Shimazaki, Aki «Le poids des secrets» (Série 5 tomes)
Autrice : est une écrivaine québécoise, née en 1954 à Gifu au Japon. Elle a immigré au Canada en 1981 et vit à Montréal depuis 1991. Aki Shimazaki a d’abord travaillé au Japon pendant cinq ans comme enseignante d’une école maternelle et a également donné des leçons de grammaire anglaise dans une école du soir. En 1981, elle émigre au Canada, où elle passe ses cinq premières années à Vancouver, travaillant pour une société d’informatique. Après cela, elle part vivre pendant cinq ans à Toronto. À partir de 1991, elle s’installe à Montréal où, en plus de son activité littéraire, elle enseigne le japonais. En 1995, à l’âge de 40 ans, elle commence à apprendre le français en autodidacte puis dans une école de langue1. Elle commence ensuite à écrire en français de courts romans. Tous les titres de ces livres portent un mot japonais.
La Japonaise Aki Shimazaki a construit avec Le Poids des secrets une œuvre qui explore la psyché nipponne contemporaine dans ses tabous et ses mensonges, au coeur desquels ses personnages se débattent pour retrouver liberté et dignité.
Romans : Le poids des secrets: 1er cyle : Tsubaki, 1999 – Hamaguri, 2000 – Tsubame, 2001 – Wasurenagusa, 2003 – Hotaru, 2004 – 2ème cycle : Au cœur du Yamato : Mitsuba, 2006 – Zakuro, 2008 – Tonbo, 2010 – Tsukushi, 2012 – Yamabuki, 2013 – 3ème cycle : L’ombre du chardon : Azami, 2014 – Hôzuki, 2015 – Suisen, 2016 – Fuki-no-tô, 2017 – Maïmaï – 4ème cycle : Suzuran, 2019
La Japonaise Aki Shimazaki a construit avec Le Poids des secrets une œuvre qui explore la psyché nipponne contemporaine dans ses tabous et ses mensonges, au coeur desquels ses personnages se débattent pour retrouver liberté et dignité.
Intégrale (Coffret) : 07.04.2010 – Actes Sud – 500 pages /
Avis global : J’ai choisi de faire un sujet complet regroupant les 5 tomes car il me semble difficile de lire le premier sans lire les suivants car il s’agit de fait de la même histoire présentée de différentes manières. J’ai trouvé les personnages attachants et je retiens l’image du coquillage « hamaguri » qui symbolise si bien le couple qui se complète parfaitement. Beaucoup de profondeur, de douceur et de poésie dans l’écriture de ces 5 tomes qui se lisent très facilement et ne constituent qu’une seule et même tranche de vie, sur trois générations.
Tome 1 : Tsubaki (Camélia) – Actes sud – 1.3.2009 – 121 pages / Babel – 02-11-2005 – 114 pages
Résumé : Dans une lettre laissée à sa fille après sa mort, Yukiko raconte le quotidien d’une adolescente pendant la Seconde Guerre mondiale, son déménagement à Nagasaki avec ses parents, le travail à l’usine, les amitiés et les amours naissantes avec son voisin. En révélant peu à peu une trame familiale nouée par les mensonges de son père, elle confesse les motifs qui l’ont poussée à commettre un meurtre, quelques heures avant que la bombe atomique tombe sur sa ville.
Mon avis : A sa mort, Yukiko laisse une lettre qui retrace l’histoire de sa vie. Elle parle de son adolescence, de son premier amour, de son père, de la vie sous les bombes. Un père qui sous une façade bien lisse n’est qu’un manipulateur égocentrique et dénué de tout scrupules.
Ce premier tome est plus un premier volet qui m’a donné l’envie de poursuivre la découverte. Heureusement que j’avais l’intégrale de cette saga, qui fait la taille d’un bon livre … Les personnages sont attachants, et ce récit nous en apprend beaucoup sur la mentalité nippone de l’époque qui privilégie le paraitre à l’être. On sera également sous la bombe atomique qui sera lancée sur Nafgazaki en 1945.
La parole est donnée à Yukiko, qui est la première à donner sa version des faits. Yukiko, fille unique d’un homme instruit et de bonne famille qui vit avec son père et sa mère. Mais est-elle fille unique ? Pas sûr…
Extraits :
— Grand-mère, pourquoi les Américains ont-ils envoyé deux bombes atomiques sur le Japon ?
— Parce qu’ils n’en avaient que deux à ce moment-là, dit-elle franchement.
Pour les Américains, tous les Japonais, civils ou militaires, étaient leurs ennemis, car ils n’étaient pas hakujin (blancs)— Même les chrétiens ? demanda-t-il.
— Bien sûr, répondit-elle sans hésitation. Quand j’habitais à Nagasaki, j’ai rencontré des catholiques. Nagasaki est bien connue pour ses croyants. Un jour, une jeune fille catholique de mon école m’a dit, d’un air très sérieux : « Les Américains sont chrétiens. S’ils trouvent des croix dans notre ville, ils passeront sans faire tomber les bombes. » Je lui ai dit aussitôt : « Pour eux, les Japonais sont des Japonais. » Et la bombe atomique est tombée en face d’une église.
