Barde-Cabuçon, Olivier «Le cercle des rêveurs éveillés» (2021)

Barde-Cabuçon, Olivier «Le cercle des rêveurs éveillés» (2021)

Auteur : Olivier Barde-Cabuçon vit à Lyon. Après un début en cabinet d’avocat, il exerce ses talents de négociateur dans un groupe international. Il écrit ses romans le week-end et pendant les vacances Féru de littérature, d’art et d’histoire, son goût pour les intrigues policières et son intérêt pour le XVIIIe siècle l’ont amené à créer le personnage du « commissaire aux morts étranges ». Il a également écrit d’autres romans comme « Les Adieux à l’Empire » (2016) ou « Le Détective de Freud » (2010) , «Le cercle des rêveurs éveillés» (2021) , «Hollywood s’en va en guerre» (2023)

article global sur la série du « commissaire aux morts étranges ».

Gallimard – Série noire – 08.04.2021 – 512 pages

Résumé : Paris 1926. Tournées vers les plaisirs et la fête, les années folles battent leur plein et Montparnasse est le nombril du monde. La mort suspecte d’un patient amène Alexandre Santaroga, psychanalyste atypique, à s’intéresser à un mystérieux cercle de rêveurs éveillés. La rencontre fortuite avec Varya, récemment échappée de la Russie bolchevique, lui permettra d’y enquêter. Mais Santaroga a-t-il introduit une brebis ou un loup au sein du cercle ? Surréaliste et adeptes du rêve éveillé, aventurière et artiste, Russes blancs ou Américain en goguette, Olivier Barde-Cabuçon donne vie à une galerie de personnages étonnants du Paris flamboyant de l’époque tandis qu’en coulisses se dessinent la montée du fascisme et la tentation de dangereuses alliances.

Mon avis : Gros coup de cœur pour ce roman qui nous entraine dans le Paris des années 20, des années folles, en compagnie d’un psychanalyste français qui habite à Genève, Santaroga, d’une peintre, de russes blancs et rouges, d’apatrides arméniens et bien d’autres…
Le livre parle de psychanalyse, mais pas que.. Il nous entraine dans le tourbillon qui caractérise Paris à cette période : une époque de liberté, de foisonnement, de fête, de détente, de culture (le dadaïsme, surréalisme, l’Art déco, la mode, les spectacles – Mistinguett, Joséphine Baker -) , la libération de la femme, la tap dance(les claquettes)…
Le psychanalyste se retrouve, suite à la mort de l’un de ses patients, au centre d’une enquête pour meurtre. « Et Freud n’avait-il pas énoncé qu’un psychanalyste était un détective de l’âme ? » …  Alors il va enquêter.
La porte d’entrée dans le monde du rêve est un clin d’œil à Lewis Carroll et «Alice au pays des merveilles», mais surtout une référence à Jung et à Freud, aux chamanes,  Freud et son obsession pour la sexualité, Jung et son ouverture d’esprit.. Alors il n’y a plus qu’à suivre le Lapin Blanc… mais attention… qui sait où cela va nous conduire…surtout si vous faites confiance aux surréalistes…
Il y a aussi le volet politique du roman nous fait voyager jusqu’à Ekaterinbourg en Russie, pénétrer dans la Maison Ipatiev, où ont été séquestrés puis assassinés le tsar Nicolas II et sa famille en 1918.
Je ne peux pas vous en dire plus pour ne pas casser la magie de ce livre. Aussi je vous laisse faire la connaissance de la mystérieuse Varya et de ceux et celles qui vont lui tenir compagnie tout aux long du roman…
Ah si, il y a également une référence à la mythologie (Hécate) .
Je me suis attachée aux personnages, j’ai aimé le coté historique, le coté psychologique, l’action, la description du Paris de l’époque, la manière de recouper les indices, l’intrigue… Le personnage de Santaroga est magnifique, à la fois insaisissable et protecteur ( le moine de service 😉 )
Le tout avec une écriture fluide qui fait de ce roman palpitant et instructif un page-turner que je n’ai pas lâché et qui occupe la première place des coups de cœurs de l’année 2021. Je pense qu’il sera difficile à détrôner.
J’espère enfin que Santaroga va devenir un personnage récurrent. J’avais adoré « Le détective de Freud » et je regrettais de ne pas avoir eu de suite à ce roman … Peut-être Saratoga exaucera-t-il mon rêve(éveillé) et reviendra-t-il prochainement ?

