Loison, Laurent «Coupable ?» (RL2020)
Auteur : Laurent Loison est né dans le Val d’Oise en 1968, où il grandit dans une famille paysanne. Entrepreneur dans l’âme, il a géré et animé dans sa carrière des sociétés aux activités aussi diverses que la traduction, la fourniture d’accès à internet, l’importation horlogère, le service à la personne, mais aussi un bar et une agence immobilière. Après de nombreuses années passées en Arizona, Laurent Loison est de retour en France et se lance dans l’écriture de polars.
Ses romans : « Charade » (2016) – « Cyanure » (2017) -« Chimères » (2018) – « Coupable ? » (2020)
Editions Slatkine & Cie – 06.02.2020 – 349 pages
Résumé : Entre la France et l’Arizona, une chasse à l’homme s’engage. Découvrez la nouvelle voix du polar français. Scottsdale, Arizona. A la suite d’un cambriolage qui a tourné au drame, le mari de Julia a succombé à ses blessures. Tandis que le meurtrier est rapidement appréhendé et incarcéré, la famille tente en vain de se remettre de cette perte. Désespérée, Julia est prête à tout pour voir le meurtrier de son mari condamné à mort…
Le combat s’engage alors entre l’avocate commis d’office Kenza Longford et cette veuve déterminée à obtenir justice. Dans cette lutte, la jeune avocate devra faire face à ses propres démons. Garges-Lès-Gonesse, France. Ivan est prêt à tout pour intégrer le gang des Frères de Sang. Le rite d’intronisation ? Faire un gros coup. Pour prouver sa valeur, Ivan n’hésite pas. Au prix de lourdes conséquences.
Quel est le lien entre ces deux affaires, entre ces deux destins brisés ? Les fils s’entrecroisent, entre coups bas, rage et désespoir.
Mon Avis : C’est le premier livre de cet auteur que je lis et on m’aurait dit qu’il s’agissait d’un auteur américain, cela ne m’aurait pas étonnée. Deux enquêtes, deux cambrioleurs, deux pays : Garges-Lès-Gonesse (France) et Scottsdale, Arizona (Etats-Unis). Une vraie intrigue à l’américaine, dans cette Amérique des armes et de la peine de mort, une histoire qui, du simple fait de l’existence de la peine de mort ne pouvait pas se dérouler n’importe où.
En plus d’être un thriller qui va maintenir le suspense jusqu’au bout du bout, le roman pose un certain nombre de questions sur des sujets de société qui se retrouvent au cœur du livre : la vengeance, la manipulation, l’acharnement, l’équité et l’impartialité de la justice, les faux témoins et les fausses preuves, la corruption, le chantage, la culpabilité, la peine de mort, la délinquance des jeunes, le poids du passé, la rédemption, les rapports familiaux, la difficulté d’être juré. Un livre est très clairement centré sur la violence : violence lors des cambriolages, violence d’un père (le Gouverneur Langford sur sa fille Kenza), violence en prison, violence dans les positions prises lors du procès).
Il y a aussi cette attitude qui me fait toujours peur : vouloir défendre ses biens, ne pas hésiter à menacer d’une arme ou à résister par fanfaronnade alors que la vie est plus précieuse que les biens matériels.
Je ne peux pas dire que les personnages ont suscité de l’empathie mais j’ai beaucoup aimé le roman. Comme quoi, il arrive que le récit soit si prenant qu’il prenne le pas sur les sentiments. Tous autant qu’ils sont peu sympathiques… mis à part les deux braqueurs qui semblent – quand ils sont derrière les barreaux – être de jeunes paumés mais repentis et non calculateurs, avec une part d’humanité. Tous les autres sont arrivistes, calculateurs, coupables. Et tous sont des cabossés de la vie. Si je n’ai pas ressenti de sympathie pour l’avocate Kenza, j’ai par contre été fascinée par le personnage. Mais je ne vais pas parler davantage car il serait dommage de trop en dire. Que les portes des prisons s’ouvrent devant vous…
Un grand merci aux Editions Slatkine& Cie qui m’ont fait découvrir Laurent Loison. Après cette première prise de contact, il est certain que je vais suivre cet auteur.
