McDermid, Val «Northanger Abbey» (2014)

McDermid, Val «Northanger Abbey» (2014)

Autrice : Val McDermid, née le 4 juin 1955 à Kirkcaldy, en Écosse, est une écrivaine écossaise, auteur principalement de romans policiers, traduits dans trente langues et vendus à plus de dix millions d’exemplaires. Son œuvre, qui développe les thèses féministes et engagées de l’auteur, compte quatre séries policières aux héros récurrents distincts : Lindsay Gordon, une journaliste lesbienne apparue dans son tout premier roman, partage plusieurs points communs avec Val McDermid ; Kate Brannigan, une détective privée ; le Dr Tony Hill, profiler, et l’inspectrice Carol Jordan mènent des enquêtes dans des milieux particulièrement glauques et violents; enfin Karen Pirie, DCI à la « Police Scotland’s Historic Cases Unit ». Les romans de Val McDermid sont d’ailleurs associés au Tartan noir, une conjonction stylistique entre le roman noir et la culture écossaise. Val McDermid est aussi critique de littérature policière pour la presse écrite et, s’étant toujours intéressée à l’écriture dramatique, collabore à des émissions radiophoniques de la BBC.
Elle et sa conjointe vivent, avec leurs trois chats, à Manchester et possèdent une maison de campagne dans le Northumberland.
Avec « Northanger Abbey » elle rend hommage à Jane Austen, la plus populaire des romancières anglaises du XIXe siècle.

Editeur Terra Nova – 04.06.2014 – 348 pages – / Poche 04.05.2016 – 380 pages

Résumé : Catherine Morland est une jeune femme un peu naïve qui ne connaît pas grand-chose du monde. Elle vit dans un pittoresque village où il ne se passe rien et, pour égayer sa vie, se perd dans les livres. Surtout des histoires gothiques qui lui procurent de délicieux frissons. Quelle joie lorsque des amis l’invitent à C. Elle y rencontre Henry Tilney, le jeune homme propriétaire d’un domaine au nom prometteur : Northanger Abbey.
L’imagination de Catherine s’emballe : une ancienne abbaye, des tourelles en ruine, des chambres secrètes, des fantômes… Elle est fascinée par Henry, mais ne peut pas s’empêcher de se demander si tout est réellement aussi parfait… Et quels secrets dissimulent les hauts murs de Northanger Abbey ?

Explication de la réécriture :
Le roman original, Northanger Abbey, également connu en français sous le titre Catherine Morland est un roman de Jane Austen, publié à titre posthume en décembre 1817, mais rédigé dès 1798-1799 et alors intitulé Susan. L’œuvre raille la vie mondaine de Bath, que Jane Austen avait connue lors d’un séjour en 1797, et parodie les romans gothiques fort appréciés à l’époque : son héroïne, la toute jeune Catherine Morland, qui ne rêve que de sombres aventures se déroulant dans de vieux châteaux ou des abbayes gothiques, croit qu’elle pourra en vivre une lorsqu’elle est invitée à séjourner à l’abbaye de Northanger.
le Austen Project: il s’agit d’adaptations modernes de textes classiques. Joanna Trollope écrit une adaptation de Sense & Sensibility, Curtis Sittenfeld s’empare de  Pride & Prejudice. Val MacDermit réécrit Northanger Abbey, Alexander McCall Smith va s’attaquer à Emma…

