Arditi, Metin «Carnaval noir» (RL2018)

Arditi, Metin «Carnaval noir» (RL2018)

Auteur : Metin Arditi est un romancier suisse d’origine turque. Envoyé spécial de l’UNESCO pour le dialogue interculturel, il accomplit de fréquents voyages en Israël et en Palestine, en Turquie et en Arménie. A Genève, il préside la fondation Pôle Autisme.

Ses romans : Victoria-Hall, (2004) – Dernière Lettre à Théo, (2005 Actes Sud) – La pension Marguerite, (2006) – L’imprévisible, (2006) –  : La fille des Louganis, (2007) – Loin des bras, (2009) – Le Turquetto, (2011 – Prix Jean Giono) – Prince d’orchestre, (2012) – La confrérie des moines volants, (2013) – Juliette dans son bain, (2015) – L’enfant qui mesurait le monde, (2016 – Prix Méditerranée 2017) – Mon père sur mes épaules, (2017) – Carnaval noir (2018)

Grasset – 16.08.2018 – 400 pages

Résumé : Janvier 2016 : une jeune étudiante à l’université de Venise est retrouvée noyée dans la lagune. C’est, le début d’une série d’assassinats dont on ne comprend pas le motif. Elle consacrait une thèse à l’une des principales confréries du XVIe siècle, qui avait été la cible d’une série de crimes durant le carnaval de Venise en 1575, baptisé par les historiens « Carnaval noir »… Cinq siècles plus tard, les mêmes obscurantistes qui croyaient faire le bien en semant la terreur seraient-ils toujours actifs ? Bénédict Hugues, professeur de latin à l’université de Genève, parviendra-t-il à déjouer une machination ourdie par l’alliance contre-nature d’un groupuscule d’extrême droite de la Curie romaine et de mercenaires de Daech, visant à éliminer un pape jugé trop bienveillant à l’égard des migrants ? A croire que l’Histoire se répète éternellement, que le combat entre le fanatisme et la raison n’en finit jamais, et que la folie des hommes est sans limite…

Dans ce roman riche de suspense, de passion et de savoir, Metin Arditi se révèle, une fois encore, un conteur exceptionnel.

Note au Lecteur :

En 1575, durant le carnaval de Venise, une série de crimes secoua la ville sans qu’on n’en découvrît jamais ni les auteurs ni les motifs. Cinq siècles plus tard, à Venise, Genève et Rome, d’autres crimes sont commis, comme en écho aux précédents.

Mon avis :

Un livre très documenté sur les deux époques, une double enquête mais l’action se déroule de nos jours. Le XVIème remonte avec des lettres, des chroniques…  Ah que j’ai aimé passer par tous ces endroits que j’aime : Genève, St Saphorin, un de mes endroits de prédilection : la Fondation Bodmer à Cologny, Venise, Rome… Un livre que je n’ai pas lâché et qui renvoie en miroir deux époques, deux religions, deux sortes d’extrémistes. Et au milieu de tout cela, il y a des personnages qui se débattent comme ils peuvent avec leurs vies et leurs démons…

Des meurtres ont été commis en 1575 durant le Carnaval, la Confrérie du Saint Sépulcre a été totalement anéantie. Qui était coupable ? on ne le sait toujours pas. De nos jours, un érudit genevois, prof de latin, entre en possession d’une lettre qui met à jour une éventualité de complot. A cinq siècles de distance, l’histoire va se répéter. Le catholicisme est en danger, il faut intervenir pour le sauver. Les menaces d’attentats ressurgissent. Le roman est, je cite l’auteur « traversé par des idéologies d’extrême droite. Les unes sont contemporaines et les autres datent du 16ème siècle et finalement ce que l’on remarque c’est que l’histoire se répète ». Ces idéologies sont simplistes et quand on va mal, on devient la cible des mouvements extrémistes. Il y a les bons et les mauvais et quand on est certain d’avoir raison, on peut tout faire, on est au-dessus des lois. Au programme : un complot et 2 attentats à Rome … les cibles : le pape et les fidèles catholiques ; de quoi déclencher un beau chaos !  Les acteurs : la filière libyenne de Daech et la Curie romaine… Attention à l’extrême droite, attention aux religieux qui aspirent à renverser le pape humaniste et élire un pape de droite pure et dure. Une Europe ni blanche, ni chrétienne ! vous imaginez !!! Il faut empêcher cela.