Extraits :
Le monde à l’envers. Plus moyen de dévaliser tranquillement pépé sans risquer de se faire estourbir.
Abusée, brutalisée, elle se fanait, sachant qu’un jour elle risquait de perdre son ultime pétale. Le verre de trop. Le coup de trop.
L’Arizona étant l’un des derniers États autorisant le port d’armes non dissimulées, il n’était pas rare de voir un biker avec un colt à sa ceinture.
Les joutes verbales la passionnaient. Elle n’ignorait pas le machisme régnant dans les prétoires, mais elle ne s’imaginait pas autrement qu’avocate. Les professeurs assènent plus qu’ils n’écoutent. Les journalistes déblatèrent leurs visions tronquées par leur engagement politique. Les politiques profèrent des discours creux qui leur permettront d’être élus. L’avocat se doit d’opposer une vision des faits à une autre totalement contradictoire. Sans avoir forcément besoin d’y croire.
Y avait-il plus savoureux que de jouer avec la vie d’autrui ? Le pantin tenu au bout des fils du marionnettiste se dandinait au gré des humeurs des avocats, du procureur et parfois du bras de la justice. Ces pantins n’étaient que des inconnus, finalement. Quels étaient les risques à se tromper ? Pouvait-on vraiment perdre son âme à défendre une ordure ?
Elle semblait fatiguée mais pas par manque de sommeil. Plutôt par le poids du monde qu’elle portait sur elle. Lasse et désabusée serait plus juste.
Ça passe vite une heure, tellement vite, surtout en plein kif ; mais, paradoxalement, pas autant qu’en plein stress où l’heure devient une minute filante.
Le sommeil était la seule richesse en prison. Et pourtant, même de cela, il était privé. Les cris, les hurlements de rage, de détresse ou de douleur ne cessaient jamais.
En prison, quand on ne dort pas, on attend. L’antichambre de l’enfer a certainement plus d’attrait. N’importe quoi sert à occuper l’esprit et le corps.
Enfermés entre quatre murs, les criminels perdaient le peu d’humanité qu’il leur restait. La privation de liberté accentuait leur agressivité, la frustration sexuelle les réduisait à l’état de bêtes sauvages et la promiscuité forcée n’arrangeait rien.
Le système carcéral n’était-il pas censé contribuer à la réhabilitation des incarcérés ? Certains se retrouveraient libres de réintégrer la société – celle-là même qu’il fallait protéger. Mais qui sortait réellement de cette bouche de l’enfer ? Des êtres traumatisés, désincarnés qui ont appris à leurs dépens que la violence fait loi.
Le passé était une arme puissante et cela se révélerait d’autant plus vrai en milieu carcéral.
Toutes les saloperies qu’elle avait endurées avaient rejailli d’un coup, lui laissant un énorme trou dans la poitrine. Depuis combien de temps n’était-ce pas arrivé ? Elle ne savait pas, elle ne savait plus, tant elle avait mis d’ardeur à tout enterrer. Jeunesse dorée ? Ça non, ce n’était pas passé. Le cadenas avait volé en éclats.
Deux personnes cabossées par la vie qui se reconnaissaient dans l’abîme de leur souffrance.
Chaque être humain est responsable de ses actes. Il choisit de les commettre, ou pas, en toute conscience – et je ne te parle pas ici des cas de folie avérée. Ce que je veux dire, c’est que tu as été faible. Assez faible pour confondre ta volonté et celle de ces types qui te paraissaient être des héros. Tu n’as pas agi selon ta propre conscience, mais uniquement dans le but de les impressionner. Tu leur as offert ton libre arbitre pour suivre leur bannière, comme un mouton. Reconnaître tes torts et tes responsabilités est un premier pas vers la rédemption.
De là où je me tiens, je ne vois pas comment ce dossier qui part en sucette dès le début va faire de lui-même un double saut périlleux pour retomber indemne sur ses deux petits pieds.
One Reply to “Loison, Laurent «Coupable ?» (RL2020)”
Avec une chronique pareille, je le rajoute à ma liste. Merci