Vida, Vendela «Les habits du plongeur abandonnés sur le rivage» (2019)
Autrice : Figure de l’avant-garde intellectuelle et littéraire de la côte Ouest des États-Unis, Vendela Vida est éditrice du magazine The Believer, fondé avec son mari Dave Eggers. On lui doit déjà trois romans parus en français, Sans gravité et Soleil de minuit aux Éditions de l’Olivier ; Se souvenir des jours heureux chez Albin Michel, qui tous furent encensés par la presse. En 2019 elle publie Les habits du plongeur abandonnés sur le rivage.
Albin Michel – Terres d’Amérique – 9.5.2019 – 243 pages (Traductrice :Adèle Carasso)
Résumé : Comment prouver qui on est lorsqu’on se
retrouve seul à l’étranger et qu’on se fait voler tous ses effets personnels ?
C’est le cauchemar auquel est confrontée l’héroïne du nouveau roman de Vendela
Vida, en voyage à Casablanca. Endossant d’abord, faute de mieux, l’identité
d’une autre Américaine dont la police marocaine lui a rendu par erreur le
passeport, elle est embauchée pour remplacer au pied levé la doublure d’une
actrice en tournage dans son hôtel. Affublée d’une perruque et d’un nouveau
nom, la jeune femme se voit alors embarquer dans un étrange et vertigineux
voyage intérieur qui l’amène à se replonger dans les circonstances douloureuses
de son départ des États-Unis…
Avec ce magnifique personnage de femme blessée
qui cherche à s’affranchir du passé, Vendela Vida continue d’explorer le thème
de l’identité et signe un livre envoûtant, entre comédie rocambolesque, roman à
suspense et drame psychologique.
Mon avis : Ne pas se fier au titre et à la couverture… Vous imaginez une histoire de plage et de plongeuse… pas du tout ! Dès le début, on se retrouve impliquée dans l’histoire car elle commence par « une fois TA place trouvée » ; de ce fait, on est immédiatement partie prenante. Le personnage principal est complètement paumé : dire qu’elle ne sait plus qui elle est et qu’elle a du boulot à faire pour se retrouver et savoir qui elle est vraiment est un euphémisme : elle est complétement larguée, à côté de ses pompes, totalement à a masse et irresponsable. Mal dans sa peau, en rupture avec elle-même, elle passe d’une identité à une autre pour se fuir et fuir la réalité. Une fuite en avant vers le néant, un refus d’assumer quoi que ce soit. Ce qu’elle abandonne sur le rivage, c’est sa propre peau, son moi intérieur et même son apparence physique. Elle usurpe des identités pour ne pas être elle-même et s’enferre dans des situations totalement improbables qui l’entrainent de plus en plus vers l’impossible.
Comme elle l’explique à un moment quand elle parle de son visage marqué par l’acné, quand on est plongeuse, le visage importe peu car les juges regardent le corps et la manière de plonger. Petit à petit on va comprendre pourquoi cette femme n’est qu’une enveloppe mais, un reflet ; ce reflet explique sa vie : c’est une ombre, l’ombre de sa sœur jumelle, elle se glisse dans la peau d’autres personnes : elle devient Sabine, puis se coule dans la peau de la doublure d’une actrice célèbre. Et d’ailleurs dans le roman, elle est toujours l’autre, et jamais elle… Et de page en page, elle se coule dans des enveloppes et des habits qui ne sont pas les siens, pour ne jamais être elle-même. Elle abandonne ses habits.
Je n’ai pas été emballée : c’est trop invraisemblable mais pas assez déjanté, et la fin est juste bâclée. C’est dommage car malgré tout je n’ai jamais eu envie de poser le bouquin, j’avais envie de savoir jusqu’où cette étrange coquille vide allait m’emmener.
Pour ce qui est du Maroc, je regrette cette approche caricaturale qui envoie le message « accrochez-vous à vos possessions dans ce pays de voleurs ». Le Maroc est un pays magnifique et je regrette cette façon de le présenter.
Décidemment, je fais dans les âmes fissurées qui s’évadent à l’autre bout du monde ces jours : entre le Vendela Vida, le Christiana Moreau, le Didierlaurent , le Tiffany Tavernier et le Cercas..
Extraits :
Une chose que tu as observée dans ton école de filles : la moitié du travail de parent consiste à jouer un rôle vis-à-vis de l’extérieur.
