Renucci, Clélia « Concours pour le Paradis (RL 2018)

Renucci, Clélia « Concours pour le Paradis (RL 2018)

 Autrice : Clélia Renucci a 29 ans. Après avoir travaillé dans la publicité, elle est aujourd’hui professeur de Lettres Modernes. C’est dans l’agence où elle a été « créative » pendant trois ans que l’idée d’allier les classiques à l’extrême modernité a germé : en préparant son sujet de thèse sur Balzac, elle s’est rendu compte que les héroïnes de La Comédie Humaine étaient toutes des cougars. Elle a alors élargi ses recherches à la littérature française et étrangère, découvrant que les romanciers sont bien loin des stéréotypes qui touchent ces femmes aujourd’hui.
Libres d’aimer est son premier essai.

Albin Michel – 22.08.2018 – 272 pages – 2018 – Prix du premier roman 2018 – Prix Grands destins du Parisien Week-end

Résumé : « Tout était dévasté, consumé, calciné. C’est de cet enfer qu’allait renaître le Paradis ». Dans le décor spectaculaire de la Venise renaissante, l’immense toile du Paradis devient un personnage vivant, opposant le génie de Véronèse, du Tintoret et des plus grands maîtres de la ville. Entre rivalités artistiques, trahisons familiales, déchirements politiques, Clélia Renucci fait revivre dans ce premier roman le prodige de la création, ses vertiges et ses drames.

Mon avis :

Ah j’ai adoré ce roman historique. On fait connaissance avec les peintres de l’époque, on est témoin des intrigues. On déambule ou on glisse dans la Venise de l’époque. Clélia Renucci nous explique également les techniques de peinture. 284 saints protègent Venise… Les Tintoret et Véronèse sont au centre de l’action ; autour d’eux une foultitude de gens gravite, il y a la vie à Venise, les politiques et la religion. Et il y a aussi, en plus du côté artiste, tout le coté humain des personnages. Et cela nous permet de découvrir l’histoire de la création du fameux « Paradis » du Palais des Doges. Amoureux de la Sérénissime, ce livre est fait pour vous. 284 saints protègent Venise… Venez faire leur connaissance

Extraits :

C’est avec un bel entrain qu’ils remontèrent en gondole jusque dans l’atelier de Francesco Bassano, quittant la beauté des façades des palais gothiques du Grand Canal pour s’enfoncer dans les sombres rii du Cannaregio, où vivaient Francesco Bassano et Jacopo Tintoret.

il cita dix paradis dans lesquels les saints sont dévêtus, celui du Corrège peint en 1520 pour le dôme de la cathédrale de Parme, celui de Campi datant de la même époque, et même la fresque du Jugement dernier de Michel-Ange de 1540…

les artistes considéraient l’horizontalité comme une possibilité de représenter l’immobilité. Or la perfection ne réside-t-elle pas dans le fixe ? dans le stable ? Un paradis en hauteur indiquerait un bouillonnement qui contredirait le calme et le repos liés à ce jardin d’Éden.

Le prêtre avait cessé de discourir et, béat, regardait l’homme se muer en créateur, l’esprit en action, la main capable de faire émerger la réalité, bien au-delà des apparences.

Il était près de dix heures et Venise était nappée d’un brouillard huileux. Les marches des palais s’effaçaient sous la nuit sans lune, les ruelles semblaient plus étroites encore et plus silencieuses.

il Tintoretto, le Tintoret, le petit roux, le bossu, le fils du teinturier, le peintre des Scuole, le roi du clair-obscur, « le dessin de Michel-Ange, la couleur du Titien », c’est lui-même qui l’a gravé sur la porte de son atelier… Qui ne le connaît pas n’est pas vénitien !

Un gouvernement comme une œuvre ne se construisent que par l’union des savoirs.

Giorgione, qui était à l’époque dont je te parle, au début du siècle, vers 1505, bien plus connu et respecté que le jeune Titien avec lequel il avait l’habitude de travailler, s’était vu commander des fresques pour orner les façades du palais des Allemands, situé à la hauteur du pont du Rialto.

Véronèse, vous le savez, célèbre avant tout la société vénitienne dans ce qu’elle a de plus futile, à travers ses richesses, ses accessoires…

La commedia dell’arte s’installait dans la ville pour renouveler l’art du spectacle. Au contraire des patriciens qui montaient parfois sur scène pour mettre à l’honneur certaines des plus belles comédies de Plaute, ces troupes nouvelles improvisaient.

Vous me dites que ce n’est pas possible ? Ce n’est pas un argument. Les Vénitiens n’ont jamais reculé devant l’inconcevable.

Les artistes ne sont que les marionnettes du pouvoir, interchangeables tant qu’un nom ne vient pas légitimer les œuvres qu’ils réalisent.

le point d’orgue du travail sur la toile, le moment d’appliquer l’imprimatura, technique que Tintoret avait expérimentée lors de son passage éclair dans l’atelier du grand Titien. Il s’agissait de recouvrir la toile d’un brun sombre, ainsi le blanc devenait une couleur et non plus seulement le fond du tableau.

Ne te souviens-tu pas qu’il faut du vide pour que l’œil perçoive mieux le plein ? C’est comme un silence dans une belle phrase, une pause dans une élégie.

Il ne trouvait que répondre à tant d’allégations à charge et préféra se murer dans un silence qui ne pouvait lui être d’aucun secours dans un procès en Inquisition où la règle d’or consiste à considérer que « qui ne dit mot confesse »…

À Venise, les souverains craignent autant les chuchotements que les Français redoutent la rébellion. La rumeur tue autant que les armes et un bruissement suffit.

Infos :

Berlingaccio : Il est une fête qui est célébrée dans Florence et les villes entourant les jeudi gras à savoir le jeudi avant le dernier jour de carnaval. Le Jeudi Gras, on portait un masque gras et rougeot appelé « Berlingaccio » dont on trouve peu de traces. En savoir plus : https://books.google.ch/books?id=zdygAQAAQBAJ&pg=PT43&lpg=PT43&dq=berlingaccio+f%C3%AAte&source=bl&ots=N9UzRh6bUl&sig=ACfU3U2SU5XUla-Hvu0RsT55A-b1ad15_A&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwihwrmv1ejgAhXPwcQBHcy5B-gQ6AEwC3oECAMQAQ#v=onepage&q=berlingaccio%20f%C3%AAte&f=false

Image : le Tintoret

 

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