Neuhaus, Nele « Les Vivants et les Morts » (2016)
Autrice :
Neuhaus, Cornelia « Nele » , née le 20 juin 1967 à Münster, en Westphalie, est une écrivaine allemande, auteure de roman policier et de littérature d’enfance et de jeunesse.
Série Oliver von Bodenstein et Pia Kirchhoff ( voir page sur la série)
Eine unbeliebte Frau, 2009 (pas traduit) – Mordsfreunde, 2009 (pas traduit) – Flétrissure (2011) -Blanche-Neige doit mourir (2012) – Vent de sang (2013) – Méchant Loup (2014) – Les Vivants et les Morts (2016) – Promenons-nous dans ce bois (2018) – Les oubliées du printemps (2020)
6ème enquête de Oliver von Bodenstein et Pia Kirchhoff
Résumé : Au coeur de l’hiver, une vieille dame est tuée d’une balle dans la tête tandis qu’elle promène son chien dans un parc de la banlieue de Francfort. Trois jours plus tard, une autre femme est abattue avec la même arme à travers la fenêtre de sa cuisine, alors qu’elle est en pleins préparatifs de Noël. L’officier de police judiciaire Pia Kirchhoff comprend qu’elle peut dire adieu à son voyage de noces en Équateur : son collègue Oliver von Bodenstein va avoir besoin d’elle. Les victimes n’avaient apparemment aucun ennemi. Pourquoi, alors, fallait-il qu’elles meurent ? Ont-elles été choisies au hasard ? Lorsque d’autres morts surviennent, la peur se répand dans la population face à celui que la presse a déjà surnommé “le sniper du Taunus”. Pia et Oliver tentent désespérément de déterminer le mobile de celui qui s’est autoproclamé “le Juge”. En priant secrètement qu’il y en ait un, parce que rien n’est plus imprévisible qu’un homme qui tue sans discernement. Lorsque, aiguillés par les énigmatiques messages du meurtrier, les deux enquêteurs élargissent le champ de leurs investigations aux proches des victimes, ils mettent au jour une terrible tragédie humaine aux ramifications complexes. Dans ce nouveau roman, Nele Neuhaus plonge le lecteur dans les coulisses du don d’organes. Mettant en scène avec subtilité les défis auxquels doit faire face une médecine humaine, trop humaine, elle signe son roman le plus sombre et le plus terrifiant.
Mon avis : Je suis dérangée par ce livre. En effet l’enquête et l’intrigue sont passionnantes, et c’est je pense – après « Flétrissures » qui reste mon favori – le livre le plus angoissant et le suspense le plus abouti de cet auteur. Côté suspense, le livre est parfait. Une course contre la montre entre le tueur et la police, un esprit machiavélique, des fausses pistes totalement et parfaitement crédibles, une multitude de meurtriers potentiels, des rapports père-fille explorés par le menu, la confrontation entre le pouvoir et la justice, une analyse des valeurs humaines et des rapports humains poussée et anxiogène. Tout y est …
Reste que ce livre touche un sujet grave, le don d’organes, et cette façon de traiter le sujet me semble de nature à inciter les personnes à refuser d’être donneurs. Et cela me gêne profondément ! Alors si vous lisez ce livre, lisez aussi le magnifique roman de Maylis de Kérangal « Réparer les vivants » pour rétablir l’équilibre.
Extraits :
Assis à son bureau entouré d’étagères de livres jusqu’au plafond, il n’était plus que l’ombre grise de lui-même
Elle n’arrivait presque plus à comprendre pourquoi elle avait passé les vingt dernières années à travailler comme une dingue, au lieu de consacrer davantage de temps à sa famille et ses amis. Tout ce qui lui paraissait si important auparavant lui semblait désormais tellement banal.
Sa seule confidente était sa mère, et elle n’était plus là. La mort de maman avait ouvert la porte sur un vide en elle, un espace rempli chez les autres de beaux souvenirs et de belles expériences, d’amour, de bonheur, de partenaires et d’amis, de gens pour lesquels ils comptaient.
