Fouassier, Luc-Michel « Cumulonimbus » (2024) 172 pages
Auteur: né en mai 1968, non loin des pavés parisiens. Il entreprend des études de pharmacie à l’Univerisité Paris XI avant de se tourner vers l’enseignement. C’est le frère de l’écrivain Eric Fouassier.
Il est l’auteur de recueils de nouvelles publiés aux éditions Quadrature : « Histoires Jivaro », « Les hommes à lunettes n’aiment pas se battre », « Deux ans de vacances et plus » et « Petites foulées au bord d’un canal ».
Trois romans sont parus aux éditions Luce Wilquin, notamment « Le zilien », préfacé par Jean-Philippe Toussaint.
« Les pantoufles » est sorti en 2020 aux éditions de l’Arbre vengeur et a remporté un vif succès, salué par la critique (Libération, Le Monde, Le Matricule des anges…), lauréat de plusieurs prix littéraires de libraires (Griffe Noire, Mots en Marge).
« Cumulonimbus » sort en 2024
Editions Julliard – 04.04.2024 – 172 pages
Résumé:
» Les cumulonimbus se sont agglutinés, la tension est montée irrésistiblement, l’orage a fini par éclater. Et Calypso a disparu. »
Pour son nouveau projet de livre, une photographe s’intéresse aux paréidolies, ces figures que l’on peut distinguer dans les nuages. Au gré des cumulus, stratus et cirrus, c’est aussi sur les traces de sa fille Calypso qu’elle part, jusqu’en Auvergne où tout a peut-être commencé. Les nuages deviennent ses plus sûrs alliés. Parviendront-ils à lui faire retrouver le chemin de l’apaisement ?
Émouvante variation impressionniste sur le manque, la filiation et l’amour, Cumulonimbus retranscrit le désarroi d’une mère et son espoir de retrouver son enfant.
Mon avis :
J’ai toujours aimé voir des objets ou des formes dans les nuages ou aussi dans les arbres, les rochers (des visages, des animaux). Je trouve cela magique. (J’essaie aussi de faire des photographies quand le nuage ne se déforme pas immédiatement..)
Ce qui m’a beaucoup plus dans ce court roman est le parallélisme établi entre la nature, le ciel, les éléments, les termes météorologiques et l’état d’esprit et les bouleversements dans la vie de la mère de la jeune fille qui s’est évaporée dans la nature, et qui porte un prénom qui lui colle à la peau vu qu’il est référencé « mystérieux, secret, dissimulé, caché » si l’on se réfère à la mythologie grecque.
Tout commence par un affrontement de nuages : le taureau furieux contre le cheval qui veut fuir et prendre sa course vers la liberté… le cheval est parti en morceaux, s’est effiloché… c’est un élément extérieur, une trainée d’avion qui a séparé et désintégrés les deux personnages … Le taureau, c’est la mère, le cheval la fille… et au final tout se passe dans la vraie vie comme dans le ciel… la fille prend sa course et disparait…physiquement. La mère elle disparait.. mais moralement..
Les sentiments humains et les références aux phénomènes météorologiques se répondent… Les orages sont colères, les bourrasques affrontements plus ou moins violents, le temps gris la pause… La fuite le ciel muet… et le ciel étoilé, sans nuages est la plus belle des fins…
Un court roman poétique, tout en douceur et finesse, une mère qui finit par comprendre sa fille après un passage houleux et perturbé dans leur relation, le calme après la tempête, les nuages qui existent et se défont, comme les époques de la vie… Beaucoup d’émotion et de pudeur, une belle étude de la difficulté de communiquer.
Beaucoup aimé cette lecture et ravie d’avoir découvert la plume du frère d’Eric Fouassier, dans un style totalement différent.
Extraits:
Ton absence, Calypso, emplissait tout l’espace. C’était comme une masse d’air qui s’infiltrait partout, dans les moindres recoins de mon cerveau, dans tous les lieux où je me trouvais. Pas un anticyclone, mais une bonne dépression, qui laissait le champ libre aux cumulonimbus, ces nuages si lourds qu’ils nous feraient même douter de l’existence du ciel bleu. […] Ce fut une tempête d’une incroyable violence, des vents soufflant, tourbillonnant en tous sens. Cela s’était terminé par une terrible tornade qui avait tout emporté. Les nombreuses disputes que nous avions eues, jusqu’alors, toutes les deux, n’avaient été que coups de semonce. Je m’étais habituée à ces affrontements d’air chaud et froid qui, généralement, ne se soldaient que par quelques éclairs et une victoire de ma part.
J’ai commencé à supprimer toutes les photos ratées. Et j’ai pensé que ce serait bien pratique de pouvoir faire pareil avec les moments les plus pénibles de la vie, les jeter définitivement dans une corbeille.
J’aurais dû mettre mon énergie à vous protéger, à vous envelopper dans un nuage d’amour, un gros cumulus de tendresse.
Le vent soufflait avec force, de sorte que les cumulus filaient à vive allure, en rangs serrés, comme un escadron de hussards en pleine charge.
les nuages n’avaient rien d’éternel, de pesant. Ils passaient. Quel que soit le temps, ils finissaient toujours par passer. Et c’était sûrement ça qui m’avait attirée en eux, cette assurance de renouveau.
Puis, comme une personne timide essaierait d’attirer l’attention, la pluie est venue tapoter sur les carreaux de la fenêtre, me tirant définitivement de ma lecture.
J’ai pensé que le poids des secrets assombrissait toujours l’horizon.