Sabolo, Monica «Summer» (RL2017)
Auteur : Née à Milan, Monica Sabolo a grandi à Genève en Suisse où elle fait ses études. Après un investissement dans l’action pour la défense pour les animaux, au sein du WWF en Guyane puis au Canada, elle a l’opportunité de travailler à Paris en 1995 comme journaliste pour un nouveau magazine français Terre et Océans. Monica Sabolo passe dans les rédactions des magazines Voici et Elle. Au lancement de Grazia (Mondadori France), Monica Sabolo est recrutée comme rédactrice en chef « Culture et People ». Après « Le roman de Lili« , elle signe avec « Jungle » son second roman. Début 2013, elle prend un congé sabbatique de quelques mois pour écrire un troisième roman, « Tout cela n’a rien à voir avec moi », pour lequel elle reçoit le prix de Flore. En janvier 2014, Monica Sabolo quitte Grazia et le journalisme pour se lancer dans une nouvelle activité : l’écriture de scénario. En 2015 elle publie » Crans-Montana « , en 2017 « Summer « , en 2019 « Eden ».
Paru chez Lattès – 23/08/2017 – 320 pages
Résumé : Lors d’un pique-nique au bord du lac Léman, Summer, dix-neuf ans, disparaît. Elle laisse une dernière image : celle d’une jeune fille blonde courant dans les fougères, short en jean, longues jambes nues. Disparue dans le vent, dans les arbres, dans l’eau. Ou ailleurs ? Vingt-cinq ans ont passé. Son frère cadet Benjamin est submergé par le souvenir. Summer surgit dans ses rêves, spectrale et gracieuse, et réveille les secrets d’une famille figée dans le silence et les apparences. Comment vit-on avec les fantômes ? Monica Sabolo a écrit un roman puissant, poétique, bouleversant.
Mon avis : Il faudra attendre 24 an pour que le petit frère relance l’enquête sur la volatilisation de sa sœur. Les eaux du Léman vont-elles devenir plus claires ? Les eaux troubles sont-elles responsables de cette disparition ? Le lac Léman est réputé pour être traitre. Son calme est extrêmement trompeur. En est-il de même pour la population bien lisse qui peuple la Cité de Calvin ? Genève ne serait-elle qu’apparences? Il n’est pire eau que l’eau qui dort … Vous rappelez vous de la morale de la fable de La Fontaine du Torrent et de la Rivière? Non ? vous devriez la relire…
Les brumes et les ténèbres … « Post tenebras lux » telle est la devise de la ville de Genève… Mais la lumière qui auréolait « Summer » l’été de sa disparition est- elle éteinte à tout jamais ? Une fois de plus Monica Sabolo lève le voile sur les riches habitants de la Suisse du bord du lac, ceux-là même qui montaient faire la fête à « Crans-Montana » en 2015 …
Une enquête toute en finesse, en ombres et transparences pour permettre au jeune frère de comprendre, recherche, apprivoiser le fantôme de sa sœur évaporée un soir d’été… Que cachent les remous des eaux du lac ? ou qui se cache ? J’ai beaucoup aimé ce livre ou les remous de l’eau sont les remous de l’âme… Je vous invite à plonger et à faire le vide… à toucher le fond et à permettre au passé de remonter à la surface.
Extraits :
Je suis la preuve vivante que l’on peut vivre sans les êtres que nous aimons le plus, ceux-là même qui rassemblaient les milliers de fragments minuscules qui nous constituent. Ces êtres que l’on est terrifié de perdre, parce qu’ils nous donnent la sensation d’être réels, ou du moins un peu moins étrangers au monde, et puis, quand nous les avons perdus, nous n’y pensons plus.
je connais ce sourire, il est pareil à l’air humide, il s’insinue en vous, il est aussi insaisissable qu’un courant d’air, juste sous la peau.
Les souvenirs associés à des odeurs peuvent resurgir avec une extrême intensité. Il existe un lien mystérieux entre mémoire et parfums.
Je me réveille, comme presque toutes les nuits désormais, enroulé dans des draps qui semblent vouloir m’étreindre, ou m’étouffer.
… je pense à tous ces objets qui attendent, comme des couches géologiques de nos vies, des fossiles qui racontent quelque chose, mais quoi ?
j’étais resté là, absent à la scène, et à la vie, tandis que montait en moi la certitude que c’était arrivé, ce moment que j’attendais depuis toujours, l’effondrement de cet édifice de papier que constituaient nos existences.
