Macrae Burnet, Graeme «L’accusé du Ross-shire – Documents relatifs à l’affaire Roderick Macrae» (2017)

Macrae Burnet, Graeme «L’accusé du Ross-shire – Documents relatifs à l’affaire Roderick Macrae» (2017)

Auteur : Né(e) à : Kilmarnock (Ecosse) , 1967 – Graeme Macrae Burnet est un écrivain écossais. Il a étudié la littérature anglaise à l’Université de Glasgow avant d’enseigner en France, en République tchèque et au Portugal. Son premier roman, « The Disappearance of Adele Bedeau », a obtenu le New Writers Awards en 2013.
« L’Accusé du Ross-Shire » (His Bloody Project), son second roman et le premier publié en France, a été finaliste du Man Booker Prize 2016.

Sonatine- 12.10.2017 – 330 pages – Sélectionné pour le Booker Prize 2016

Résumé : Alors qu’il fait des recherches généalogiques sur ses ancêtres écossais, Graeme Macrae Burnet découvre des archives relatives à une étrange affaire. En 1869, Roderick Macrae, dix-sept ans, a été arrêté après un triple assassinat dans un village isolé des Highlands. Dans un document écrit, le jeune homme relate sa vie et ses meurtres, sans jamais donner le moindre détail sur ses mobiles. Hormis ce récit, aucune preuve tangible de sa culpabilité n’a été trouvée.

Était-il tout simplement fou ? Graeme Macrae Burnet nous livre toutes les pièces du procès : témoignages, articles de journaux, rapports des médecins. Peu à peu, le doute s’installe. Le récit de ces crimes est-il bien l’œuvre de ce jeune garçon, a priori illettré ? S’agit-il d’un faux? Si c’est le cas, que s’est-il réellement passé ? La solution semble se trouver dans la vie de cette petite communauté repliée sur elle-même, où chacun doit rester à sa place, sous peine de connaître les pires ennuis.

Finaliste du Booker Prize 2016, ce thriller hors norme nous propose un voyage entre réalité et fiction d’une rare intelligence. Alors que peu à peu les pièces du puzzle se mettent en place dans un suspense omniprésent, l’auteur, servi par une écriture remarquable, fait revivre toute une époque, ses mœurs, sa psychiatrie, son appareil judiciaire, son système de classe, et pose des questions qui restent d’une actualité brûlante.

Quelle autre solution que la violence dans un monde qui ne vous laisse aucun avenir ? Qui pour défendre les intérêts de ceux qui ne représentent rien ? Comment échapper à ses origines ? Rares sont les romans qui conjuguent de la sorte sens de l’intrigue, plaisir et réflexion. Un coup de maître.

Mon avis : Tous les amoureux de romans historiques et tous les amoureux de l’Ecosse vont se retrouver sur la lecture de ce roman hors normes. Qui est Roderick, assassin à 17 ans ? tout l’accuse et lui est le premier à s’accuser du triple meurtre.

Le roman est construit en plusieurs parties : le récit de la main du meurtrier, les documents, les expertises médicales, l’enquête, le compte rendu du procès … C’est aussi le début des aliénistes… nous aurons d’ailleurs l’analyse d’un expert aliéniste dans les documents du procès.

Alors que le jeune accusé attend son procès dans les geôles d’Inverness en 1869, il va se mettre à écrire sa vie, sur la demande de son avocat. C’est la confrontation entre plusieurs personnages d’une communauté, le « constable » Lachlan Mackenzie fait régner la terreur et il a pour cible principale la famille de Roderick Macrae ; le jeune Roderick va faire en sorte d’éradiquer le problème de la plus simple des façons : en liquidant purement et simplement Lachan et deux de ces enfants.

Quand on lit la vie du jeune homme, on remarque qu’il est bien loin d’être un monstre : la vie des animaux est importante pour lui… il tente de les sauver, d’abréger leurs souffrances ; il semble instruit, sensible, amoureux…

Mais au fil des pages une question se pose : est-il sain d’esprit ? peut-il être jugé ? est-il responsable de ses actes ? Quel est le mobile de son geste ? Quelle est la responsabilité de son environnement ? A-t-il été poussé à tuer ? A-t-il des circonstances atténuantes ?

