Ladjali, Cécile «Corps et âme» (03.2013)
Auteur : Née à Lausanne en 1971 de mère iranienne, Cécile Ladjali est agrégée de lettres modernes. Elle enseigne le français dans le secondaire ainsi qu’à la Sorbonne nouvelle.Ses romans sont publiés chez Actes Sud : Les Souffleurs (2004 ; Babel n° 970), La Chapelle Ajax (2005), Louis et la jeune fille (2006), Les Vies d’Emily Pearl (2008), Ordalie (2009), Aral (2012 ; Babel n° 1163), Shâb ou la nuit (2013) et Corps et âme (collection « Essences », 2013). En 2009 a également paru chez Actes Sud-Papiers sa pièce de théâtre Hamlet/Electre. En 2007 son essai Mauvaise langue, publié au Seuil, se veut un hommage à la culture classique, au « par cœur » et à la transmission. Le prix Femina pour la défense de la langue française lui est attribué. En 2016 elle publie Illettré, toujours chez ActesSud
Paru dans La Collection « Essences » d’Actes Sud – Mars 2013 – 88 pages
Résumé : Pour la collection “Essences”, Cécile Ladjali a accepté de se prêter au jeu des réminiscences olfactives. Pour elle, celui-ci part d’un tableau de George de La Tour : La Madeleine à la veilleuse. Puis se dévoile au fil des trois autres tableaux représentant cette courtisane si singulière. Corps et âme est le voyage dans l’imaginaire d’une femme qui a parfumé le corps du Christ.
L’auteur avait dit une fois au sujet de cet écrit : « Le sacré, on le traite comme on le veut, mais je crois qu’il ne peut pas y avoir d’acte de création sérieux sans intention théologique. Je ne suis pas prosélyte ou bigote pour un sou, mais quand on crée, on le fait avec le Verbe, on copie la Nature, on parle de la mort, on cherche par les mots un Salut, une rédemption. Quand elle fait mouche, quand elle vous permet d’aller vers l’Autre, de communier avec le lecteur et avec vous-même, l’écriture vous place dans un état de Grâce. De ce point de vue, Marie-Madeleine n’est rien d’autre qu’une figure de l’écrivain … »
Mon avis : Je continue avec plaisir la découverte de cette petit collection « Essences »
Un peu trop religieux pour moi … mais j’ai beaucoup aimé quand même ce petit livre qui encense l’amour, le Christ, les odeurs ; de la spiritualité mais surtout de l’humanité… Importance de la calligraphie, des arts, de la lecture, de la nature, des croyances, des couleurs (le noir de la lune, du ciel, du bûcher, les arbres argent, les fruits verts… ) ; A noter l’importance du chiffre « 7 » : Le procès dura sept jours – sept démons – les sept livres de la légende du Graal – versa sept gouttes sur un linge ; importance des éléments, de l’eau , de la flamme..
J’ai beaucoup apprécié à la fin le petit « Herbier biblique » qui nous donne une belle explication des plantes telles : myrrhe, cinnamome, roseau aromatique, casse , stacte, coquille odoriférante, galbanum, encens, nard – en nous donnant des informations sur la plante et son association avec la Bible.
Extraits :
Je quitte la maison pour trouver le véritable amour, annonça-t-elle le matin de son départ à ses parents en larmes. Mais elle se trompa d’amour, et n’osa jamais revenir.
Le ciel devint noir et une pluie plus noire encore trempa le monde et les cœurs.
Si elle n’avait pas été si malheureuse, elle eût aimé cette odeur, celle de son enfance, celle des journées bienheureuses où la pluie d’été tombait sur le monde brûlant pour le rafraîchir.
C’est comme l’eau qui tombe du ciel dans une rivière ou une fontaine et se confond tellement avec l’autre eau qu’on ne peut plus ni séparer ni distinguer l’eau de la terre et l’eau du ciel.
Ouvrages de copistes, in-quarto reliés de maroquin, le vélin répandait son odeur et saisit Madeleine comme un songe plein de tapages.
Madeleine sentait le parfum des ombres et devinait l’invisible. La tombe exsudait la pierre. Le gypse de la colline, où l’on avait creusé, recelait ces traces de poivre qui conduisent toujours au souvenir de l’encens, propre à l’air des étoupes près du capharnaüm.
Il lui révéla l’esprit de chaque parfum et elle sentit la sécheresse de la corde qui cousait leurs deux cœurs ensemble.
Ce temps-là n’avait pas d’odeur. Le temps sans parfum était du temps arrêté.
Pourvue de son amulette, elle traversa le désert jaune, dormit sur des tapis pourpres en compagnie des hommes bleus qui font brûler de l’encens dans des bols en cuivre.
Grâce à son art, la lettre majuscule devenait dense et mystérieuse, telle une forêt de pommiers en fleur. Elle s’appliquait, copiait, déposait la riche pourpre et le bleu des rois sur tous les mots de sa vie.
La Collection « Essences » d’Actes Sud (voir page sur le blog)