Brouillet, Chrystine « Chère voisine » (1982)
Autrice : née le 15 février 1958, à Loretteville, un des quartiers de Québec, est une auteure et chroniqueuse canadienne. Elle est connue pour sa série de romans policiers ayant pour héroïne la policière Maud Graham.
Série policière Louise (Chère voisine 1982 – Louise est de retour 2014 – La mort mène le bal 2015)
Résumé : Louise partage son temps entre son boulot de serveuse, ses visites à Roland, un voisin paraplégique, et ses chats adorés. Mais voilà que deux meurtres sanglants commis dans le quartier viennent troubler le cours de cette existence tranquille. Lorsqu’un troisième cadavre est découvert tout près de leur immeuble, Louise et ses voisins ne peuvent s’empêcher de se soupçonner : l’un semble anormalement nerveux, un autre se montre fuyant, un autre encore reste de marbre devant le drame… Hier banales, les allées et venues de chacun deviennent alors prétexte à un jeu de piste qui aura des conséquences funestes.
L’intrigue pleine de rebondissements et les personnages colorés de Chrystine Brouillet ont fait le succès de ce premier roman (prix Robert-Cliche 1982), entrée remarquée de l’auteure dans le paysage littéraire québécois.
En moins de temps qu’il n’en faut pour dire serial killer, chacun devient suspect aux yeux des autres. Dans ce complexe jeu du chat et de la souris, qui peut réellement prétendre être le chat ?
Mon avis : C’est le premier roman de cette romancière qui en est maintenant à plus de 50… L’écouter récemment au salon du livre de Geneve lors d’un entretien avec Victor del Arból. M’a donné envie de faire plus ample connaissance avec elle. Et comme nous nous rapprochons de la fête des voisins… intéressons-nous à eux… Enfin pas de trop près finalement.
J’ai bien aimé ce court roman. Une sorte de huis-clos qui concerne principalement trois personnages. Un jeune en fauteuil roulant, veuf suite à un accident de voiture qui semble ne s’intéresser qu’aux poissons de ses aquariums, Une jeune fille, serveuse, qui semble ne vivre que pour et par les chats et collectionne les dés à coudre, un nouveau locataire, prof, très souriant et très moche qui semble lui s’intéresser aux criminels. Une atmosphère glauque, des rues désertes, silencieuses, un froid glacial et la menace d’un tueur qui rode. On se croit presque dans le Londres de Jack l’éventreur… Un thriller. L’important n’est pas de savoir qui est le tueur (on nous le dit assez vite) mais comment il va s’en sortir… Et les personnages sont très spéciaux, plus inadaptés les uns que les autres, ce qui fait tout l’intérêt de ce thriller à suspense.
Un premier roman d’une série qui va continuer quelques rente ans plus tard. Je suis curieuse de savoir comment Louise aura évolué car sa personnalité m’a bien intrigué.
Extraits :
C’était agréable comme première sensation dans une journée que la caresse d’une patte de velours sur sa joue
Ces jours comme celui qu’elle venait de vivre, on a envie de changer de tête à défaut de changer le monde.
C’était le type parfait de la jeune fille gentille, sans problème. Qui ne se pose pas de questions outre celles qui concernent son allure extérieure ou ses chats. C’est fou comme elle les aimait. C’était ses amis, ses amants, ses frères, ses sœurs, c’était tout son univers.
Comme la vie devait être agréable pour les gens qui n’étaient pas, comme lui, hantés par une conscience aiguë d’être et de ne pas être. Du bien, du mal. De la vie, de la mort.
On ne pense jamais à ses tibias, ses péronés et ses fémurs quand ils sont en bon état. Quand ils sont égrenés, on se rappelle le bon vieux temps.
Des persans, des siamois, des birmans, des abyssins, des bâtards, des chats sauvages, des lynx, des cougars. Elle se sentait beaucoup plus à l’aise avec les félins qu’avec les humains. Si son voisin ne lui était pas antipathique, c’est qu’il semblait aimer autant ses poissons qu’elle ses chats. C’était sûrement quelqu’un d’intéressant malgré son caractère étrange.
Le temps était gris. L’eau du fleuve était grise. Les oiseaux qui planaient au-dessus du port étaient gris. On avait l’impression que les heures du jour seraient grises.
Québec paniquait. Terrifiées, les femmes juraient qu’elles ne sortiraient plus jamais et que ce n’était pas tolérable comme situation. On avait l’impression de retourner à White-chapel, en 1888, quand Jack l’Éventreur écumait les rues sordides de la ville. Une impression d’horreur inconnue empoisonnait l’air.
Il se sentait tout à fait compris. Elle avait le même regard que lui sur les choses. Elle les filtrait. Ils allaient bien s’entendre.
Ce fantôme démoniaque régnait sur la ville dès le milieu de l’après-midi, à l’heure bleue, quand le ciel se fonce, se fonce et donne à la neige un reflet sombre et froid. On avait peur dès cette heure-là.
elle avait cité Sacha Guitry : « Le théâtre est né de l’Église, elle ne le lui pardonnera jamais; jalousie de métier ! »
« Je pensais que vous étiez plus ou moins brouillées… ?
— Moi oui, elle non. Elle veut absolument qu’on communique ! Elle aurait dû y penser avant. »
Avril avec ses odeurs de soleil, les rues sales de l’hiver, les longues promenades où l’on ne sentait pas le froid qui persistait, les chats de printemps, les devantures pascales, avril était gâché parce qu’un fou errait dans la ville. Encore.
Il approuvait le poisson de n’accepter de compagnie qu’à la saison des amours. Et encore, il fallait tuer la femelle ensuite. Il le savait bien, lui ! Une femme, c’est des tas de problèmes !
Le fantôme ne se manifeste que la nuit. C’est bizarre, vous ne trouvez pas ? Je suppose que vous ne me croyez pas ! »
On peut inventer n’importe quoi, croire aux hypothèses les plus farfelues, tout était possible. Mais alors tout ! La réalité dépassait, et de beaucoup, la fiction.
EN GUISE DE POSTFACE : Petite annonce fictive : « Serveuse de restaurant, 24 ans, bonne expérience, intelligente, instruite, sensible, aimable et jolie, ne cherche pas emploi. Devenue écrivain, lauréate du prix Robert-Cliche. S’adresser à un libraire, demander Chère voisine »