Mon avis:
Le roman a été transposé de Bath en Ecosse, ce qui ajoute un élément « gothique » à ce roman d’apprentissage mais sinon c’est extrêmement fidèle à l’original, et on y retrouve les mêmes personnages qui ont gardé leurs patronymes et la Cat du XXIème siècle va vivre les mêmes événements que la Cat de Jane Austen.
Cette parodie du gothique – qui est l’étiquette collée au roman de Jane Austen – est parfaitement respectée par Val McDermid… la petite jeune innocente qui sort de son habitat bien familial et rassurant pour affronter les dangers … la rencontre avec des personnages angoissants et dominateurs qui cachent surement quelque chose, la peur qu’elle ressent à se trouver prise dans les filets de ces hommes imposants et dominateurs, le gentil héros salvateur, la vielle ville d’Édinbourg avec ses venelles grises et étroites, l’abbaye de Northanger, avec ses couloirs condamnés, ses tourelles en ruine et les conditions propices au mystère et aux angoisses..
Le tout dans une ambiance horrifique entretenue par la lectures de romans qui effraient et entretiennent l’illusion de la peur, la notion de l’isolement dans la deuxième partie, quand Cat se sent isolée, sans réseau wifi, sans connexion internet, sans possibilité de joindre ses connaissances par téléphone… Cat va-elle se faire vampiriser ? va-elle être happée par les tenebres ? rejointe par les horribles bruits qui circulent ? Va-t-elle être broyée par les horreurs que certaines personnes véhiculent à son sujet, par méchanceté, jalousie, vengeance ?
J’ai trouvé intéressante cette transposition d’histoire d’une époque à l’autre, en restant fidèle aux personnages et à l’intrigue.

Extraits :

La vie de Catherine Morland était une source de déception constante pour elle, car son existence ne ressemblait en rien aux livres qu’elle affectionnait. Les romans dans lesquels elle trouvait quelque ressemblance avec sa vie étaient assommants.

L’enfance de garçon manqué qu’avait menée Cat était le produit de son désir d’être l’héroïne de sa propre aventure. Les histoires qu’elle avait écoutées d’abord, puis lues par la suite, avaient enflammé son imagination et lui avaient donné un monde imaginaire avec lequel elle pouvait jouer.

Annie ne manifesta aucune inquiétude quant aux dangers qui pouvaient menacer sa fille dans les rues d’Édimbourg ; pourtant, elle avait lu les romans policiers d’Ian Rankin et de Kate Atkinson.

On ne peut pas désirer quelque chose qui relève du domaine du rêve et de la fantaisie. Il faut avoir l’impression que c’est réel pour y croire.

C’était tout à la fois excitant et troublant. Un danger la guettait peut-être ou alors un prince charmant. Il était temps de plonger dans l’inconnu et non de se dérober.

Elles virent certes de nombreux tableaux, des sculptures et d’obscures installations artistiques ; mais, bien plus encore, c’est la ville qu’elles découvrirent, du plan en damier de la ville nouvelle géorgienne au dédale de ruelles et de passages de la vieille ville, où Burke et Hare s’étaient adonnés à leur commerce macabre. Cat avait lancé une recherche sur Google et s’était intéressée à la face cachée d’Édimbourg. Ce fut elle, bien plus que Susie, qui agrémenta leurs déambulations dans la ville d’histoires de déterreurs de cadavres, de citoyens au double visage qui cachaient leurs sombres secrets derrière le masque de la respectabilité.

Vous êtes passés maîtres dans l’art du troll, vous, les hommes ! Beaucoup plus que les femmes. Vous êtes les diables qui hantent Internet avec vos lettres majuscules tapageuses et vos insultes outrageantes, sans parler de la façon dont vous mutilez la langue anglaise.

Ce n’est pas parce que tu ne t’intéresses pas aux mêmes choses que moi qu’elles n’ont aucune valeur.

Cat fut prise d’un petit frisson délicieux. Elle avait déjà estimé que les ruelles étroites mal éclairées qui serpentaient entre les rues de la ville nouvelle étaient un territoire propice aux créatures surnaturelles qui pouvaient aisément se tapir dans les recoins les plus sombres.

Si les citoyens d’Édimbourg avaient voulu transformer la circulation automobile dans la capitale en un cercle de l’Enfer que Dante n’aurait eu aucun mal à reconnaître, ils n’auraient pas pu faire mieux que le jour où ils décidèrent de réintroduire les tramways dans la ville.

