De Giovanni, Maurizio «L’été du commissaire Ricciardi»(2011)

De Giovanni, Maurizio «L’été du commissaire Ricciardi»(2011)

Série :  Commissaire Ricciardi  (Naples 1931)

3ème  enquête

Résumé : En ce mois d’août 1931 à Naples, les fêtes populaires où se côtoient danses endiablées et dévotions à la Vierge battent leur plein. Mais il n’y a pas de trêve estivale pour le crime. Pour le commissaire Ricciardi et son adjoint le brigadier Maione non plus. Ils travaillent même le dimanche, et on ne tarde pas à les prévenir que la duchesse de Camparino a été découverte sans vie dans sa somptueuse demeure. Une balle tirée à travers un coussin a suffi à la tuer. Si, pour le médecin légiste et la police, l’acte criminel ne fait aucun doute, il est en revanche plus difficile d’isoler un suspect. Le commissaire Ricciardi possède le don peu commun de voir, comme en un flash, les derniers instants des morts. Et ce qu’il perçoit le laisse perplexe : la duchesse parle d’un anneau qu’on lui aurait volé…

Mon avis : Ah ce Commissaire aux yeux verts ! Il est de plus en plus cher à mon coeur… En plus de l’amour et de la faim, il découvre un troisième motif pour tuer : la jalousie. De fait il découvre la jalousie. Cette fois c’est l’été à Naples. Mais ce n’est pas ce qui rend la ville plus agréable : la chaleur crée une atmosphère encore plus oppressante que les pluies et le brouillard hivernal. Nous retrouvons les personnages des précédents romans, de plus en plus présents et indispensables. Et l’émotion se renforce au fur et à mesure des romans. On suffoque… et pas seulement à cause de la chaleur… le carcan de la vie italienne de cette époque, la jalousie, la haine, les amours impossibles, la peur de s’aimer et la crainte de se monter au grand jour…

Lisez les enquêtes napolitaines du Commissaire Ricciardi, un être humain, qui comprend et excuse, qui se met à la place des grands comme des petits… Commencez par le premier car l’évolution des personnages est importante. Et laissez-vous guider par l’humanité… mais ne vous y méprenez pas ; il y a les personnages mais il y a aussi un Commissaire extrêmement intelligent et une dissertation sur la difficulté d’aimer, sur la souffrance, la solitude, l’abandon… Encore une merveille que ce roman…

Extraits :

une ville qui tenait la superstition enracinée dans son âme

Il inspirait la méfiance qu’inspire toujours celui qui ne semble pas avoir de vices, donc pas de vertus non plus.

Il s’était scrupuleusement tenu éloigné des passions. Il avait écarté tout sentiment de sa vie, conscient que l’amour peut détruire et corrompre

Même tôt ce matin, pas moyen de respirer, en plus j’ai passé une nuit formidable, à me retourner dans le lit comme sur un gril.

La chaleur rend fou, elle rend intolérant ; des choses que tu supporterais l’hiver, ou au printemps, t’agacent l’été.

Il aimait la manière dont Ricciardi faisait sienne la douleur des victimes et de leurs parents, et aussi sa capacité à comprendre, voire justifier, les motifs de certains crimes, en partageant avec les coupables le drame de leur vie gâchée.

Apparemment, rien n’a changé. Tu as vu l’aube, depuis ton lit, comme chaque jour ; comme chaque jour, l’oreiller à côté de toi ne portait aucune marque.

Ton visage entre mes mains. L’odeur de ta peau. Tu m’as appris qu’on pouvait s’enivrer sans vin, comme disent les chansons. Le temps que je passais loin de toi me semblait du temps perdu.

elle est popote et bénitier

C’est la pire heure du jour. Celle où le soleil n’a aucun respect pour les faibles, il ne pardonne pas.

Mamma, mamma ? Quel mot magique, que je ne prononce plus avec ma bouche, mais avec mon cœur, cent fois par jour.

c’étaient les passions qui généraient les morts violentes, pas la douleur

[…] était une de ces femmes d’un autre temps qui manifestaient leur affection en préparant à manger. Et comme elle était née très pauvre, amour rimait pour elle avec abondance de nourriture et de condiments

Pour les vêtements, on peut se faire conseiller par une amie ou un couturier, mais le choix du parfum reste affaire d’éducation.

La voix ressemblait au raclement d’une lime sur un morceau de papier de verre. Elle faisait frissonner.

Un homme meurt au moment même où il ne représente plus rien pour personne.

Un mort ne mérite ni attention ni amour. Il suffit de pouvoir en recueillir la substance, les richesses. De temps en temps on peut lui offrir une fleur.

L’amour est une illusion. Seul l’intérêt existe, chacun veut avoir ce que possède son voisin. Si vous pensez que l’amour, c’est aimer, vous vous mentez à vous-même. »

Elle a pris notre nom et s’en est revêtue comme d’un habit, se moquant de tous ceux qui, pendant des siècles, l’avaient porté avant elle. Voilà pourquoi je ne veux plus le porter.

elle s’amusait à jouer au chat et à la souris, en se servant de sa beauté comme d’une griffe

une femme libre qui se laissait emporter par la vie et la suivait comme une feuille tombée dans un torrent.

il comparait l’amour à un liquide. Comme de l’eau, mais plus dense, de la fluidité de l’huile, qui envahit chaque espace en prenant la forme du contenant, se faufilant dans les interstices et laissant sa trace sur son parcours.

toutes les deux minutes, il regardait sa montre de gousset pour constater que le temps passait avec une lenteur exaspérante ; lui aussi devait être ralenti par la chaleur, pensa-t-il.

Il réfléchit : le vol de l’enfance et de l’adolescence n’est pas encore un délit. Mais il devrait l’être.

Pour être parfait, un tel bonheur doit rester dans l’ombre ; parce que le quotidien tue le bonheur.

Nous avons trouvé l’assassin, voilà tout. Et comme d’habitude, au lieu de me faire plaisir, cette fin d’enquête me laisse une sorte de vide à l’intérieur.

Mais je vais vous dire une chose : il n’y a pas de délivrance sans douleur. Et on ne cherche pas à se libérer si on ne se sait pas prisonnier. Prendre conscience de cet état de fait est la première étape à franchir.

à force de les tenir comprimées, ces émotions finissent par se répandre et par infecter le sang.

il faut cueillir l’amour, comme on cueille une de ces fleurs.

 

Sur le blog : article sur la série des enquêtes du Commissaire Ricciardi

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