Latynina, Julia «Caucase Circus» (2011)

Latynina, Julia «Caucase Circus» (2011)

Autrice : Julia Leonidovna Latynina est née en 1966. Journaliste économique (Echo de Moscou, Novaya Gazeta et The Moscow Times), connue pour son opposition à Poutine et son franc-parler, elle signe régulièrement
des articles montrant les liens entre le crime et l’économie.
Ses précédents romans sont parus en Russie sous le pseudonyme d’Evgueni Klimovitch. Dans la collection « Actes noirs » ont paru les trois volumes de sa Trilogie du Caucase : Caucase Circus (2011) – Gangrène (2012) et La gloire n’est plus de ce temps (2013).
Dans la même collection, son premier roman « La Chasse au renne de Sibérie » paru en 2008 et en version de poche Babel noir en 2010.

La Trilogie du Caucase tome 1 :
Un polar géopolitique noir comme le pétrole qui croise les trajectoires d’un Moscovite de bonne famille devenu ambassadeur du Kremlin dans une république caucasienne et d’un chef de bande rebelle et musulman qui recherche le meurtrier de son frère.

Actes Sud – Avril 2011 – 304 pages / Babel noir – 352 pages ( traduit du russe par Yves Gauthier)

Résumé : Quand son frère a sauté sur une bombe, il n’a pas quitté la mosquée avant la fin de la prière. Quand le président de la République est venu lui présenter ses condoléances, il lui a dit : « Barre-toi ou je tire ». Niyazbek ne veut d’arrangement avec personne. Niyazbek n’écoute que sa conscience. Quand l’insurrection éclatera dans la République, de quel côté se rangera-t-il ? Du côté de la Russie ? Ou du côté d’Allah ? Un polar géopolitique d’une force rare, noir comme le pétrole.

Mon avis :
L’histoire se passe dans une république imaginaire, du coté de la Tchétchénie, une région totalement ingérable, avec la guerre Russie/Tchétchénie en toile de fond. Une violence inimaginable y règne, l’anarchie totale. On y torture à cœur joie, on y magouille, on règle tout à coup d’attentats, de kalaches, d’intimidation, d’enlèvements, de pots de vin, de rackett. Les gens qui dérangent : une bombe et ciao…  On a affaire à la mafia locale, aux clans et tribus locales, (qui s’allient et changent de camps sans que je comprenne pourquoi) au commandant des Forces spéciales (ancien KGB).  On ajoute aussi la composante religieuse : il y a les musulmans et les autres. Trafic d’influence entre les locaux et l’envoyé de Moscou, affaires de gros sous… La loi du plus fort (du mieux armé) dans toute son horreur…
Mais ce qui m’a principalement totalement perdue c’est qu’il y a un nombre impressionnant d’intervenants, avec des noms pas possibles, et de fait je me suis totalement perdue. Je me suis totalement embrouillée, à ne pas savoir qui est qui, qui est allié à qui, qui veut quoi… ça flingue, ça torture et dégomme de partout et après ? En plus les personnages ne sont pas attachants… Tout le monde est corrompu, partout et à tous les niveaux…
Je pense que je ne suis pas suffisamment au courant de la situation géopolitique pour arriver à recoller le livre à la situation réelle de la région : ça parle de corruption, de subventions, de détournement, de contrebande, de pétrole…
Si on a envie de violence c’est bon… cela se déchaine… Ce qui sauve un peu le coup, c’est l’humour noir et le fait qu’il n’y a pas de temps mort… Mais comme je n’ai pas compris ce qu’il se passait … sauf que la réalité des luttes de pouvoir dans ces régimes totalitaires ne doit pas différer de beaucoup de ce qui est décrit et montre que corruption et fric règnent et contrôlent tout.
Décidemment mes expériences d’auteurs russes contemporains ne sont pas des réussites. Entre  Yana Vagner et son «Vongozero»  (2014) et celui-ci…  Au moins dans « Vongozero » j’ai compris ce qu’il se passait et je ne me suis pas mélangée dans les personnages : par contre je me suis ennuyée. Ici pas le temps de s’ennuyer : il y a toujours quelqu’un qui se fait descendre, menacer, enlever, torturer… Alors clairement je ne vais pas me lancer dans le tome 2 ! je suis arrivée au bout mais j’avoue que j’ai eu du mal car j’étais totalement perdue…
Un point qui m’a intéressé : la façon dont l’autrice décrit toujours les yeux des personnes avec des images très intéressantes.

