Iacono, Yoann « Le Stradivarius de Goebbels » (2021)

Iacono, Yoann « Le Stradivarius de Goebbels » (2021)

Auteur : Né le 30 décembre 1980 à Bordeaux, Yoann Iacono est diplômé en lettres supérieures, de l’Institut d’Etudes Publiques de Toulouse et de l’Institut National des Etudes Territoriales à Strasbourg. Haut-fonctionnaire et conseiller politique, il a travaillé pour d’anciens ministres.

Slatkine & Cie – 05.01.2021 – 272 pages

Résumé :
Ce récit est le roman vrai de Nejiko Suwa, jeune virtuose japonaise à qui, en 1943, Joseph Goebbels offre un Stradivarius pour célébrer l’Axe Berlin-Tokyo.
Nejiko l’ignore alors, le violon appartient à un Français, Lazare Braun, musicien juif spolié et assassiné par les nazis. Elle ne parvient pas à jouer de l’instrument. Tous les violons ont une âme. L’histoire du Stradivarius la hante.
Après-guerre, Félix Sitterlin, le narrateur, est chargé par les autorités de la France Libre de retrouver le violon volé. Il rencontre Nejiko. Elle finit par lui confier son journal.
Pour écrire ce premier roman, Yoann Iacono, 39 ans, a enquêté plusieurs années en France, en Allemagne, au Japon et aux États-Unis où il a eu accès à des fonds d’archives aussi inédits que son sujet. Il a choisi le mode romanesque non pas pour mentir vrai mais parce que, comme l’écrivait Mark Twain, « si la réalité dépasse la fiction, c’est que la fiction doit rester crédible, pas la réalité ».

Mon avis : Ah coup de cœur pour ce premier roman. C’est l’histoire vraie d’une jeune violoniste japonaise envoyée en Europe pour perfectionner l’apprentissage de son art. Mais pas que… C’set aussi l’histoire de son violon, la description de Paris et de Berlin pendant la deuxième guerre mondiale, pendant l’occupation. C’est les relations internationales pendant et après la guerre. Le rapport entre la musique et la politique… La traque des objets d’art qui ont été volés aux juifs par les allemands pendant la guerre, l’aryanisalion et la spoliation des juifs . Les liens qui se tissent – ou pas – entre un artiste et son instrument.
Avec Nejiko, j’ai fait le tour du monde (ou presque) : Tokyo, Paris, Berlin, Bedford (USA), Tokyo, Los Angeles, Cologne, et j’ai bouclé la boucle en retournant définitivement au Japon). Nejiko, qui en plus d’être la soliste du Philarmonique de Berlin se révèle être une artiste complète qui maitrise l’art de la lithographie, aime lire.
L’accent a également été mis sur les affinités entre allemands et japonais, alliés dans la guerre et ayant développé des activités similaires (expériences sur les êtres humains dans les camps). La dimension politique de l’Orchestre philarmonique de Berlin est mise en avant. Nejiko va côtoyer les officiers allemands, dont Goebbels – qui se trouve être l’homme le plus raciste qui soit et prône l’élimination des juifs, mais aussi des noirs, des homosexuels, des êtres imparfaits -, les diplomates, les artistes.
Alors que certains veulent vaincre par les armes, sa guerre est bien différente : elle se déroule entre elle et son violon, car elle n’arrive pas à s’entendre avec le violon qui lui a été offert par Goebbels ; elle va tout faire pour tenter de connaitre la provenance de ce magnifique Stradivarius – à moins qu’il ne s’agisse d’un Guarneri ? Elle tentera de se renseigner auprès des allemands, auprès d’un luthier à Paris, car ne dit-on pas que le violon connait le passé et la vie de ses précédents propriétaires ? Les liens qui se tissent – ou pas – entre un artiste et son instrument sont un problème majeur dans sa vie.
Nejiko va tenter de vivre le plus longtemps possible dans Paris en guerre, repoussant un départ vers Berlin que tout le monde tente de lui imposer pour sa sécurité, le Japon étant un pays allié aux nazis, les japonais y sont protégés. Elle adore fréquenter le quartier de Saint-Germain, le « Flore », ce « repaire de résistants et d’artistes ratés ». Le roman parle aussi du monde musical du jazz dans le Paris d’avant-guerre (Django, Duke Ellington, Boris Vian) et à Berlin (le Berlin-Jazz) pendant les premières années de la guerre, la résistance avec le « Swing » en dépit de l’interdiction de jouer cette « musique de nègres » comme l’appellent les allemands à l’époque.
Elle vivra la fin de la guerre à Berlin, sous un déluge de feu et de bombes. C’est là, dans un abri souterrain, en plein bombardement, qu’elle fusionnera avec son instrument.
Le roman aborde d’une part la traque du violon aux origines plus que douteuses par un policier-musicien français et d’autre part la vie de la violoniste que celle-ci raconte dasn son journal.
Nejiko sera invitée par le Général MacArthur à se rendre à Los Angeles, une fois la guerre terminée, en tant qu’ambassadrice de la paix par la musique. Son journal se termine par ses réflexions sur la place de la musique dans la vie, dans les relations internationales.

Une fois encore je remercie les Editions Slatkine & Cie de leur confiance et de m’avoir permis de lire ce livre. Une fois encore un premier roman qui sort des sentiers battus et que je recommande vivement.

Extraits :

On dit que les violons ont une âme. Les luthiers parlent toujours à voix basse de cette pièce d’épicéa placée à l’intérieur de la caisse de résonance et située à quelques millimètres du pied droit du chevalet. Le placement de l’âme à l’intérieur de l’instrument se fait quand il est terminé, avec une pointe aux âmes.

Connaissez-vous Spinoza ? L’esprit et le corps ne font qu’un, et dans notre cas, ils ne font qu’un pour interpréter et assembler les notes en musique. Avec le temps, nous devenons tous mystiques.

Les jeunes musiciens en ont l’intuition, leurs maîtres la certitude : les violons ont une âme mais ils ont aussi une mémoire. Une mémoire au sens propre : le bois vit, travaille, enregistre les sonorités et les émotions. Il les absorbe, s’en imprègne, les intègre, au point que l’instrument se comporte de manière singulière sur un morceau joué des centaines de fois.

En art, la sensation et l’intuition priment sur l’analyse.

Je viens pour faire de la musique, et la musique véhicule des sentiments universels parmi lesquels l’aspiration à la non-violence et à la paix.

Qu’est-ce donc que la musique ? Un bref son entre deux silences ? Un long silence entre deux mélodies ?

Info : Nejiko Suwa (諏訪根自子?) (Tokyo, 23 janvier 1920 – Tokyo, 6 mars 2012) est une violoniste japonaise. Elle se fait d’abord connaître en tant qu’enfant prodige pendant l’entre-deux-guerres, avant d’être active avant les années 1960.Sa maîtrise du violon lui vaut de recevoir un Stradivarius de la part de Joseph Goebbels le 22 février 1943. Son nom reste aujourd’hui associé à la controverse entourant l’origine de ce cadeau. (Wikipedia)

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