Extraits : ( j’ai eu du mal à choisir tellement il y avait de phrases qui me parlaient)

Mal dormi. De mauvais rêves qui ne mènent à rien. Des boucles sans fin. Un escalier qu’on descend, une porte qui s’ouvre et une autre qui reste fermée alors qu’elle voudrait bien la pousser. À force, tout se mélangeait dans ses souvenirs : des champs de bataille incertains, des trahisons, des crimes et bien peu de châtiments.

le chamane est surtout un intercesseur entre le monde visible et le monde invisible. Et pour cela, il a besoin de pratiquer certains rituels pour quitter son corps. Certains consomment des plantes psychotropes qui altèrent leur état de conscience et amplifient leur perception des choses de l’invisible.

Moi je crois au rêve. La voie royale qui nous conduit à l’inconscient. Avec lui, notre psychisme échappe à la censure du surmoi. Le rêve peut donc révéler, sous une forme imagée et symbolique qu’il nous revient d’analyser, les conflits inconscients de chacun de nous. Le rêve rappelle aussi à l’homme qu’il porte en lui une mémoire oubliée, celle de l’humanité.

Jung le disait : « Quiconque entre dans le pays des fées doit venir avec la bonne clé ! »

Elles demandaient le droit de vote pour les femmes. Quelle idée ! En Russie, c’était plus simple : on ne votait pas du tout !

Hécate ! Que n’avait-on sacrifié à la terrible déesse : des chevreaux, des chats, des bœufs noirs, des chiens qui hurlent à la lune. Magicienne par excellence, elle reliait enfer, terre et ciel. Déesse lunaire, de l’ombre, de la nuit et aussi déesse des carrefours, lieux hantés par la magie la plus terrible. On rencontrait Hécate en enfer comme à la surface de la terre les jours de pleine lune et les jours de lune noire. « Elle se tient en tous lieux où se croisent trois chemins. »

La persona. Votre masque de représentation en société. Ce que vous n’êtes pas en réalité mais ce que les autres pensent que vous êtes. Parfois aussi ce que vous imaginez être vous-même car telle est la puissance du masque qu’il peut aspirer la personnalité de son porteur !

— Les souvenirs refoulés. Votre esprit est comme une maison. Ils tambourinent à la porte pour qu’on les laisse entrer. Souvent, ils surgissent dans les rêves car le surmoi est alors endormi et n’exerce plus aucune censure.

L’Europe semblait traversée de grands remous migratoires et la France paraissait à tous une terre d’asile. Pour combien de temps encore ?

— Le surréalisme, voyez-vous, c’est libérer notre inconscient, envoyer se faire foutre la société et voguer sur des eaux inexplorées, nos voiles gonflées de rêves et de désirs.

— Le Suisse ?
— Il n’est pas suisse. Simplement genevois !

— Mais à la fin, êtes-vous flic ou psychanalyste ?
— C’est un peu pareil, voyez-vous. Les deux mènent une enquête, l’une de ces enquêtes est simplement plus collaborative !

Info :

Mythologie : La déesse Hécate fait partie de la Triade Lunaire, avec Séléné et Artémis : Hécate représente la nouvelle lune ou lune noire, qui symbolise la mort (ou la renaissance) – Le symbolisme de la destinée, de la croisée des chemins. Hécate présente deux aspects opposés : déesse protectrice liée aux cultes de la fertilité, accordant richesse matérielle et spirituelle, honneurs et sagesse, conductrice des âmes ; mais aussi déesse de l’ombre et des morts.

2 Replies to “Barde-Cabuçon, Olivier «Le cercle des rêveurs éveillés» (2021)”

  1. Emballée par ta critique, j’ai bien aimé aussi ce roman où on se ballade dans le Paris des années folles mais où l’on sent déjà arriver le souffle effrayant du fascisme et de la seconde guerre mondiale.
    Ton avis est tellement complet que je ne vois rien à y ajouter

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