Nous étions ailleurs, et les mots de réconfort que l’on nous adressait nous parvenaient déformés, comme recouverts par le vent.
L’obscurité dessinait des ombres mystérieuses sur les murs, et la moquette. Ma chambre était emplie d’un air humide, l’esprit du lac flottait là, il entrait dans mes poumons, y déposait un tapis végétal enivrant.
Je voyais les images du passé, comme des diapositives projetées sur un drap, avec ces couleurs des choses disparues.
La fatigue, c’est ainsi que l’on qualifie à peu près tout, dans notre famille, tout ce qui implique le chagrin ou la honte.
Elle avait ri, à nouveau, ce rire mondain, automatique – le seul vestige, avec son addiction au tabac et à la caféine, du temps où elle était cette beauté nerveuse, dégageant des ondes électriques de tension et de désir.
le pacte qui nous tient tous debout – toutes les choses dont on ne parle pas n’existent pas.
Nous demeurons un instant silencieux, laissant nos parts secrètes se répondre, ou peut-être tenons-nous juste chacun notre trajectoire, et nous repoussons-nous l’un l’autre, dans une sorte de lutte aquatique.
Nous avons essayé de quitter le passé mais rien n’a bougé, tout est exactement là où nous l’avons laissé, il y a vingt-quatre ans, aussi net et brillant que des morceaux de verre.
Je m’éloignais avec la sensation que tout s’était asséché d’un coup, mes yeux me brûlaient comme si on y avait jeté de la poussière. Mon cœur battait au ralenti, péniblement, il charriait du gravier, ou des débris métalliques.
La terre effaçait ce qu’elle avait porté, les feuilles s’amoncelaient dans les flaques, la pelouse devant la maison était jonchée de morceaux de branchages, le lac, plus sombre chaque jour, ressemblait à une grande assiette d’eau sale.
… c’est l’alcool, associé aux médicaments, qui désintègre le réel, mêle les souvenirs et les songes, et m’éloigne de moi-même, mais moi, je sais qu’il ne comprend rien, qu’il n’a aucune idée de qui nous étions.
Depuis le rivage auquel j’étais condamné, je regardais son embarcation traverser des nappes de clarté, des rideaux tombant du ciel, comme ces rayons qui transpercent les nuages sur les images pieuses.
Je pensais la voir dans la bise, les reflets mouvants du lac, ou le regard d’un cygne, mais en réalité, elle n’était nulle part ailleurs qu’à l’intérieur de moi.
Peut-être est-ce la seule chose qui reste à faire quand on n’a plus ni souvenirs, ni émotions : retrouver des vestiges, creuser avec ses doigts dans la terre, reconstituer des squelettes, épousseter les fossiles, mais même là, il est probable qu’on ne parvienne jamais à saisir la vie qui les animait, pas même à l’effleurer.
Les souvenirs s’estompent, c’est le secret. Le temps les dilue, des morceaux de sucre dans un récipient d’eau froide. Nous faisons, et refaisons, les gestes qui nous ont blessés, nous jetons et rejetons à la mer une nasse lestée de poissons transparents.
Où sont les êtres que l’on a perdus ? Peut-être vivent-ils dans les limbes, ou à l’intérieur de nous. Ils continuent de se mouvoir à l’intérieur de nos corps, ils inspirent l’air que nous inspirons. Toutes les couches de leur passé sont là, des tuiles posées les unes sur les autres, et leur avenir est là aussi, enroulé sur lui-même, rose et doux comme l’oreille d’un nouveau-né.
il semble voyager dans ses souvenirs, et que ses yeux regardent à travers moi, comme si j’étais une vitre au travers de laquelle on pouvait voir dérouler son passé, un cortège sur un tapis roulant,
Mes mots sont de petites boules de feu qui volettent au-dessus de nos têtes, pleines de colère, de chagrin et d’impuissance, elles brûlent et retombent en cendres, parce qu’il n’y a rien d’autre à faire que les regarder se consumer.
Le secret c’est de raconter une histoire à laquelle les gens ont envie de croire, n’importe laquelle. Les hommes ne veulent pas savoir, ils veulent croire, une fois que vous avez compris ça…
One Reply to “Sabolo, Monica «Summer» (RL2017)”
Ah ben comme quoi ! De mon côté je me suis ennuyée à mourir avec ce livre. Je ne l’ai d’ailleurs pas fini.