Chase, Eve «Un manoir en Cornouailles» (2018)
Autrice : Eve Chase est le pseudonyme d’une journaliste ayant travaillé pour plusieurs magazines anglais. Elle vit aujourd’hui à Oxford avec son mari et ses trois enfants.
Romans : Un Manoir en Cornouailles (prix Saint-Maur en Poche du roman étranger 2019.) – Les filles du manoir Foxcote – La disparition d’Audrey Wilde (2023)
Nil Editions – 3.5.2018 – 443 pages / 10/18 – 2.5.2019 – 429 pages
Résumé : Cornouailles, 1968. Pencraw, un grandiose manoir en ruine dans lequel les Alton élisent domicile l’été. Le temps semble s’y être arrêté et défile sans encombre. Jusqu’au drame qui vient bouleverser leurs vies et arrêter le temps à jamais.
Cinquante ans plus tard, avec son fiancé Jon, Lorna roule à la recherche du manoir des Lapins noirs, cette maison où elle a séjourné enfant. Elle rêve d’y célébrer son mariage. Tout dans cette vieille demeure l’appelle et l’attire. Mais faut-il vraiment déterrer les sombres mystères de ce manoir en Cornouailles ?
Eve Chase nous entraîne dans une passionnante spirale unissant deux femmes séparées par les années, mais que la force de l’amour et le poids des secrets réunissent en une seule voix, mélancolique et entêtante.
Une famille. Un secret. Un été tragique. Quatre vies bouleversées à jamais.
» Une lecture obligatoire pour les fans de Kate Morton et Daphné du Maurier. » BookPage
Mon avis : Bienvenue dans le Sud-Ouest de l’Angleterre.
Un couple visite divers endroits pour organiser leur cérémonie de mariage. Quand elle va visiter un manoir, la jeune femme tombe sous le charme d’un vieux manoir, elle a une sensation étrange, une impression de dejà vu. Son futur mari est quant à lui inquiet de l’influence que ce lieu retiré des Cornouailles a sur sa future épouse. La jeune femme retourne sur place pour quelques jours et petit à petit l’histoire du lieu et de ses propriétaires. J’ai beaucoup aimé ce livre, comme j’aime en général les secrets de famille, les histoires d’amour romanesques et tragiques… Un excellent roman d’été avec des personnages attachants. Un pont entre les années 1968/70 et nos jours, une ambiance parfois intemporelle, une touche de mystère, et me voici conquise.
Extraits :
Son décès avait été un coup de semonce, l’exhortant à ne pas attendre. À ne pas différer plus longtemps, lui rappelant que tout le monde a une date cerclée de noir sur son agenda, se rapprochant à chaque page.
Les enfants ne doivent jamais se tourmenter pour leurs parents. S’inquiéter, c’est le travail des mères.
lorsqu’on est là, on a l’impression d’y être depuis une éternité mais qu’à l’heure du départ les vacances ont l’air d’avoir passé en un clin d’œil. C’est peut-être pour ça que personne ne s’inquiète que toutes les pendules soient déréglées.
Elle a de gros mollets et des pieds si petits que ses jambes se resserrent brusquement aux chevilles, comme ses poches à douille pour glacer les gâteaux.
Quand ils s’embrassent, on croirait qu’ils sont seuls au monde, et je devine ceux qu’ils ont dû être dans l’incroyable pré-histoire avant ma naissance.
Lorsque maman s’en va, la famille s’éparpille, telle la limaille de fer quand on retire l’aimant.
Dehors, ça ressemble à la nuit, pas à une fin d’après-midi. On a l’impression qu’une bouche géante a aspiré la lumière du ciel avec une paille.
Ses paroles se perdent dans un silence qui s’enroule autour d’elle de plus en plus étroitement, au point que sa gorge se serre.
Un de ces jours surréalistes qui surgissent dans une vie ordinaire, sans rapport avec les précédents ni avec les suivants.
Je peux dire, maintenant, que ce manoir est complètement dingue ? On le croirait sorti d’une chanson de Kate Bush !
Une autre fille devait jouer mon rôle : moi, j’étais roulée en boule dans un coin, les mains sur la tête pour me protéger de la tristesse insupportable qui fondait sur moi sans prévenir, en déployant ses serres.
On a l’impression que papa a subi une coupure de courant et on attend que quelqu’un le rétablisse.
Les hommes pensent avec la matière grise de leur cerveau, qui est pleine de neurones actifs. – Il tapote le côté de son crâne. – Les femmes, elles, voient le monde avec la substance blanche, qui consiste en liaisons entre les neurones.
Une foule de souvenirs déferle sur la table, des remous puissants qui tournoient autour des photos telles des gerbes d’écume.
Si tu vis dans le passé… – sa voix commence à se briser – tu ne vis qu’à moitié.
Je me rends compte que ça lui va bien de tenir une guitare, comme moi un livre – qu’ils vont de pair, d’une certaine façon.
Le manoir des Lapins noirs ne se prête pas plus à la vitesse qu’aux appels téléphoniques, ne tarde-t-elle pas à découvrir. Il se dévoile lentement, à son rythme : ses couloirs, ses antichambres et les vues de ses fenêtres invitent à se perdre dans une flânerie rêveuse. Est-ce parce qu’il a été bâti pour les classes oisives, se demande-t-elle, ou bien pour une autre raison ?
Le sexe, d’après elle, est comme la cigarette : affreux la première fois, puis, si on continue, ça peut devenir assez chouette et on ne peut pas imaginer la vie sans ça.
On se serre si fort que j’ai l’impression que tous les petits bouts de moi dispersés – ceux qui ne se posent jamais quand on n’est pas ensemble – se remettent en place.
Sous toute sa maussaderie impassible se cachent de la chaleur et des rires : c’est comme si on trouvait des pièces d’or dans la boue.
j’adore ça, frôler la catastrophe, réécrire le désastre.
C’est ainsi qu’elle nous manque à présent, moins par une tristesse sans fond que par des sentiments aigus qui percent sans crier gare, comme les digitales dans les bois.
Elle sent le téléphone s’alourdir dans sa main, un pistolet chargé.
— Tu ne peux pas continuer à fuir ton passé, à faire semblant d’enquêter sur une chose alors qu’au fond tu cours après une autre.
Si elle dort, tout sera à nouveau surmontable, tous les éclats qui flottent dans la journée se recolleront comme les images d’un film passé à l’envers, au ralenti, d’une tasse qui se brise.
J’ai découvert que la vie ne tourne pas toujours autour des choses évidentes – les morts, les mariages, tous les trucs gravés sur les tombes – mais aussi autour des petites choses qui ne restent pas inscrites : les baisers, les lapins.
les lèvres en coupe-papier
2 Replies to “Chase, Eve «Un manoir en Cornouailles» (2018)”
J’ai beaucoup aimé aussi. Je me suis curieusement attachée à cette histoire insolite et attachante, ainsi qu’à ce vieux manoir cachant tellement de secrets et de mystères…
Lu en juillet 2019…
J’ai apprécié l’alternance des 2 époques, l’histoire bien construite où le manoir est aussi un personnage à part entière. De drame en drame, les secrets se constituent puis se révèlent.
Lecture agréable, roman plaisant à lire 🙂