Mais ce n’est pas tout. J’ai adoré le Roman. Il y a du vrai, il y a de l’inventé et au final je ne sais pas ce qui est vrai et ce qui est faux. Mais le tableau avec le Christ aux 12 doigts, je ne l’ai pas trouvé. Le signe du sagittaire… est porteur d’un message… Un roman passionnant et haletant, pas de temps morts… A quand l’adaptation au cinéma ?

Extraits :

Il fallait lutter contre les avancées inquiétantes de la Réforme, et l’art religieux était une arme légitime.

Outre le sens du « colorito » qui était la marque des grands peintres vénitiens, il Nano avait une extraordinaire précision du trait, la spécialité des Florentins de l’époque, qu’on appelait le « disegno »

Certains jours par forte bise, le lac avait l’air brouillon, avec des vagues petites, désordonnées, très nerveuses. D’autres fois, lorsque la brume cachait les côtes françaises, il était gris et placide, sans la moindre ridule, et prenait des airs de grand fleuve majestueux. Il lui arrivait aussi de se métamorphoser à vue d’œil, passant très vite du gris-vert au glauque, puis au vert bouteille, et de temps à autre, par endroits, à un bleu très sombre, presque noir, surtout vers l’est, du côté de Saint-Gingolph.

Je dois sans cesse justifier ma négritude. Est-ce que tu sais ce que cela veut dire, de devoir se justifier à chaque instant ?

Fini, les salamalecs aux migrants, les trahisons de l’Église, les intellectuels qui monopolisent les médias et plongent l’Occident en léthargie en faisant l’éloge d’un pseudo-multiculturalisme ! Ah, le multiculturalisme… Une vraie farce. Les gens prononçaient ce mot, et d’un coup ils se sentaient bons, clairvoyants, ouverts sur le monde. Quels crétins !

On ne prend pas une revanche sur ses enfants.

Sais-tu que seule notre Sainte Mère l’Église a autorité d’interpréter les découvertes scientifiques ? D’appréhender les signes de l’existence du Créateur ? Sais-tu que te substituer à notre Sainte Église est commettre le blasphème ?

Du temps de la République, les Vénitiens étaient fiers de leur ville et de ses fastes. Ils ne laissaient pas passer un événement sans en faire un récit.

Il n’était ni croyant ni pratiquant, mais ces tableaux le comblaient. Au fond, sa vraie religion, c’était l’Italie. Il croyait en la représentation de l’homme qu’offrait son pays, si vraie et si tendre. En sa culture, ses traditions, ses artistes. Il croyait en Manzoni et ses romans, en Leopardi et sa poésie, en Dante et en son Enfer, en l’Arétin et à ses provocations joyeuses, en Machiavel et à sa lucidité féroce.

Pourquoi est-ce que cette histoire la perturbait tant ? Parce qu’elle vieillissait, voilà pourquoi. On pouvait même dire qu’elle avait fini de vieillir, tant elle était vieille.

À l’époque, on étudiait souvent l’astronomie comme moyen d’accès à l’astrologie. C’était elle qui permettait de faire des prédictions, une porte ouverte au monde des rêves.

L’Église a désormais à sa tête un pape qui fait les titres de la presse populiste, humilie les responsables de la Curie et encourage l’invasion des migrants. Elle se retrouve comme un corps privé de ses défenses naturelles.

Machiavel avait beau être honni, tous les prélats avaient lu Le Prince. C’était même leur deuxième bréviaire. Un texte qui prônait l’art d’attendre son heure. La marque des grands prédateurs.

il remarqua que la nuit était comme il n’en avait jamais connu, à la fois étoilée et très noire, comme si les pointes dorées voulaient marquer encore plus les ténèbres. Une nuit faite pour accueillir le Malin.

sa mémoire du passé avait disparu. Il se pouvait qu’elle revienne, par à-coups, mais il n’y avait aucune certitude. En revanche, elle retenait le présent :

– En d’autres termes, son logiciel fonctionne, mais son disque dur a été vidé de son contenu.

J’ai grandi avec la conviction qu’exprimer ses faiblesses était une faiblesse. Il m’a fallu vivre les bouleversements de ces dernières semaines pour comprendre que montrer ses failles, c’est le contraire d’une faille.

 

Infos : Andrea di Pietro della Gondola, dit Andrea Palladio né à Padoue le 30 novembre 1508 et mort à Vicence le 19 août 1580 est un architecte de la Renaissance italienne.  Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Andrea_Palladio

 

3 Replies to “Arditi, Metin «Carnaval noir» (RL2018)”

  1. Super roman, entre 2 époques, rythmé, passionnant, à l’écriture belle et agréable à lire.
    J’avais aussi aimé « Le Turquetto »…
    Merci pour la découverte, Soeurette, car lu grâce à toi 😉

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