Treichel, Hans-Ulrich «Le lac de Grunewald» (2014)
Auteur : Hans-Ulrich Treichel, né à Versmold en Westphalie Est-Lippe le 12 août 1952 (65 ans), est un poète, romancier, essayiste et librettiste allemand. Il est professeur de littérature allemande à l’université de Leipzig.
Collection Du monde entier, Gallimard – Parution : 27-05-2014 – 208 pages
Résumé : Paul aime Berlin. Pour lui, vivre dans un logement sur cour un peu sinistre à Kreuzberg, c’est toujours mieux que de mourir d’ennui dans sa Westphalie natale. Mais la vie fait régulièrement trébucher Paul, que ce soit dans sa modeste carrière universitaire ou sur la plage nudiste du lac de Grunewald. Lors d’un séjour à Málaga, il rencontre María, une jolie Espagnole dont il s’éprend. Malheureusement, María est mariée, enceinte même, et quand Paul quitte Málaga pour retourner à Berlin, ses mots d’adieu mal compris ne vont pas lui simplifier les choses…
Sous la plume acérée de Treichel, les tribulations d’un antihéros des temps modernes et son histoire d’amour pleine de chausse-trappes deviennent un plaisir de lecture irrésistible de drôlerie.
Mon avis : A Berlin, il y a deux lieux de promenade : le lac de Grunewald et l’île aux paons. Evidemment le looser de service va nous emmener au lac… Alors Paul, comme anti-héros, il se pose là… Mais par contre, la dernière phrase de la 4ème de couverture parle de plume acérée et de drôlerie irrésistible… je suis passée totalement à coté… je ne dois pas avoir l’humour allemand…
Heureusement qu’il n’était pas long ce chemin de croix … quelques phrases qui font sourire. D’accord. Mais quelle vision défaitiste de la vie… Le jeune type qui étudie non par gout mais parce que rien ne l’intéresse et que c’est plus simple d’apprendre les leçons d’histoire et de géo que de faire quelque chose. Des relations dont il se contente. Un mec qui abandonne tout à la moindre difficulté. Qui ferme les yeux pour ne pas se battre… Tout ce que je déteste… Et celle qui meurt d’ennui, ce n’est pas le Paul en question … c’est moi !!! Je suis allée au bout mais je me suis accrochée… Peut-être un comique de situation pour qui aime voir un type mélancolique et tristounet se vautrer dans la médiocrité et passer à coté de tout… mais comme cela ne me fait pas rire…
Extraits :
Finalement, un étudiant n’avait pas besoin de penser par lui-même. Il n’avait qu’à comprendre, mémoriser et éventuellement restituer à peu près ce qui avait déjà été pensé. Cela suffisait. Il avait lu quelque part qu’il existe deux sortes de savants : les véritables penseurs et les penseurs du déjà-pensé.
Il connaissait aussi ce trait de sa personnalité : quand il malmenait quelqu’un ou qu’il se mettait en tort, il coupait tout contact tellement il avait honte.
Il savait que cet appartement était du passé pour lui. Il ne le savait certes que depuis cinq minutes, mais ces cinq minutes suffisaient pour faire de l’appartement dans lequel il vivait à ce moment-là un appartement dans lequel il avait vécu autrefois. Il y vivait certes toujours, mais son sentiment n’y vivait plus. Son sentiment avait déjà quitté l’appartement.
Il y avait dans la commedia dell’arte un capitano spaccamonti. Capitaine Tranche-montagnes. Puissant comme un tremblement de terre. En vérité un fou et un fanfaron.
Un reptile avec un penchant à la tendresse. Mais ces gens n’existaient que dans les romans.
Normalement, les étudiants en histoire ne lisaient pas de littérature. Ou seulement à contrecœur. Les étudiants en histoire s’intéressaient aux faits. Mais un de ses professeurs leur avait inlassablement asséné l’utilité pour les historiens de lire aussi des romans, et il leur avait notamment recommandé plusieurs romans sur des dictateurs sud-américains.
Quand on sait qu’un état finira un jour, on se persuade volontiers que ce serait formidable s’il durait éternellement.
Beaucoup de gens affirmaient ne pas avoir peur de la mort, mais de mourir.
Autrefois, sa mère avait été blonde. Blond clair. Sable des dunes danoises. Roseau des sables. Ses cheveux étaient désormais gris avec des îlots blancs d’aspect un peu maladif.
Il n’était pas un diplômé au chômage, mais un stagiaire en attente.
Il ne croyait pas réellement qu’il avait une chance. Il se mit dans la liste d’attente. Encore une liste d’attente. Il attendait pas mal de choses en ce moment.
il se mit à soupçonner qu’un petit bonheur sans extase était aussi une possibilité. Le bonheur version jardin ouvrier.
Son étreinte nocturne ainsi que ses longs baisers avaient aussi été une sorte d’emmurement minimaliste. Dans lequel on pouvait se sentir tout à fait en sécurité. Que l’on voulait vivre plus souvent. Peut-être que l’emmurement minimaliste pouvait même servir de modèle de vie.
Normalement, on attendait d’avoir soixante ou soixante-dix ans pour avoir envie de retourner sur le lieu de son enfance. Lui en avait déjà envie à trente ans.