Elle tourna la page pour faire apparaître une imposante maison forte photographiée à l’aube. Cat en avait suffisamment appris à Édimbourg pour comprendre qu’il s’agissait d’un mélange de gothique et de style seigneurial écossais.

La fidélité et la considération mutuelle sont les bases de la danse et du mariage.
— Les jeux de jambes aussi, à l’évidence. Mais les époux sont censés rester ensemble pour toujours. Les danseurs tournoient dans la salle de bal pendant une heure ou deux, puis se séparent.

— Je suppose que tu ne lis pas ce genre de littérature.
— Et qu’est-ce qui te fait penser ça ?
— Ce n’est pas assez intellectuel pour quelqu’un comme toi.
— Je déteste le snobisme littéraire, Cat. Ceux qui ne trouvent aucun plaisir à lire une bonne histoire bien écrite sont les pires.

En tout cas, s’il y a bien un genre de livres que je ne supporte pas, ce sont les livres d’histoire. Beaucoup trop solennels à mon goût. Je pense que l’histoire pourrait être plus intéressante si on parlait de l’invisible autant que du visible. […]
— J’aimerais comprendre ce que tu entends par là, dit-il en soupirant. L’histoire nous apprend qui nous sommes.

— Il n’y a aucun cynisme chez toi, Cat. Tu vois le bien partout, chez tout le monde ; or il y a aussi des personnes qui n’ont pas forcément de bonnes intentions et, pourtant, tu persistes à penser du bien d’elles.

C’était impossible ! Les Tilney ne pouvaient pas vivre dans un endroit aussi isolé sans connexion numérique. Elle savait qu’il y avait une poignée d’habitants dans son village qui n’avaient ni téléphone portable ni adresse mail, mais ils étaient soit vieux, soit bizarres. Le général était peut-être un peu excentrique, mais certainement pas bizarre. Il devait y avoir une raison à l’absence de connexion, et une petite voix inquiétante, qu’elle ne voulait pas écouter, avait une ou deux idées sur la question.

Cat ne parvenait pas à comprendre une telle réaction. Quand on aimait quelqu’un, ne voulait-on pas se souvenir de son apparence ? N’avait-on pas le désir de retourner dans les endroits qu’il avait aimés pour se sentir plus proches de lui ?

— Ce n’est pas le voyage qui me contrarie. C’est le fait d’être jetée dehors au milieu de la nuit comme une bonne de l’époque victorienne qui serait tombée en disgrâce.

— Il est impossible de prouver l’inexistence de quelque chose.

Info :
Le Gothique :  avant tout dans la littérature à partir du 19e siècle jusqu’à aujourd’hui une question d’atmosphère comprenant les ingrédients suivants : lieu clos (idée d’enfermement) type manoir, château, ou grande maison pleine de pièces, labyrinthes, couloirs, passages, caves, greniers, portes fermées / secrètes ; lieu isolé (forêts, montagnes) et souvent un peu exotique ; un temps pourri, maussade, lugubre, froid, souvent en automne / hiver, et très souvent de nuit ; de la violence (sexuelle, physique) ; un sentiment d’oppression ; un élément surnaturel: vampires, fantômes, monstres, zombies…) ou de folie ; un élément d’inquiétante étrangeté (quelqu’un que l’on pensait connaître et qui devient dangereux, ou un objet / animal que l’on pensait familier qui devient menaçant ou étrange), un élément fantastique. Le Gothique est lié au Fantastique et à l’exploration des peurs et de ce qu’elles représentent. La plupart des romans de cette catégorie ont une atmosphère Gothique mais peuvent avoir d’autres caractéristiques. Le pure Gothique ne réfère qu’aux romans du 18e siècle. (Wikipedia)

Photo : provient de la page :  Ecosse #10 Borders, chapelles & abbayes – Jomaya – Voyages

 

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