Laroui, Fouad «La vieille dame du Riad» (2011)

Laroui, Fouad «La vieille dame du Riad» (2011)

Résumé : Comment partager son espace avec quelqu’un qui vous est totalement étranger ? Telle est la question !

À travers cette fable tragi-comique, Fouad Laroui pose la question des rapports entre la France et le Maroc dans leurs dimensions historique, affective et culturelle.

Sur un coup de tête, François et Cécile lâchent tout à Paris pour aller s’installer à Marrakech. Quel choc quand ils découvrent, dans une petite pièce au fond du riad qu’ils viennent d’acquérir, une vieille femme qui y semble installée de toute éternité. Ni l’agence immobilière ni les anciens propriétaires ne sont en mesure de leur expliquer ce qu’elle fait là. La femme est très vieille, paisible, parlant quelques mots d’un dialecte que personne ne comprend et ne paraît absolument pas disposée à quitter les lieux. Cette présence dérangeante plonge le jeune couple dans le plus profond des embarras. Pétris de valeurs humanistes, ils ne savent comment gérer cette situation. Pas question de jeter à la rue une personne aussi fragile. Aucune institution n’est prête à l’accueillir. Impossible de retrouver sa famille. Comment aménager cette cohabitation ? La faire travailler contre le gîte et le couvert ?… mais pour faire quoi ?… La considérer comme une amie de la famille ? Mais ils n’ont absolument rien en commun. Lui trouver une chambre en ville ? Impossible de la faire partir manu militari. Accomplir un acte charitable et l’accueillir comme une SDF ? Se soumettre et accepter cette étrange situation ? Mais cette présence, aussi discrète soit-elle, reste une intrusion insupportable et un viol de l’intimité de ce couple plein de bonnes intentions.

Avec cette fable drôle et touchante, Fouad Laroui s’interroge de façon faussement naïve sur les différences culturelles et leur difficile cohabitation.

Mon avis : Pas transcendée.. Autant j’avais aimé « une année chez les français »… mais là , je suis déçue. L’idée de départ est excellente mais c’est juste le prétexte… Après une mise en bouche savoureuse, le plat de résistance est quelque peu indigeste… à moins qu’on ait envie de lire l’histoire du Maroc… Ensuite il y a l’entremets sympa.. et le dessert est inexistant… Ne restera pas dans les annales… Mais il y a des passages savoureux, toujours de l’humour, des réflexions qui font réfléchir avec en toile de fond la différence entre les mentalités… Mais honnêtement, je pense que j’en attendais trop ou alors je suis passée totalement à coté … mais comme c’est vite lu… Je me réjouis d’avoir l’avis de ceux/celles qui ont aimé les précédents…

Extraits :

Les murs de cette pièce ont été faits, autrefois, en tadelakt rose foncé. Mais le mur a vite pris son indépendance : des auréoles de salpêtre blanc, dues aux remontées d’humidité, ont fleuri jusque très haut, lui donnant un côté printanier..

L’âme universelle, qui lui révèle par bribes ce qui sera, lui met souvent du vague à l’âme, tant sont tristes les tribulations de l’homme.

A Tayeb, qui insistait un jour pour obtenir de son père un conseil, il répondit :
— Notre génération n’a pas su défendre ce que nos ancêtres ont conquis, bâti ou préservé. Nous n’avons plus rien à dire.

— Je te le répète : le monde change. On ne peut plus le comprendre avec notre mentalité d’hier. Pour le comprendre, il faut mettre la main à la pâte. Il faut voir, chez nous, comment fonctionne un port moderne. Il faut que nous travaillions dans des usines, de nos propres mains. Il nous faut conduire nous-mêmes ces… comment appelle-t-on cela ? Ces automobiles.
— Mais pourquoi ? Nous avons vécu mille ans sans tout cela ! Pourquoi vouloir copier les chrétiens ?
Debbagh se penche vers lui en souriant.
— Tu oublies que ce sont eux qui nous ont copiés, il y a six siècles. Ce sont eux qui sont venus chercher la science là où elle était : chez nous, en Andalousie. Chez nous ! Ne possèdes-tu pas encore la clé de la maison de tes ancêtres, à Cordoue ? Ils ont copié notre savoir. C’est ce qui leur a permis d’avancer quand nous nous sommes assoupis. Et tu vois aujourd’hui le résultat : ils sont ici, à Marrakech, avec leurs armes modernes. Nous n’assiégeons pas Paris ou Madrid : ce sont eux qui nous assiègent. N’y a-t-il pas une leçon à en tirer ?

« Pour être un bon diplomate, il ne suffit pas d’être bête. Encore faut-il être poli. »

c’était l’âme même du riad (pourquoi les maisons n’auraient-elles pas d’âme ?) qui s’était incarnée pour imposer aux chrétiens, les nouveaux propriétaires, qu’ils respectent le souvenir des générations qui s’étaient succédé dans cet endroit — et, par extension, qu’ils respectent la ville, le pays, le peuple…

— Wa c’est vrai, quoi, on n’est plus chez nous.
— Les Français sont les bienvenus, mais à condition qu’ils respectent nos coutumes…
— … et notre morale…
— … et la religion ! Ma t’n’sawch la religion !

— Ch’nou ? Des fantômes, au XXe siècle ?
— Wa rah on est déjà au XXIe siècle.
— Wa ghir la force de l’habitude.

Cela prouvait que Marrakech était unique — vous en doutiez ? — et on était fier, alors, de nos fantômes qui en remontreraient à ceux d’Écosse — peuh, les Écossais…

Parce qu’une plage, entre la terre et l’eau, c’est entre deux mondes, ce n’est ni l’un ni l’autre…

L’intrus hausse les épaules et s’en va. « Ce n’est rien, tout juste un vieux bonhomme un peu dérangé. » Oui, c’est vous qui le dérangez.

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