je ne quitte pas le début des années 1930 en Angleterre ! Je viens de finir le livre de Tracy Chevalier « La brodeuse de Winchester » dans lequel la montée du nazisme est présente. Mais mis à part cela, pas du tout la même ambiance! Une autre ressemblance : les deux personnages féminins (la brodeuse dans le livre de Tracy Chevalier et la préceptrice ici) sont des caractères forts.
Bienvenue à Winnicott, bijou de l’architecture anglaise du XVIIe siècle, en l’an 1934 donc. Ce château qui a la réputation d’être hanté, habité par des esprits, des morts qui y séjournent ou y reviennent… Une maison qui craque de toutes parts, dont les fenêtres s’ouvrent, les meubles se déplacent ou moisissent…
J’ai passé un très bon moment avec les habitants de Winnicott : un couple, Lucille et Archie vient d’emménager dans cette vieille demeure. Lucille s’occupe des travaux de rénovation et Archie, archéologue, voyage pour faire des fouilles. Il ramène des pièces anciennes et des fossiles que sa femme prend pour des cendriers! Ils ont un petit garçon de 9 ans, George, aveugle de naissance et qui est extrêmement intelligent. Et ils engagent une préceptrice, Viviane, une française qui détonne dans le décor mais va vite être indispensable à George qui va créer des liens très forts avec elle (et réciproquement). Fantômes et esprits vont semer le bazar dans la vie de cette famille (et des domestiques – le majordome « so British », la cuisinière type, et les autres…) mais les vivants ont aussi une grande place dans le roman. Je me suis attachée aux personnages et j’ai bien aimé ce séjour entre vivants et morts, âmes perdues et esprits malins…
Mais le roman ne se borne pas à cela… et je vous laisse lire jusqu’au bout et découvrir que l’amour, la confiance et l’amitié conditionnent toute une vie..
Pas un coup de coeur mais une lecture « gothique » bien sympathique.
Extraits:
Elle songea immédiatement à l’Ankou et aux histoires que lui racontait sa grand-mère bretonne sur ce vieillard muni d’une faux qui récoltait les âmes dans sa charrette, justement.
On est pas très bijoux dans la famille, si vous voyez ce que je veux dire. C’est pour ça que notre mère nous a appelées Ruby et Pearl. Parce qu’elle en avait pas. Ni rubis, ni perles, ni rien. Elle nous a toujours dit que c’était nous ses bijoux.
— Pourtant, l’idée que les morts ne nous quittent pas tout à fait est plutôt séduisante.
— Mais cela fait aussi très peur, non ?
— Seulement s’ils nous veulent du mal, mais pourquoi nous en voudraient-ils ? »
Vous ne pourrez pas le garder dans du coton toute sa vie. Votre tâche en tant que mère, comme la mienne, est de lui apprendre à se passer de vous. C’est cruel, mais c’est ainsi.
il faut toujours placer la barre un peu au-dessus de ses capacités. Dans le sport comme dans l’enseignement, comme dans la vie. Sans quoi, on ne saurait progresser.
« Avez-vous remarqué, l’avisa-t-il ensuite, que pour que le 13 tombe un vendredi, il faut que le mois commence par un dimanche ?
Le monde est déjà si laid. Pourquoi en rajouter ?
— C’est pourtant là que la littérature a un rôle à jouer, argua Mrs Heslop. Elle se doit d’aller contre l’hypocrisie, de témoigner de nos faiblesses, de nos turpitudes, de nos mœurs… Ce n’est pas la littérature qui inspire la société, c’est la société qui inspire la littérature. Pardonnez-moi de vous contredire, mais je trouve, au contraire, que c’est parce que certaines choses ne se disent pas qu’il faut les écrire. Sinon, on pourrait se croire seule à les penser, ou à les faire…
Un véritable trésor : un talisman néo-assyrien de 800 avant Jésus-Christ. En lapis-lazuli, la pierre des dieux ! Une pierre bleue. Elle est sculptée à l’effigie de Pazuzu, le roi des démons du vent.
— Des démons ? s’affola Lucille.
— Mais c’est aussi et surtout une divinité protectrice, la rassura-t-il.
Mon Dieu, moi qui vis dans l’avenir et vous qui vivez dans le passé… ! Comment voulez-vous que nous nous retrouvions ?
Ma femme s’est beaucoup investie dans sa restauration.
— Pas vous ? s’étonna le vicaire.
— Moi… j’ai beaucoup investi »
Information (Mythologie)
Pazuzu ou Pazouzou est une divinité secondaire de la Mésopotamie du Ier millénaire av. J.-C., le roi des démons du vent. Il peut avoir un rôle malfaisant, mais est surtout connu par son aspect de divinité protectrice, servant à combattre diverses maladies, en particulier celles touchant les femmes enceintes qu’apporte la démone Lamashtu. (Source Wikipedia)