Keane, Mary Beth «La cuisinière» (2014)

Keane, Mary Beth «La cuisinière» (2014)

Autrice : Originaire de New York, Mary Beth Keane vit actuellement à Philadelphie avec sa famille. La Cuisinière est son deuxième roman, le premier publié en France.

Presses de la Cité – 06.02.2014 – 404 pages / 10/18 – 17.03.2016 – 452 pages

Résumé : Aussi haletant qu’un thriller, ce roman retrace le bouleversant destin de Mary Mallon, surnommée en son temps « la femme la plus dangereuse d’Amérique ». Véritable cas pour la science, elle a permis d’élaborer la théorie du porteur sain. Immigrée irlandaise arrivée seule à New York à la fin du XIXe siècle, Mary Mallon travaille comme lingère avant de se découvrir un talent pour la cuisine. Malheureusement, dans toutes les maisons bourgeoises où elle est employée, les gens contractent la typhoïde.
Mary, quant à elle, ne présente aucun symptôme de la maladie – au contraire, sa robustesse est presque indécente. Un médecin finit par s’intéresser à elle, mais la cuisinière refuse de se soumettre à des examens. Les autorités sanitaires, qui l’estiment dangereuse, l’envoient en quarantaine sur une île au large de Manhattan. Commence alors pour cette femme indépendante et insoumise qu’on appelle désormais « Mary Typhoïde » un combat à armes inégales pour sa liberté.

Mon avis : J’ai lu avec beaucoup d’intérêt la vie romancée de celle qu’on appelait Marie Typhoïde, Un livre qui met également en lumière la vie des petites gens, des domestiques à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Si j’ai passé un très bon moment, je dois dire que je pensais qu’il y aurait plus de manière « investigation » sur le cas du porteur sain (que ce soit de maladies infectieuses ou génétiques de fait, comme l’hémophilie, alors que le roman est en quelque sorte le journal de Mary Mallon, une immigrée irlandaise qui débarque chez sa tante à New-York apres une traversée cauchemardesque par bateau. Elle mentira sur son âge pour pouvoir travailler, d’abord comme blanchisseuse, puis comme cuisinière. Elle travaillera dans de nombreuses familles et à chaque fois, des personnes seront malades de la fièvre typhoïde. Mais attention, il y aura peu de personnes qui y succomberont et elle-même agira de manière à sauver plusieurs personnes.
Le Dr. Soper va entrer en scène et la faire mettre en quarantaine, d’abord dans un hôpital, puis dans une clinique sur l’ile de de North Brother Island. Dans le cadre de leurs recherches, ils feront des prélèvements mais les rapports s’avéreront extrêmement conflictuels entre elle et le Dr. Soper, qui la poursuivra toute sa vie.
Mary va très mal vivre cette suspicion/accusation. Elle ne comprend pas qu’elle puisse être incarcérée comme un danger public alors qu’elle jouit d’une santé éclatante, fait une cuisine appréciée de tous. Il a d’ailleurs des éléments très étranges : comme ce fait-il que ses proches et ses amis – à qui elle fait à manger – ne soient jamais tombés malades ?
Ce journal nous raconte son parcours jusqu’à sa mort, sa vie, ses désillusions, sa relation amoureuse difficile avec Alfred, ses rapports avec ses amis. Femme forte, elle tâchera toujours de se relever et de vivre dignement. Elle luttera sur tous les fronts, se persuadant que ses choix ne portent pas préjudice aux autres, alors que parfois il faut reconnaitre qu’ils sont peu judicieux et ne peuvent que lui pourrir la vie. Mais à la fin du XIXème siècle et au début du XXème, les connaissances scientifiques et médicales ne sont pas encore très étendues et elle en pâtira. Elle pâtira surtout d’être le sujet « cobaye » en la matière et de l’acharnement du Dr. Soper à la traquer alors que d’autres porteurs sains pourront continuer à vivre presque normalement.
La vie est loin d’être facile pour les personnes qui débarquement aux Etats-Unis et ce destin de femme en est une illustration de plus.

Extraits :

Il arrive qu’une chose mène à une autre, même si le lien n’est pas direct.

« La Porteuse de Germes », annonçaient leurs titres. Des lecteurs avaient écrit pour demander s’il était dangereux de respirer près d’elle. Et de toucher ce qu’elle avait touché ? Et d’entrer dans une pièce qu’elle venait de quitter ?

Elle n’est pas autorisée à recevoir la visite de ses amis, en dépit du fait que tous les médecins associés à son cas admettent qu’elle n’est contagieuse qu’en cuisinant.

C’était dans ces moments qu’elle devenait « sauvage », pour reprendre le qualificatif des médecins. Combative. Difficile. Têtue. Obstinée. Ignorante. Une femelle, quoi !

Comment pourrais-je propager une maladie que je n’ai jamais eue de ma vie ?

Alors qu’au pays prédominaient les verts et les bleus en été, et les oranges et les rouges en hiver, New York était de la même couleur, peu importait la direction où ses yeux l’entraînaient : avenues envahies de gadoue, charrettes éclaboussées de boue, bardeaux gris, brique rouge passée, fumée de charbon planant dans l’air et gommant tous les contours.

Au moment même où son esprit lui conseillait de ne pas dire une chose, ses lèvres la disaient.

Elle n’avait pas en elle la rage de se battre des autres. C’était ça, le moment dangereux, quand les malades ne luttaient pas, qu’ils dormaient et regardaient fixement, puis préféraient fermer les yeux.

Ce qui compte, c’est que vous ne cuisiniez pas, votre fréquentation ne présente pas de risque et on ne peut pas enfermer des gens selon son bon vouloir. Il doit exister une solution préférable.

Et puis se retrouver à quarante-trois ans sans enfant, en sachant que le futur était déjà arrivé et qu’il faisait déjà bel et bien partie du passé…

Si notre vie est prédestinée avant notre naissance, alors comment elle, Mary Mallon, aurait-elle pu changer le cours de leur destin ? Et s’il est écrit que celui qui naît doit mourir ; et que chacun ressuscitera d’entre les morts ; et que notre temps sur terre dure une poignée de secondes, comparé à la vie infinie qui nous attend après, alors tous ces arguments ne réduisaient-ils pas son crime d’autant ?

Elle avait pris des risques, mais vivre était en soi un risque, et la plupart étaient d’accord sur le fait que, ce risque-là, il valait la peine qu’on le prît.

Infos : Mary Mallon (Marie Typhoïde)  (lire article de Sciences et Avenir)  

Image : source : « ‘Typhoid’ Mary Mallon: Justly Quarantined or Unfairly Persecuted? » (Teachers pay Teachers)

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