Extraits :

Je vais t’étonner, mais certaines personnes ont des trucs fragiles. Les nerfs, ça s’appelle.

Si vous voulez vraiment lutter contre le terrorisme dans la république, enchaîna Chebolev, vous devez former un groupe spécial au sein du FSB. Un groupe qui n’aurait de comptes à rendre à personne. Un groupe ayant le pouvoir de capturer qui bon lui semble pour ce que bon lui semble quels que soient les coups de fil et les menaces.

— Tu es bandit, je suis fils de procureur. C’est moi qui décide.

il ne te frappe pas. C’est toi qui piques de la tête dans ses bottes. A peine debout, tu retombes aussitôt. Tu te relèves et encore boum.

Le bruit courait aussi qu’il avait une troisième femme à Moscou, mais nul ne savait exactement s’il l’avait épousée, comme le font les bons croyants, ou s’ils partageaient simplement le même lit, comme le font les Russes.

quand on traite les gens comme des insectes, ils peuvent répondre à coups de dard.

En arrivant chez vous, je me suis cru dans un pays normal. Mon portable marchait aussi bien qu’à Vienne. Mes appartements étaient de standing européen. J’ai même joué sur un terrain de golf magnifique ! Et voilà qu’on m’a traité comme un objet, pas comme un homme ! Un objet qu’on peut voler ! Un objet qu’on peut offrir en cadeau ! Le comble, c’est que mon ravisseur n’est pas un bandit, mais un haut fonctionnaire. Et dans la finance, par-dessus le marché ! Et qui s’imagine que si le capital social d’une société fait quarante milliards de dollars, elle peut en donner vingt en échange de son patron. De la bêtise finie…

— Pour le verdict, ne t’inquiète pas. J’ai payé pour qu’un autre purge ta peine à ta place. 

Un musulman, finit-il par dire, a cinq devoirs. Croire en Allah et son prophète Mahomet, que béni soit son nom, prier cinq fois par jour, faire le hajj, respecter le jeûne et payer la zakât. Où est le devoir de ne pas tuer dans ces cinq piliers-là ?

Chez nous autres montagnards existe une superstition : les balles de qui porte plainte se mettent à voler moins vite qu’avant.

Mais qui t’a dit que j’accepterais de faire la chasse à mes frères musulmans pour la seule raison que c’est dans l’intérêt des Russes ?

Comme chef en titre de l’état-major antiterroriste, il était le troisième homme de la région après Allah et le commandant en chef

Assis par terre, Pankov se disait qu’il était tout autant responsable de ces cadavres qu’Arzo. Parce que si l’on charge un loup de garder un poulailler, on n’a pas le droit de se défausser sur le loup. 

Le pire, c’était que, à la moindre manipulation des faits, la vérité se retournait comme un gant.

— Où voyez-vous des terroristes ?
— Mais ces hommes sont armés, rétorqua la reporter.
— Avez-vous déjà vu des hommes sans armes par ici ?

Quiconque cherche à imposer sa volonté à la Russie est un terroriste et un séparatiste. On peut négocier avec des terroristes. On peut endormir leur vigilance. Mais la Russie ne se laissera jamais manipuler par un ramassis de bandits à la solde de l’Occident !

Mais plus on est brouillé avec le président, plus on se trouve écarté de la mangeoire du budget :

 Or toutes les sociétés, fussent-elles tribales, connaissent une loi étrange : plus tu as d’argent, plus grande est ta famille.

Le problème est ailleurs : quand des mécréants gouvernent des musulmans, ça finit toujours dans la honte.

Sais-tu quelle est la différence entre les Russes et nous ?
— Vous êtes musulmans, dit le colonel.
— Non. Quand on leur crache au visage, les Russes encaissent. Pas nous. Quand Gantamir fonçait sur Grozny, personne en Tchétchénie ne croyait à la guerre. Tout le monde croyait à une explication de texte.
— Et toi ? Tu savais que c’était la guerre ?

L’accolade, dans le Caucase, est une façon de montrer à son ami qu’on ne porte pas d’arme dans le dos

Qui fraternise avec le scorpion sera piqué par le scorpion.

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