Buck, Vera « Les enfants loups » (RL2024) 458 pages

Autrice: est née en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, a étudié le journalisme, la littérature européenne et le scénario en Europe et à Hawaï. Elle a reçu des bourses et des prix en Allemagne et à l’étranger. Son premier roman Runa a été nommé au prix Friedrich Glauser 2016. Vera Buck vit à Zurich.
Romans : « Les enfants loups » (2023) – « la cabane dans les arbres » (2024)
Gallmeister – 22.08.2024 – 480 pages / Totem – 20.08.2025 – 458 pages (« Wolfskinder » 2023 – Traduit par Brice Germain) – Prix Le Point du polar européen
Résumé:
Dans les montagnes, au coeur des forêts où rôdent encore les loups, se niche le hameau de Jakobsleiter. La vie y est rude et la nature impitoyable. Surtout pour la jeune Rebekka qui rêve de s’enfuir très loin. Un jour, elle disparaît. Et elle n’est pas la première jeune femme engloutie par cette région hostile. S’agit-il d’accidents ou de meurtres en série ? Pour Smilla, stagiaire au journal local, une chose est certaine : sa meilleure amie, disparue il y a dix ans, a bien été enlevée.
Pour découvrir la vérité elle est prête à tout, quitte à faire voler en éclats les sombres secrets enfouis au plus profond des montagnes.
Mon avis:
Coup de coeur pour la couverture (Format poche) ! Cette montagne en forme de tête de loup est juste fascinante! Et aussi beaucoup aimé le roman. Au début j’ai eu un peu peur en me disant c’est un peu lent au démarrage et puis c’est parti et je n’ai plus lâché le roman ! Suspense et coups de théâtre … excellent roman à la fois thriller, psychologique, avec des personnages atypiques dans une ambiance bien particulière. Je vais continuer à suivre l’autrice ! Aucun doute!
Un choix de personnages principaux intéressants :
– Smilla (dont la meilleure amie Juli a disparu il y a dix ans) est stagiaire dans un journal
– Jesse – est un jeune garçon brillant intellectuellement qui habite dans la montagne
– Rebekka – jeune fille qui habite dans la montagne et va être portée disparue
– Edith – petite fille non scolarisée, sorte de petite sauvageonne muette qui habite cachée dans la montagne
- Laura Bender – la nouvelle institutrice – qui va être portée disparue elle-aussi
- Famille Hofer : le père est maire, son fils est policier
- Dr Greco : Le psy
- Freigeist : le loup « de » Jesse
Tout en haut de la montagne, à des heures de marche du village d’Almenen vit la dernière communauté survivante d’anabaptistes qui existe encore en Europe composée de quelques familles et parmi elles il y a les « enfants de la montagne » à l’abri du monde.
Rebekka et Jesse fréquentent l’école du village et Edith – la plus jeune des enfants – est non seulement déscolarisée mais de plus semble ne pas avoir d’existence légale. Tout le village se méfie de cette communauté religieuse et se comporte de manière extrêmement soupçonneuse et agressive envers ces habitants différents. Les choses vont devenir encore plus compliquées avec la disparition de la jeune Rebekka, l’arrivée d’une nouvelle enseignante qui va se mettre en tête de faire suivre des études au jeune Jesse, élève brillant mais qui ne devrait même pas être scolarisé selon ses parents…Et l’enseignante va disparaitre elle-aussi… Ce qui est certain c’est que le nombre de disparitions de jeunes femmes ou filles est anormalement haut dans cette région.
Et les choses se corsent encore davantage : Smilla, une jeune stagiaire va retrouver dans les archives du journal une interview vidéo explosive relative à la petite communauté.
La petite communauté pourra-t-elle s’en remettre ? Suspense ….
Extraits:
Quand on ne se souvient de certains lieux que par ses cauchemars, les dimensions deviennent incertaines.
L’AUBE point à l’est. C’est cette heure engourdie, entre le jour et la nuit, où le soleil avance à pas de loup et le ciel se colore peu à peu.
Nous sommes maîtres du monde tant que nous restons dans les zones sécurisées que nous nous sommes aménagées. La nature, en revanche, la forêt, les montagnes sont sauvages.
Le véritable ennemi, ce ne sont pas les loups ou les ondes. C’est ce que représente l’antenne, le présent qui s’invite chez nous à travers elle. On n’a pas besoin d’Internet ici. Et on n’a pas besoin d’installateurs qui viennent réparer et entretenir le bazar.
Seuls ceux qui vivent dans le passé sont invisibles pour le monde moderne.
Quand une grotte est un labyrinthe, il faut toujours y entrer uniquement en plein jour, parce que les différentes nuances de noir à l’intérieur peuvent indiquer la voie à suivre.
Chaque jour la même tenue et la même coiffure, comme si elle entrait dans le placard le soir et qu’elle en ressortait le matin.
Le temps finit-il par se venger un jour, quand on essaie de le tuer avec véhémence ?
Peut-être qu’il n’arrive tout simplement pas à dormir. Peut-être que les fantômes le tiennent éveillé. Mon papa dit toujours qu’il faut apprendre à vivre avec ses fantômes, sinon ils nous anéantissent.
LES cadavres sont le meilleur engrais. Plein d’insectes, de prédateurs et de champignons s’en nourrissent. Tout le monde pense toujours que ce qui est mort est mort. Mais il y a tellement de nutriments importants dans des corps morts, c’est fascinant.
Jesse, c’est un nom biblique et il veut dire “cadeau de Dieu”
Je suis psychiatre, pas psychologue. J’ai étudié la médecine, et j’ai fini par une formation de spécialisation en psychiatrie et psychothérapie. Quand on est psychologue, on apprend la psychologie. Quand on est psychiatre, la médecine.
— En d’autres termes : les mouches ont changé, mais la merde est restée la même.
Pourquoi les hommes séduisants sont-ils toujours surpris quand une femme s’intéresse à eux, alors que les idiots complets se croient irrésistibles ?
Encore un mensonge qui, une fois prononcé, est devenu vérité pour tout le monde. Bien pratique ce monde, où chacun peut créer sa propre identité et sa propre réalité sans que personne ne pose de question à qui que ce soit.
Ce sont des gens de la ville. Ils ont oublié qu’il n’y a pas que la lumière électrique, il y a aussi la lune.
Je n’ai jamais compris pourquoi les gens n’aimaient pas le silence. Nous ne connaissons pas ce sentiment chez nous, nous sommes contents quand nous pouvons nous abandonner à nos pensées dans le calme. Il arrive bien plus de malentendus et de malaises quand on doit parler sans arrêt, alimenter une conversation, aussi inutile soit-elle. Et c’est beaucoup plus désagréable que n’importe quel silence, n’est-ce pas ?
Celui qui n’a pas d’accès Internet, ni de compte sur un réseau social ou même une photo récente en ligne, est quasiment invisible de nos jours.
Les psychologues et les médecins parlent toujours de perception, quand ils veulent dire que vous n’y pouvez rien si vous avez une fausse vision du monde, mais qu’ils vous prennent quand même pour des cinglés.
La colère surgit d’un coup. Une colère destructrice, comme une rafale de vent qu’on peut s’estimer heureux d’avoir évitée à temps en se blottissant derrière je ne sais quel rocher sans être renversé.
Notre imagination est toujours plus créative quand elle est tournée vers le passé que lorsqu’il s’agit de notre avenir. Plus créative, et surtout plus impitoyable.