Avant la guerre, il était allé en Amérique du Nord et en Europe pour étudier les langues et la musique. Il disait qu’il avait appris la démocratie en Amérique du Nord et la philosophie en Europe.
« Tiens compte du réel comme les scientifiques, réfléchis bien avant d’agir, sois réaliste, ne mélange pas une chose avec une autre. »
J’aime lire, mais des romans. C’est interdit maintenant de lire de telles histoires. Tous les livres que j’aime ont disparu à cause de la guerre.
La guerre se terminera bientôt. Il le faut. On ne pourrait pas gagner la guerre même en faisant travailler les enfants. Il n’y a pas de liberté. Pas du tout. On n’a pas le droit de dire ce qu’on pense. Ce n’est pas à cause de la guerre. C’est une mentalité dangereuse qu’on a ici. On ne cherche que le pouvoir. On ne fait pas la guerre pour la liberté.
Tome 2 – Hamaguri (coquillage) – Actes sud – 11.05.2011 – 112 pages / Babel – 26-12-2006 – 118 pages
Résumé : Deux petits enfants de Tokyo, Yukio et Yukiko, scellent un pacte de fidélité en inscrivant leurs noms à l’intérieur d’une palourde, comme un serment d’amour éternel. Devenus adolescents, ils se retrouvent à Nagasaki sans se reconnaître ; les sentiments qui les habitent désormais, qui les troublent profondément, leur seraient-ils interdits ? Aux dernières heures de sa vie, la mère de Yukio cherchera à ouvrir les yeux de son fils en lui remettant ce coquillage sorti du tiroir de l’oubli.
Enfant, Yukio avait coutume de jouer au parc avec une fillette accompagnée de son père. Des années plus tard, il apprendra avec effroi que cette famille était aussi la sienne ; il perdra alors un père pour la seconde fois.
Mon avis : On retrouve le récit du premier tome vu sous un autre angle car raconté par un autre protagoniste. Cette fois la parole est donnée à Yukio qui raconte à sa manière sa vie, son enfance de petit garçon élevé par une mère célibataire (orpheline et peu instruite) puis qui connaitre la vie de famille avec l’arrivée d’un beau-père. Il nous raconte sa première amie (de sa naissance à ses 4 ans), puis son premier amour d’adolescence… qu’il n’oubliera jamais… Il parle aussi de la guerre, de la bombe atomique.
Extraits :
Le médecin de l’histoire rendait régulièrement visite à tous les villageois afin de constater leur état de santé. Il n’attendait pas que les gens tombent malades. Il félicitait ceux qui étaient en bonne santé et leur demandait d’expliquer aux autres leur recette. Il n’a pas gagné d’argent car le nombre de malades diminuait de plus en plus. Au lieu de cela, il a gagné le respect des villageois. Maintenant, le village est connu pour la longévité de ses habitants. On y voit naître d’éminents médecins qui reprennent l’esprit de leur prédécesseur.
Je pense à ce qui arrive à la mémoire après la mort. Ce qu’on a dit, ce qu’on a pensé, ce qu’on a appris… Où ça va après la mort ?
Je réponds :
— Je ne pense pas à la vie après la mort. Je crois que la mémoire disparaît au moment de la mort.
Elle demande :
— Comment peut-on savoir que la mémoire disparaît ? On sait que le corps, incinéré ou enterré, se décompose, parce qu’il possède une forme matérielle. Mais la mémoire, qui n’a pas de forme, comment peut-on savoir qu’elle disparaît ?
Tome 3 – Tsubame (hirondelle) – Actes sud – 11.05.2011 – 121 pages / Babel – 04.01.2008 – 118 pages
Résumé : Lors du tremblement de terre de 1923, qui a dévasté la région du Kanto et entraîné plus de cent quarante mille morts, la Coréenne Yonhi Kim devient, question de survie, la Japonaise Mariko Kanazawa. A la fin de sa vie, alors qu’elle est veuve, mère d’un chimiste et grand-mère de trois petits-enfants, le mystère de sa naissance lui est dévoilé: le prêtre catholique qui l’avait recueillie dans son église lors du tremblement de terre, surnommé monsieur Tsubame, était-il l’instrument du destin qui a permis à cette hirondelle de s’élancer hors du nid ?
Mon avis : Troisième version. La parole est à Mariko, mère de Yukio, la jeune orpheline qui avait été mise enceinte par le père de Yukiko et ensuite abandonnée à sa triste condition de mère célibataire avant d’épouser un homme bien, collègue et ami d’université de son amant de jeunesse. On y fait la rencontre d’une jeune coréenne, Yonhi Kim, qui deviendra plus tard Mariko Kanazawa. Troisième voix et troisième version de l’histoire.
Ce tome nous parle de la guerre entre le Japon et la Corée, du racisme anti-coréen, du tremblement de terre. Il nous parle de l’Histoire de la Corée et du Japon.