Seul le repli dans la routine l’empêchait de s’écrouler comme un château de cartes et de sombrer dans les flots noirs de l’effroi.
Toutes les blessures, même les plus profondes, guérissent un jour ou l’autre, du moment qu’on le veut bien.
Mon métier consiste à sauver des vies mais, malheureusement, je me situe toujours à la frontière ténue entre la vie et la mort, l’espoir et la déception.
Les gens à l’ego surdimensionné, tels qu’Andreas Neff, devaient être freinés, faute de quoi ils semaient la zizanie dans tout le groupe.
Elle s’affaissa en silence, comme si son corps était du flan.
Le cerveau humain était fait de telle sorte que, pour protéger l’âme, il effaçait les événements traumatisants ou les réduisait à l’état de fragments. C’est pourquoi la plupart des gens ne se souvenaient pas d’incidents qu’ils avaient vus ou même vécus, ce genre d’amnésie étant le plus souvent permanente.
elle n’arrivait pas à imaginer Nicole Engel dormant ailleurs que sur une sorte de chaise électrique qui lui permettait de repartir à la bataille, batteries rechargées, dès le lendemain matin.
Quelle plaie d’en être réduit à réagir au lieu d’agir.
Tu me manques, lui dit-il en la quittant. Sans toi, tout est deux fois moins bien.
Tout en longeant les allées de tombes dans la brume, sous des arbres nus dont l’humidité dégoulinait des branches, il songea à quel point l’âme humaine était étrange et imprévisible.
Depuis sa mort, je ne suis plus que la moitié de moi-même
Le patient, jusque-là pris en charge aux soins intensifs, se transforme d’un instant à l’autre en dépôt de pièces de rechange. Cœur, poumons, foie, reins, pancréas, une partie de l’estomac, des os, des tissus, les yeux – on a besoin de tout. Et il faut que ça aille vite.
Elle se regarda un court instant dans le rétroviseur, vit le chaos qui faisait rage en elle, deuil, chagrin, colère et douleur, tous ces sentiments qu’elle prenait soin de réprimer par peur de ne plus rien contrôler. Combien de temps tiendrait-elle encore, avant de s’effondrer comme un château de cartes ? Quand allait-elle perdre son énergie, sa parfaite maîtrise d’elle-même ?
Un chien aussi dangereux qu’une arme chargée. À l’instar de son maître.
La plupart des gens fêtaient le passage à la nouvelle année, bien entourés de préférence. Ils mangeaient, buvaient, faisaient comme s’il s’agissait d’une nuit très spéciale, alors qu’elle ne sortait pas de l’ordinaire.
Quel effet cela faisait-il d’apprendre que son conjoint, sa fille, sa mère ou son fils venait de mourir sans qu’on ait eu le temps de faire ses adieux ?
L’expression pire que la mort avait un grand fond de vérité. La perte en soi était une catastrophe qui ouvrait des blessures inguérissables, mais le sentiment d’en être responsable était un châtiment vraiment diabolique.
Le gène des lève-tôt. Je suis une alouette et tu tiens plutôt de la chouette.
Il aimait bien faire la vaisselle. C’était une tâche satisfaisante, comme nettoyer les vitres ou tondre la pelouse. On voyait le résultat tout de suite et on pouvait travailler en laissant errer ses pensées. Il appréciait cette petite maison, la simplicité, le retour à l’essentiel.
Le silence soudain était une tactique éprouvée. La plupart des gens ne savaient pas comment réagir, surtout après une joute verbale houleuse. Leur nervosité grandissait de minute en minute. Les pensées s’accéléraient, ils s’empêtraient dans leurs explications, justifications, excuses et mensonges.
“Une femme au-delà de trente ans a plus de chances d’être foudroyée que de retrouver un mari”, avait-elle prédit avec pessimisme.
Lien vers la présentation de la série : Oliver von Bodenstein et Pia Kirchhoff