Goby, Valentine « Sept jours » (08/2003)

Goby, Valentine « Sept jours » (08/2003)

Auteur : Ecrivaine française née à Grasse en 1974. Elle vit en région parisienne. Ses thèmes de prédilection sont: La place des femmes, leur corps, les yeux des femmes à cause de leur corps, de leur sexe, comment une femme regarde et change le monde, par amour, par envie, par orgueil, par ennui, par vengeance, en tant que sœur, mère, fille, amante. Comment l’Histoire les affecte, comme elles l’affectent, du Paris contemporain à la Provence atemporelle, à l’Afrique de l’après-guerre, à la Bretagne des années 1940. Les lieux, comment les lieux nous traversent, comment nous les traversons, comme l’espace nous façonne et comment nous le transformons. L’enfance, comment elle nous survit et s’acharne à nous habiter, dans chaque moment de la vie, dans chaque âge et en toutes circonstances, comment chaque geste est porteur d’une histoire toujours ancrée dans l’enfance. Ce qui est valable pour un homme est valable pour une nation, alors l’Histoire, la grande, me passionne aussi, c’est en elle que je cherche et trouve les racines de toutes les blessures présentes, je l’explore, la dissèque, comme les origines individuelles. ( source) .

Ses romans :  La note sensible, 2002 – Sept Jours, 2003 – L’Antilope blanche, 2005 – Petit éloge des grandes villes, recueil de textes, 2007 – L’échappée, 2007  – Qui touche à mon corps je le tue , 2008 – Des corps en silence, 2010 – Banquises, 2011 – Kinderzimmer, 2013 – Méduses, 2013 – Baumes (Collection Essences- Actes Sud), 2014 – Un paquebot dans les arbres, 2016 – Tu seras mon arbre (2018)  Murène (2019) – L’Île haute (2023)

Résumé : «Comme ils sont beaux. Mes enfants.
Ils sont assis, tous les quatre, sur le muret. Immobiles. Silencieux. La maison dans le dos. En face, la mer.
Ils regardent loin devant. Et loin derrière ; un soupir, un sourire pâle, un battement de cils. Les volets clos, les bagages posés sur le gravier, le soleil de septembre… c’est le décor d’un commencement ; d’un épilogue. L’un et l’autre peut-être.
Un homme remonte l’allée, aveuglé de lumière. Dans sa main, il tient une Bible, le livre du début et de la fin ; ou l’inverse. Il ne sait pas que les quatre ombres assises là-bas, sur le muret, ont elles aussi peuplé un vide immense.
Ébauché un monde.
En sept jours.»

Quatre frères et sœurs se retrouvent, entre les murs de la maison où ils ont grandi. Seuls pour la première fois. En quête d’une rencontre. À la recherche d’un point de départ, au-delà des liens du sang.

 

Mon avis : Cela se confirme. J’aime la façon d’écrire de Valentine Goby. Cette poésie, cette intimité, cette sensibilité. Ses images font ressurgir non seulement ses émotions mais les nôtres. L’importance de la maison de notre enfance, les souvenirs qui surgissent en fonction des images, des odeurs, des bruits. Le rapport avec les personnes disparues et avec les personnes qui restent, la disparition d’un monde. Et l’importance des liens sépia de ces photos d’enfance… A la mort de leur mère, les quatre enfants se retrouvent pour la dernière fois dans la bastide qui était en quelque sorte le ciment familial pour la dernière fois C’est l’heure du partage. C’est aussi la dernière ( ?) réunion familiale des quatre enfants ( deux filles et deux hommes) qui ont des vies et des caractères bien différent et qui sont difficilement conciliables après le départ de la Maman. Avec en toile de fond : l’avenir des relations entre eux maintenant que l’héritage doit être partagé…

Ce qui est drôle c’est que j’ai eu l’impression de me replonger dans un mélange de deux livres sur la nostalgie que je viens de lire récemment : le livre d’ Anne-Marie Garat, «La Première Fois » mélangé à celui de Florence Seyvos, Florence «La sainte famille».

 

Extraits :

Le diaphragme s’ouvre et se referme dans un beau bruit mat. Je viens de prendre ma première photographie. Une solitude volée à ma mère.

J’enroule un drap autour de moi. Le vent s’engouffre dans la toile. Elle gonfle comme les voiles d’un bateau. J’écarte le tissu qui ondule, un autre m’enveloppe.

Jamais photographiés, les aloès. Superbe découpe de pointes et d’épines, reflets moirés des feuilles, explosion géométrique de la rosette.

Je ne distinguais vraiment que les trois premières lettres de chaque mot, prolongeant l’un infiniment :rêverie, réversible, révolu, révolte, butant sur l’autre avec obstination.

Un nuage passe sur le soleil. Ils sont plusieurs qui s’effilochent vers la mer, lambeaux des cumulus accrochés aux montagnes. Un voile d’ombre au bas des collines, un frisson sur la peau. Je marche vers la maison. Un à un, les pans de nuages vont se rejoindre sur l’eau. Heure après heure, près des côtes, ils vont fomenter des orages.

Nous chantons tous ensemble. Faux, peut-être ; mais de concert.

J’ai oublié de tirer les rideaux. Le soleil joue sur le mur, à quelques centimètres de mes yeux. Des taches jaunes et rouges sur le crépi blanc. Je voudrais dormir, remettre à plus tard la journée qui vient. La repousser, l’accélérer. Y être le moins possible

La maison repeinte, les meubles changés.
D’autres voix, d’autres odeurs.

J’ai eu envie de pleurer. J’ai frotté mes yeux comme l’enfant sort du sommeil. Lorsque je les ai ouverts, rien n’avait changé.

On appelle ça, je crois, une charnière. Un moment, de durée variable où, plus ou moins confusément, la vie bascule. Un accouchement, en quelque sorte. L’accomplissement d’une naissance et, aussitôt, l’appréhension de l’inconnu. Sentir, à l’intérieur de soi, se fondre la fin et le commencement.

 

 

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