Extraits :
« Tsubame… » Une douleur court dans mon corps. Je me dis : « Yonhi Kim, où est-elle ? Mariko Kanazawa, où est-elle ? Mariko Takahashi, qui est-elle ? »
Je ne parle à personne de mon origine. Mon fils croit, comme autrefois mon mari, que ma mère et mon oncle sont morts pendant le tremblement de terre, en 1923. La défaite du Japon et l’indépendance de la Corée n’ont rien changé à l’attitude des Japonais contre les Coréens au Japon. La discrimination est toujours là. Avoir du sang coréen cause des soucis insolubles.
En 1910 ? Ah, oui ! C’est l’année où le Japon a annexé la Corée, n’est-ce pas ?
— Annexé ? Hein ! C’est l’invasion même. En conséquence, des milliers et des milliers de Coréens sont venus au Japon chercher du travail.
Tome 4 – Wasurenagusa (myosotis) – Actes sud – 04.05.2011 – 128 pages / Babel – 04.02.2009 – 125 pages
Résumé : Quelques années après son mariage, Kenji Takahashi apprend qu’il est stérile. Accablé et dépressif, il divorce et quitte la maison familiale. Seule compte encore pour lui sa nurse, Sono, exilée en Mandchourie. Lorsqu’il fait la connaissance de Mariko, qui vit seule avec son fils Yukio, il en tombe amoureux et l’épouse contre l’avis de ses parents, qui le déshéritent. Quarante-six ans plus tard, retraité et affaibli, il recherche les traces de Sono.
Au moment où il retrouve sa tombe, sur laquelle est inscrit le nom de la fleur de myosotis (wasurenagusa), il découvre le secret de ses origines et le terrible malheur qui a frappé ses parents.
Mon avis : La parole est à Kenji, le mari de Mariko, le père adoptif de Yokio. Lui aussi a eu un parcours difficile, dû à ce qui est considéré comme une tare au Japon, et surtout dans une famille traditionnelle : il est stérile et de ce fait ne peut assurer sa « responsabilité d’héritier ». Ce tome nous révèle les lourds secrets de sa famille. C’est aussi le tome qui nous raconte le mieux la rencontre de Mariko et son mari, qui nous parle de la Façon dont ils ont été mis en contact. La place de l’Eglise catholique au Japon est également abordée.
Extraits :
Depuis que j’ai atteint l’âge de raison, mes parents me répètent : « Kenji, n’oublie pas que tu es l’héritier de la famille Takahashi. Tu dois te comporter en enfant digne de notre ancêtre. » Nous descendons, selon notre généalogie, de nobles de la cour impériale.
« Je le conserverai précieusement en pensant à toi, avec le nom niezabudoka. » Elle a souri et m’a dit : « Mais je ne connais pas le nom de ces fleurs en japonais. C’est drôle. » J’ai dit : « Elles s’appellent wasurenagusa en japonais. » « Wasurenagusa ? Quel beau nom ! » « En fait, je ne le connaissais pas non plus. Mariko me l’a appris lors de notre première conversation à l’église. »
Tome 5 – Hotaru – Actes sud – 01.03.2009 – 137 pages / Babel – 19.08.2009 – 133 pages
Résumé : Tsubaki est très attachée à sa grand-mère, Mariko Takahashi, dont les jours sont désormais comptés. Alors que la jeune femme se sent prête à succomber aux lueurs du désir, la vieille dame lui fait des révélations troublantes sur sa propre innocence abusée. L’étudiante apprend alors le lourd secret dont jamais encore sa grand-mère n’avait parlé, pas même à son défunt mari, non plus qu’à son fils, le père de Tsubaki.
Mon avis : La parole est de nouveau donnée à Mariko. Cette fois-ci c’est surtout un dialogue entre Mariko et sa petite-fille. Avec ses mots elle va nous parler des abus de pouvoirs, de l’importance pour une jeune fille de dire « Non » à des adultes (Supérieur, professeur), des hommes plus âgés et/ou mariés qui abusent de leur pouvoir pour avoir des relations sexuelles avec les adolescentes ou les filles sans défense. Elle raconte sa vie, explicite ses relations avec les parents de Yukiko, les raisons de ses secrets et de ses actions.
Extraits :
— Ojîchan, pourquoi les lucioles émettent-elles de la lumière ?
Il répond :
— Pour attirer des femelles.
Je suis étonnée :
— Alors, les lucioles sont-elles mâles ?
— Oui. Les femelles sont des vers luisants. Elles émettent aussi de la lumière, mais elles ne volent pas. Les deux s’échangent des messages amoureux en clignotant.
Je m’exclame :
— Comme c’est romantique !
— Oui, dit Ojîchan. Au moins pour nous, les Japonais.
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
— En France, il existe une superstition étrange : ces lumières seraient les âmes des enfants morts sans avoir reçu le baptême. Pour les gens qui y croient, ces insectes sont bien sinistres.
2 Replies to “Shimazaki, Aki «Le poids des secrets» (Série 5 tomes)”
J’ai trouvé cette saga excellente, et de même pour tous les autres romans de Aki Shimazaki. Et justement j’ai la saga « l’ombre du chardon » en cours…
J’ai aussi envie d’en lire d’autres de cet auteur