Chevalier, Tracy « À l’orée du verger» (05/2016)

Chevalier, Tracy « À l’orée du verger» (05/2016)

L’Autrice : Tracy Chevalier est une écrivaine américaine habitant Londres depuis 1984 avec son mari et son fils. Elle s’est spécialisée dans les romans historiques.
Tracy Chevalier est née et élevée à Washington, DC, et son père est photographe pour le The Washington Post. Elle étudie à la Bethesda-Chevy Chase High School de Bethesda, dans le Maryland. Après avoir reçu son B.A. en anglais à l’Oberlin College, elle déménage en Angleterre en 1984.

Sa carrière d’écrivaine débute en 1997 avec La Vierge en bleu, mais elle connaît le succès avec La Jeune Fille à la perle, un livre inspiré par le célèbre tableau de Vermeer.  Suivront Le Récital des Anges, La dame à la licorne, L’innocence, Prodigieuses Créatures, La Dernière Fugitive , A l’orée du verger (2016), Le nouveau (2019) , La brodeuse de Winchester (2020), La fileuse de verre (2024)     (les titres en italique sans liens ont été lus avant la création du blog)

Résumé : En 1838, dans l’Ohio, la famille Goodenough s’installe sur les terres marécageuses du Black Swamp, dans l’Ohio. Chaque hiver, la fièvre vient orner d’une nouvelle croix le bout de verger qui fait péniblement vivre cette famille de cultivateurs de pommes. Tandis que James, le père, tente d’obtenir de ces terres hostiles des fruits à la saveur parfaite, la mère, Sadie, en attend plutôt de l’eau-de-vie et parle à ses enfants disparus quand elle ne tape pas sur ceux qui restent.

Quinze ans et un drame plus tard, leur fils Robert part tenter sa chance dans l’Ouest. Il sera garçon de ferme, mineur, orpailleur, puis renouera avec la passion des arbres en prélevant des pousses de séquoias géants pour un exportateur anglais fantasque qui les expédie dans le Vieux Monde. De son côté, sa sœur Martha n’a eu qu’un rêve : traverser l’Amérique à la recherche de son frère. Elle a un lourd secret à lui faire partager…

Tracy Chevalier nous plonge dans l’histoire des pionniers et dans celle, méconnue, des arbres, de la culture des pommiers au commerce des arbres millénaires de Californie. Mêlant personnages historiques et fictionnels, des coupe-gorges de New York au port grouillant de San Francisco, À l’orée du verger peint une fresque sombre mais profondément humaniste, et rend hommage à ces femmes et ces hommes qui ont construit les États-Unis.

Mon avis : Et je ne résiste pas… le 7ème livre de cette romancière Je les ai tous lus…

Nous voici au début du XIXème siècle dans une Amérique inhospitalière, une Amérique qui se transforme … Le précédent, « la dernière fugitive » était aussi situé dans l’Ohio. Bienvenue dans les marécages de l’Ohio. Une famille quitte le Connecticut pour la terre promise. Mais le rêve américain est une véritable désillusion … la ruée vers l’ Ouest … par la route

l’Ohio : les années Black Swamp. Au centre du récit : un couple qui se déchire sur la bonne sorte de pommes ! Un des deux parents est alcoolique et pour une fois, ce n’est pas l’homme qui boit ! Sadie est une femme forte, révoltée, mauvaise mais elle est à plaindre. Le mari est proche de la nature, humain, Ils ont 5 enfants survivants sur les 10 enfantés. Et d’autres personnages : les arbres ! Le livre est un vrai document sur la culture des pommes ! Il y a deux sortes de pommes, les sucrées que l’on mange et les acides qui servent pour l’eau de vie. James est amoureux des rainettes dorées et il en parle avec amour.

La Californie : un lieu à part, c’est le symbole du rêve américain, la ruée vers l’Or qui va appeler des gens de partout qui veulent recommencer leur vie. Les hommes partent vers la Californie avec l’intention de faire fortune et retourner près des siens … mais au final … ils restent. La Californie, c’et le bout du rêve, la fin de l’Ouest, la fin des illusions.

L’histoire d’une famille : les Goodenough … quel nom approprié. « Assez bien » « Ça suffit » … Pour ne fois le personnage central est un homme, Robert, qui fuit son passé et va au bout de l’Ouest… Il s’arrête en Californie… La Californie, c’est le bout du rêve, la fin de l’Ouest, la fin des illusions.