Ce livre est aussi passionnant à divers niveaux : la description de la nature sauvage des Highlands, de la vie rurale en Ecosse à cette époque, de la vie dans les Highlands écossais au XIXe siècle. Et cette façon d’appréhender la population des Highlands, définie par classes ; Tout est d’une catégorisée :  les geôliers aussi ont un physique standard, la classe criminelle est définie en fonction du physique, de l’endroit de naissance, de la classe sociale, de la consanguinité. L’avocat va tout faire pour éviter la pendaison au jeune homme… mais il aura affaire à forte partie.

Extraits :

L’usage de surnoms est encore de nos jours très répandu dans les Highlands écossais, du moins chez les personnes âgées ; sans doute comme une manière de distinguer les différentes branches des patronymes les plus courants. Les surnoms s’inspirent le plus souvent de la profession ou des particularités de la personne, mais ils peuvent aussi se transmettre de génération en génération, au point que leur origine devient un mystère même pour leur détenteur.

« Je puis vous assurer, dis-je d’un ton mesuré, que je suis en pleine possession de mes facultés.
– C’est précisément le fait que vous teniez cela pour vrai qui laisse penser l’inverse », rétorqua-t-il.

L’humeur de mon père en ce temps-là était si noire qu’elle jetait une ombre sur toute la maisonnée.

Nous cheminions si près l’un de l’autre que nous n’avions pas besoin de hausser la voix au-delà d’un murmure, et j’avais le sentiment que nous traversions un monde qui avait, l’espace d’un instant, posé ses outils pour s’accorder une pause.

Dans son allure générale, il possédait certes un physique de souche inférieure, mais il avait des traits un peu moins repoussants que la plus grande partie de la classe criminelle, peut-être du fait de n’avoir pas respiré le même air fétide que ses congénères urbains.

Le geôlier ne montra aucune surprise lorsque je lui fis connaître que je ne souhaitais pas entrer sur-le-champ dans la cellule. Les individus de son espèce existent presque exclusivement dans le présent ; ils se moquent du passé et ne projettent pas davantage leurs pensées dans le futur, et sont ainsi incapables d’être surpris par quoi que ce soit. De même sont-ils incapables d’éprouver l’ennui et donc particulièrement prédisposés aux tâches peu exigeantes et répétitives.

– L’on pourrait aussi bien dire que tout ce qui arrive est une question de hasard,

L’étude de la classe criminelle ne doit pas se concentrer exclusivement sur l’hérédité, mais tenir compte également des circonstances dans lesquelles évolue l’individu dégénéré. L’hérédité ne saurait à elle seule expliquer la commission d’un crime. L’air fétide des bas-fonds, la faim et un climat général d’immoralité doivent aussi être considérés comme des facteurs dans la fabrique du criminel.

Le célèbre aliéniste laissa clairement entendre qu’il se considérait comme l’acteur principal de cette singulière pièce de théâtre ».

Comme je crois vous l’avoir dit alors, quand l’on s’aperçoit que l’eau de son verre est croupie, il faut aller vérifier le puits.

Il arrive fréquemment dans de nombreuses disciplines, y compris la mienne, que des idées finissent par être acceptées comme des faits établis tout simplement à force d’être répétées.

Infos « Highland Clearances », l’éviction forcée, au cours des XVIIIe et XIXe siècles, de nombreux petits paysans des Hautes Terres d’Écosse sous la pression de grands propriétaires désireux d’augmenter leurs revenus en pratiquant sur leur domaine l’élevage extensif du mouton. À terme, ces déplacements massifs de population eurent pour effet de détruire une grande partie de la culture gaélique.

shinty : sport traditionnel écossais, ancêtre du hockey sur gazon, qui se pratique encore dans les Highlands

Image : Càrn nan Uaighean : le nom de ce mont signifie littéralement « tas de pierres tombales »

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