C’est comme ça avec l’avion : les voyageurs applaudissent parce qu’ils sont toujours en vie, puis ils te passent devant pour gagner quatre secondes.
— Cinq vraies minutes ? » demandes-tu. La notion du temps n’est pas objective, elle est propre au pays où l’on se trouve.
Ton épuisement est un voile que tu ne parviens pas à soulever.
Le barman t’apporte un grand verre étroit rempli d’eau pétillante, et c’est tellement rafraîchissant que tu en veux immédiatement un second. C’est ainsi dans ce genre de pays – les verres sont trop petits et on est toujours assoiffés.
« Ensemble » est un mot qui te hante. Vous avez fait peu de choses ensemble.
Par la fenêtre de ta chambre, tu regardes la place. Le spectacle touche à sa fin. Les gens s’éloignent de la scène en s’éparpillant dans toutes les directions. Depuis ton poste d’observation, on dirait une fleur qui s’épanouit. Un feu d’artifice qui explose.
Cela doit être un des moments de la journée consacrés à la prière pour les musulmans parce que ces gardes sont tous agenouillés par terre. Tu te demandes si les voleurs profitent parfois des heures de prière pour opérer.
La maquilleuse regarde ta peau comme les grimpeurs observent une montagne, une chose à conquérir.
Les relations qu’elle entretenait avec autrui étaient aussi bien mises en scène que sa maison – il n’y avait chez elle pas un vase qui soit provisoirement posé sur une table, pas un coussin dont la couleur ait été choisie au hasard, pas un tapis qui soit un centimètre trop grand ou trop petit. Elle organisait et choisissait tout selon sa propre vision des choses.
Vous avez ça en commun – les marques du passé sur la peau. Vous regardez tous les deux par la fenêtre, comme si vous vouliez vous concentrer sur la beauté du monde extérieur. Mais le soleil s’est couché et vous n’apercevez que votre propre reflet.
4 Replies to “Vida, Vendela «Les habits du plongeur abandonnés sur le rivage» (2019)”
Beurk, beurk, beurk ! J’ai pensé à Carlos Salem et son « Aller simple » , qui se passe également au Maroc, mais autant le livre de Carlos était déjanté et jubilatoire, autant l’ectoplasme féminin qui hante ce livre me fait penser à rien. Pas de caractère, pas de folie, elle a peur de tout.Certes, elle se relève d’un profond traumatisme mais quand même ! Si cette auteure fait partie de l’avant-garde littéraire américaine, on est mal barré !
aaaaaaaaaaaaaaah Un Aller simple ! je l’ai commenté … (voir article)
Alors comment dire, avis mitigé sur ce bouquin immersif qui pourtant m’a happée dès le départ. J’ai bien aimé le tutoiement qui s’adresse à l’héroïne mais d’une autre façon à nous lecteurs, ça nous implique et c’est pas mal fait. Le suspense est bien présent et il y a du rythme. On pressent le pire pour ces situations à engrenage où la machine s’emballe, s’enlise dans les mensonges, dans les usurpations d’identité. Le côté invraisemblable ne m’a pas trop dérangée. Et donc j’attendais la fin avec une certaine impatience, je dirais même une impatience certaine. Et là badaboum !!! Une catastrophe, ça finit en eau de boudin et donc toute l’histoire en amont n’a plus aucune crédibilité. Tous les indices du parcours ne servent à rien, ils ont été semés on ne sait pourquoi. Bref un livre pour rien.
P.s : concernant le Maroc où j’ai été en vacances 4 mois d’affilée, où j’ai pu vivre des situations qui se rapprochent un peu de celles qui sont évoquées, je n’ai donc pas eu l’impression d’une caricature mais plutôt de faits crédibles.
Concernant ton P.S. : le seul endroit ou on s’est fait barbotter le portefeuille avec papiers d’identité ce fut à Paris…
Bien sur qu’il faut faire gaffe au Maroc comme ailleurs mais j’ai pas eu l’impression de devoir faire attention plus qu’ailleurs.. C’est clair que tu as une nuée de gosses ( et pas gosses) qui se collent aux basques et te tirent par la main pour te servir de guide et te faire voir des trucs « pour le plaisir des yeux ».. mais faut être au moins aussi cruche que la nana pour poser le sac par terre sans surveillance. Même en Gare de Genève ils te le piquent!