J’ai adoré ce parcours et le lien entre cet homme qui vit et vibre par la botanique , qui se ressource dans la sérénité ces arbres millénaires et immenses que sont les Sequoias qu’il considère et vénère comme ses ancêtres. Cet homme va fuir en laissant tout derrière lui mais en ne coupant pas totalement les ponts avec sa famille en écrivant une lettre, tous les 1er de l’an… D’un côté à l’autre des Etats-Unis, des lettres, le trait d’union …

Le poids de sa jeunesse lui permettra-t-il d’avoir foi en lui, de vivre !? Reverra-t-il sa famille ? Affrontera-t-il son passé ? Pour le savoir.. je vous invite à faire la traversée des Etats-Unis en compagnie de Robert….

Et cela me fait penser aux paroles de la chanson de Florent Pagny :

« Et un jour une femme
Dont le regard vous frôle
Vous porte sur ses épaules
Comme elle porte le monde
Et jusqu’à bout de force
Recouvre de son écorce
Vos plaies les plus profondes
Puis un jour une femme
Met sa main dans la votre
Pour vous parler d’un autre
Parce qu’elle porte le monde
Et jusqu’au bout d’elle même
Vous prouve qu’elle vous aime
Par l’amour qu’elle inonde… »

 

Extraits :

C’est sur cette route qu’on a rencontré notre premier ennemi. La boue.

Les arbres étaient un autre ennemi qui nous attendait dans le Black Swamp. Ah ça, les ennemis manquaient pas, là-bas.

Les arbres, c’est pareil, on défriche un champ et les voilà qui recommencent à surgir. Ils vont moins vite que le linge sale, c’est déjà ça.

Le greffage lui avait toujours semblé tenir du miracle : il trouvait fabuleux qu’on puisse prendre le meilleur d’un arbre – ses racines, disons –, y associer le meilleur d’un autre arbre – un individu donnant des pommes sucrées – et créer de la sorte un troisième arbre, fort et productif. C’était un peu comme faire un enfant, à cette différence près qu’on en choisissait les caractéristiques.

Il voyait presque les branches se décrisper après l’hiver glacial, la sève se mettre à circuler, les bourgeons affleurer en bosses minuscules comme des renards pointant le museau hors de leur terrier pour humer l’atmosphère. Encore incolores, ces petits points, d’ici quelques semaines, se pareraient de vert, indice de la feuillaison à venir. Les arbres semblaient pousser avec une lenteur terrible et pourtant chaque année les feuilles, les fleurs et les fruits revenaient accomplir leur cycle miraculeux.

Je ruisselais de larmes aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur.

La vie n’était souvent que la répétition des mêmes gestes dans un ordre différent, selon le jour qu’on était et l’endroit où on se trouvait.

Il ne lui avait pas donné de nom, et n’était pas sûr de le faire un jour, puisque donner un nom à une chose vous liait à elle et en rendait la perte plus douloureuse […]

S’il n’en parlait pas, il n’était pas obligé d’y repenser, et pouvait ainsi laisser tiré le noir rideau qui séparait le passé du présent.

La Californie était autrefois une terre immense peuplée de quelques Indiens et de quelques Californios ; aujourd’hui elle comptait des centaines de milliers d’Américains, venus chercher de l’or et espérant trouver autre chose pour remplacer ce rêve.

— Oui, j’ai dû d’abord aller vers l’est pour ensuite aller vers l’ouest te retrouver. Je sais que c’est bizarre, ajouta-t-elle alors que Robert secouait la tête, mais parfois c’est ce qu’il faut faire… revenir en arrière pour avancer.

« C’est facile de connaître les autres. Beaucoup moins de se connaître soi-même. »

Il avait relégué les dernières paroles de sa mère sur une étagère en hauteur où il n’allait jamais fureter.

Pleurant et plissant les yeux, son petit visage tout crispé de détresse, il tendit soudain les bras, ses mains minuscules comme une paire d’étoiles dans les airs.

C’était cela, la Californie. Les gens partaient vers l’ouest en laissant derrière eux des ennuis de toutes sortes, et ils trouvaient en Californie l’entière liberté de s’en créer de nouveaux.

 

 

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